On ne louera jamais assez la collection Tracts de Gallimard. Elle permet une vraie confrontation d’idées. Si j’ai critiqué le numéro 15, celui d’Olivier Rey (L’idolâtrie de la vie), je dois reconnaître qu’il porteur du débat d’idées.

En revanche, avec le numéro 16, je me suis trouvé d’emblée en empathie. Son titre, Avec les Kurdes, et son sous-titre, Ce que les avoir abandonnés dit de nous, ne laissent planer aucun doute ; l’auteur Patrice Franceschi, à la fois écrivain et aventurier (dans le sens noble du terme), partage la cause kurde. Il a trouvé dans ce peuple sans pays, écartelé entre la Turquie, l’Irak, la Syrie, beaucoup d’amis. Parmi ceux-ci beaucoup de femmes admirables qui luttent pour la démocratie, des états laïcs, féministes, écologistes et respectueux des minorités.

Les femmes kurdes ont créé des Yapaja, des unités féminines pour combattre Daech. L’une d’elles, Hevrin Khalar, amie proche de l’auteur, a été assassinée par les miliciens aux ordres d’Erdogan, miliciens issus des débris d’Al Qaïda.

Patrice Franceschi écrit : « Silence, on tue. » Car les Américains, les Britanniques et les Français ont abandonné les Kurdes. Sans reconnaissance pour le martyr d’un peuple qui s’est soulevé contre les fous de l’islam et a vaincu Daech.

L’analyse de l’auteur est terrible ; elle témoigne de la lâcheté des Occidentaux. Il rend un hommage vibrant à ceux dont le sacrifice ne provoque que le mutisme des médias et des gouvernements. Il dénonce « la misère de la condition occidentale en ce XXIe siècle naissant » et enrage que « l’esprit de Munich est sans cesse renaissant comme un mauvais génie. »

Il ne supporte pas l’attitude de dirigeants politiques qui ont abandonné les Kurdes et il avoue se rendre au moins une fois chaque année au cimetière de Kobané, où, derrière les portraits des victimes kurdes, « il y a des âmes héroïques et généreuses ». Et il se plait à rêver à un sursaut de l’Europe, même si la probabilité est « dérisoirement faible ».

Honte à nous.

Le texte de Patrice Franceschi est écrit avec les tripes, mais fort bien ; il est chaleureux et très documenté. Les 60 pages se lisent d’un trait. Un grand document qu’il faut lire pour comprendre ce qui se joue au Moyen Orient, la politique de la France, mais aussi celle du dictateur turc Erdogan et de la puissance des lobbies pro-Turcs.