Le dieu des musulmans ne nous dérangeait pas plus que le dieu des catholiques ; c’est pourtant au nom des deux que chrétiens et islamistes s’étaient affrontés au long des siècles, violemment et cruellement. On ne savait plus qui était le bourreau et la victime, qui portait la vraie parole divine, qui était le mécréant.

Les catholiques ont fini par ranger les armes, les islamistes aussi et nous avons redécouvert un monde où les religions apaisées et redevenues pacifiques semblaient faire tomber les tensions ; à l’exception d’un point de fixation au Moyen-Orient où le dieu des juifs a fait remonter la tension mondiale. Les braises ont fini par rallumer, le feu des excommunications et des affrontements terribles.

Au nom d’un nouvel islamisme, haineux, fondamentaliste, aux cris de « Allah est grand » et « mort aux infidèles », des musulmans, jeunes, sont partis en reconquête des foules. Au nom de dieu, ils ont semé la terreur et assassiné des milliers de pauvres gens, y compris des fidèles de leur propre dieu. Ils ont fait de Mahomet un assassin au bras armé de kalachnikovs.

Ces islamistes-là ont fait verser des torrents de larmes, partout où ils croyaient voir d’immondes incroyants. Fanatisés, on leur avait fait croire au paradis. Leur férocité nous remettait en mémoire les heures les plus sombres des fous d’un dieu catholique, racontées dans les livres d’histoire.

Décidément, dieu est un problème et le problème pour avoir pu laisser croire que tuer l’infidèle permettait de réserver une place de choix auprès de lui. Leur dieu aurait besoin, selon leurs prédicateurs, de martyrs pour écraser ceux qui croient à une autre idole, en Amérique, en Afrique, au Moyen-Orient, bref, partout.

Quand leur maître à penser est un politique, il s’appelle Erdogan et il règne sur la Turquie. Il ne prêche pas le mort de l’infidèle, mais il emprisonne ceux qui croient et ceux qui ne croient pas dans les mêmes prisons s’ils s’opposent à son islam prétendument moderne. Il sème plus de misère que ceux qui ont tué et ceux qui tuent encore ; il prend un peuple en otage et il s’attaque à tous les symboles de la laïcité. C’est précisément au nom de son dieu qu’il a pris la décision de rendre Sainte-Sophie au culte de Mahomet :

« Aujourd’hui, la Turquie s’est débarrassée d’une honte, a-t-il osé déclarer. Sainte­Sophie vit à nouveau une de ses résurrections, comme elle en a déjà connu plusieurs (…) Elle signifie que le peuple turc, les musulmans et toute l’humanité ont de nouvelles choses à dire au monde. » 

Erdogan remet en cause la république laïque de Mustafa Kemal Atatütk, flattant les partis d’extrême droite, ses alliés. Il tente un baroud d’honneur pour tenter de dissimuler la situation économique catastrophique de la Turquie, mais, en même temps, il donne des gages à tous les islamistes fondamentalistes et violents en exaltant l’identité islamo-turque.

La république laïque d’Atatürk avait supprimé l’islamen tant que religion officielle, aboli les instances de lacharia, donné ledroit de vote aux femmeset remplacé l’alphabet arabepar l’alphabet latin. Erdogan revient sur tout. Il ramène son pays un siècle en arrière et redonne de la vigueur aux groupes islamistes les plus fous, ceux qui ont encore le bras armé et qui crient toujours « Mort aux infidèles ». Il ravive en même temps les pires relents racistes dans nos pays, assimilant tous les musulmans à des ennemis et à des assassins.

L’alliance des civilisations millénaires qui ont inventé tant de belles choses est en danger et c’est au nom de leurs dieux que les tensions mondiales ne s’apaisent pas.

Dieu, l’invention la plus terrible de l’humanité ?