Il a suffi qu’Emmanuel Macron se vante à Bruxelles d’un « changement historique de notre Europe » pour que le Monde du jour titre : « Europe : un plan de relance historique. »

La phrase triomphale du président de la République a été reprise par tous les médias et notamment à la télévision. Les médias sont tombés à genou, en béatitude. C’est à peine si les chaînes ne nous ont pas montré un Macron nimbé du disque des personnages sacrés.

Qui peut croire encore cette information frelatée ? Qui peut se satisfaire de cette information incomplète ?

L’accord trouvé à Bruxelles après un sommet ridicule n’est pas aussi historique que Macron et d’autres le prétendent. Les 500 milliards de subventions ont été revus sérieusement à la baisse ; après les concessions faites aux ‘’frugaux’’, il ne reste plus que 390 milliards. L’Italie qui espérait récupérer 172 milliards ne recevra que 70 milliards et l’Espagne 60 au lieu de 140. La France, elle, recevra 38,772 milliards.

Un cadeau pour les pays les plus impactés par la crise du coronavirus ? Pas si sûr. En effet, les subventions sont assorties de quelques préalables comme la présentation d’un plan de réformes et d’investissements, ainsi que des réformes structurelles (c’est-à-dire une politique d’austérité) ; ce plan devra être validé par la Commission, puis par les Vingt-Sept à la majorité qualifiée. Ensuite, il est bon de rappeler que les subventions seront échelonnées jusqu’en 2023.

Le solde du plan franco-allemand de 750 milliards, à savoir 360 milliards, sera attribué sous formes de prêts, donc remboursables sans qu’on sache vraiment comment s’effectueront les remboursements.

Le chantage auquel se sont livrés le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède a abouti à une baisse incroyable de leur contribution au budget de l’Union pour la période 2021-2027 : entre 46 et 53 milliards d’euros pour la période de sept ans.

Le plus gros gagnant est l’Autriche avec une baisse de 138 % de sa contribution, devant le Danemark (91 %), la Suède (34 %) et les Pays-Bas (22 %).

Evidemment, ces rabais entraînent ipso facto une diminution de certaines dépenses et c’est la ‘’politique agricole commune’’ (la PAC) qui sera la plus affectée avec une diminution de son budget de 10 %.

Alors, cet accord, il est si historique que le prétend Emmanuel Macron ?

Un seul négociateurs a tempéré le concert d’autosatisfaction des autres chefs d’Etat ou de gouvernement, Mark Rutte, le premier ministre hollandais, qui a osé : « Je n’emploierais pas ce terme. »

Ce réactionnaire sait le poids des mots et il est rompu aux négociations : il n’est pas sorti de l’ENA néerlandaise, mais il a été ‘’directeur des relations humaines’’ chez Unilever, la multinationale néerlando-britannique aux 400 marques qui s’est illustrée à Géménos en fermant l’usine produisant les thés Lipton et Eléphant (reprise par la coopérative Fralib).

Le personnage est peu sympathique ; à la présidence du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), il a succédé à Frits Bolkenstein, auteur de la trop célèbre directive européenne sur les marchés de services prônant la concurrence libre et non faussée. Par ailleurs, Mark Rutte s’est distingué en affirmant que la négation de la Shoah ne doit plus être considérée comme une offense criminelle en raison de la liberté d’expression. Ignoble !

Pratiquant volontiers la transgression, Rutte a savouré ses victoires et a pu se permettre de rester plus humble que ceux qui ont perdu. Comme Macron, qui continue sa politique mensongère.

Alors, cet accord, il est historique ?

On aimerait que les médias nous informent complètement. Sur les vrais résultats de cette guignolade. Sur les acteurs.