Disons-le haut et fort, affirmons-le pour en finir avec les instrumentalisations : les insultes adressées à Alain Finkielkraut ont été l’œuvre de voyous illuminés et racistes qui confondent antisémitisme et antisionisme. Ils doivent être condamnés, fortement, car on ne peut pas laisser se propager la haine contre les juifs, ou d’autres d’ailleurs.

Mais, il faut aussi dénoncer la manipulation quasiment hystérique qui a déferlé après la diffusion de la vidéo où on voyait Finkielkraut pris à partie en des termes qui tombent sous le coup des lois Gayssot et Taubira, car les insultes proférées sont un délit.

De Zemmour au CRIF en passant par Emmanuel Macron et son gouvernement, les annonces sont inouïes. Tous ont saisi l’occasion pour dénoncer les insultes (c’est le moins qu’ils pouvaient faire) mais pour, aussitôt, demander qui des sanctions exemplaires, qui de nouvelles lois, qui l’interdiction des manifestations, parfois avec des arguments mensongers, en profitant de l’émotion bien légitime de tous les antiracistes et de tous les démocrates.

Eric Zemmour ose affirmer sur LCI (où il a antenne ouverte), à propos de l’insulteur : « C’est un lecteur du Coran. Il y a de nombreux versets appelant au meurtre des juifs. Il dit « La France est à nous »… Il y a une stratégie des frères musulmans de colonisation de la France (…) Il y a une alliance entre l’extrême gauche qui cherche des troupes avec les jeunes musulmans de banlieue contre le capitalisme, et les frères musulmans qui cherchent des alliés pour islamiser la France et abattre juifs et chrétiens. »

Le Parisien, lui, a recueilli la parole du président du CRIF, qui ose affirmer : « Le mouvement s’est radicalisé et a été infiltré par les mouvements complotistes, l’extrême droite et l’extrême gauche, les islamos-gauchistes et les salafistes. Il leur donne l’occasion de venir exprimer leur haine des Juifs, d’Israël à ces manifestations du samedi. »

Il se trompe et il nous trompe en affirmant de telles énormités. Mais, aussitôt, il avance ce qui est déjà envisagé par des députés de la droite extrême comme Eric Ciotti : « Il faut prendre des mesures drastiques pour faire cesser ces manifestations qui ne servent plus à revendiquer sur le pouvoir d’achat, mais à exprimer la haine des institutions, de la République et des Juifs. »

De tels discours ne sont pas pour déplaire à Macron et à son gouvernement qui souhaitent se débarrasser des manifestations de tous les samedis où leur politique ultralibérale, pro-business, pressurant les pauvres pour gaver les plus riches est mise en accusation.

Dans les médias, on n’entend guère les voix plus raisonnables qui s’opposent à la manipulation des événements. Comme celle de l’historienne Annette Wieviorka, qui sur France Inter s’oppose à une loi qui criminaliserait l’antisionisme : « C’est une idée bizarre, on a tout un arsenal législatif, c’est pas très difficile de montrer que c’est une injure. » Comme celle de Dominique Vidal, journaliste et spécialiste du Proche-Orient, dit dans L’Humanité : « On part de quelques cris de haine dans une rue et on finit à l’Assemblée nationale avec une loi liberticide qui, si elle était adoptée, mettrait fin à un acquis très important, l’absence du délit d’opinion en France. » Dominique Vidal affirme haut et fort : « On en arrive à des analyses ubuesques qui relèvent du surréalisme le plus débridé. C’est un enchaînement de manipulations qui vise à faire taire les critiques dans un moment de radicalisation sans précédent de la politique israélienne. » Par ricochet, ces manipulations visent à faire taire les critiques de la politique d’Emmanuel Macron.

La boucle est bouclée.