Léo Charles, maître de conférences à l’université de Rennes 2, est membre des Economistes atterrés. Spécialiste des finances publiques et des services publics, il vient de rédiger une note sous le titre « Ceci est une pipe : intox autour de la suppression de l’ISF » dans laquelle il démonte l’argumentation développée par Emmanuel Macron selon lequel le rétablissement de cet impôt n’améliorerait pas la situation d’un seul gilet jaune.
Dans sa note Léo Charles rétablit la vérité à propos du remplacement de l’ISF par l’IFI :
« De quoi parle-t-on ? L’Impôt de solidarité sur la fortune taxait, au-delà de 1,3 million d’euros et de façon progressive, le patrimoine des contribuables les plus fortunés. Etaient inclus dans le calcul de l’ISF la quasi-totalité des biens détenus par le contribuable : les propriétés immobilières, les placements financiers, l’argent détenu en liquide, les meubles, les bijoux et même les chevaux ! Par contre, les biens professionnels étaient exclus. Au 1er janvier 2018, le président Macron a supprimé l’ISF et l’a remplacé par un nouvel impôt – l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) – qui taxe les seuls patrimoines immobiliers de plus de 1,3 million d’euros. En matière de finances publiques, ce remplacement n’est pas indolore. En effet, l’ISF rapportait à l’État 4,5 milliards d’euros de recettes fiscales. Transformé en IFI, il ne rapporte plus que 1,2 milliard, soit une perte nette de 3,2 milliards d’euros pour les finances publiques. »
Puis, l’Economiste atterré tord le cou à la prétendue fuite des riches :
« Avant de détailler un peu plus cette soi-disant « fuites des riches », il convient de préciser qu’en tout état de cause, l’existence de l’ISF en France n’a pas empêché les riches de devenir de plus en plus riches. En effet, le nombre de millionnaires français augmente de 192 individus entre 2016 et 2017 pour s’établir à 1,95 million de personnes. En comparaison, l’effectif et la croissance du nombre de millionnaires français suivent la même dynamique que dans les autres pays européens. En ce qui concerne le nombre de milliardaires français, ils étaient 19 en 2016 contre 39 en 2018. Mais, nous dit-on, « trop d’impôt tue l’impôt » et l’ISF est responsable d’une hausse des expatriés fiscaux. Ils étaient 383 en 2002, 666 en 2005, 821 en 2008, 800 en 2010 et 784 en 2014. Si on rapporte le nombre d’expatriés fiscaux redevables de l’ISF au nombre total de contribuables devant s’acquitter de cet impôt, l’inquiétude se réduit. En effet, en 2004, les expatriés représentaient 0,14% du total des contribuables redevables de l’ISF, « en 2014… Et rien ne dit que l’ISF était la cause de leur expatriation. »
En conclusion, Léo Charles dénonce les raisons de la suppression de l’ISF :
« La suppression de l’ISF comme l’instauration de la flat tax s’inscrivent dans une stratégie bien précise : renforcer l’attractivité de la France pour les détenteurs de capitaux en augmentant la rentabilité du capital et en diminuant le coût du travail. Ce choix bénéficie aux plus riches et pèse sur les classes populaires. Surtout, le remplacement de l’ISF par l’IFI met tout bonnement fin à la taxation des actifs financiers en France avec les effets sur l’investissement que l’on connaît désormais. La question de l’ISF est donc d’une importance cruciale pour les citoyens désireux d’une plus grande justice fiscale dans notre pays et les Gilets jaunes ont eu raison de s’en emparer. Comme on l’a vu, les justifications trompeuses d’Emmanuel Macron sont un révélateur de son projet : sécuriser la richesse des plus riches. »
La note rédigée dans un langage accessible (à l’opposé des articles des économistes libéraux volontairement technocratiques et abscons) est à lire.
Elle est disponible, comme les autres notes de l’association, sur le site des Economistes atterrés, http://atterres.org.
Pour sortir du libéralisme étouffant et du bourrage de crâne ! Une bonne cure de détox !