Le rôle de la télévision est, entre autres, celui d’éveilleur de consciences, d’instrument de culture et d’informateur.
Hélas, ce n’est pas souvent le cas quand on regarde les programmes, notamment ceux des chaînes privées. Arte est la seule qui tente de remplir tous les rôles à la fois. On l’a vu avec la diffusion du documentaire Petite fille, mercredi en première partie de soirée (je me refuse à utiliser l’expression ‘’prime time’’). France 5 est la chaîne de France Télévisions qui se rapproche le plus de la chaîne franco-allemande.
Hier soir, par exemple, elle n’a pas hésité à diffuser l’opéra de Mozart, La Flûte enchantée, également en première partie de soirée, face à l’inévitable Koh-Lanta sur TF1 (et ses 6 millions annoncés de téléspectateurs), la série César Wagner sur France 2 (près de 5 millions) et le Téléthon sur France 3.
La musique de Mozart a rassemblé néanmoins près de 750 000 personnes ! On se réjouira de cette audience, mais on mesure, en examinant les chiffres ci-dessus, le chemin restant à parcourir pour que le consommateur de télévision qui se regarde avec passivité se transforme en citoyen qui se cultive tout en se distrayant, qui s’ouvre à l’autre tout en s’enrichissant.
La Flûte enchantée, interprétée par le Concert Spirituel en français, dans une mise en scène résolument moderne et colorée, raffinée et vive, a été un spectacle de toute beauté. Les interprètes se sont mis à la hauteur du défi et l’opéra de Mozart, s’il a bousculé les grincheux, a ébloui ceux qui ont regardé et on se dit que le plus grand nombre aurait eu tout à gagner en délaissant Koh-Lanta pour Mozart.
Mais ce plus grand nombre pour adhérer à la démarche de France 5 aurait eu besoin de clés de compréhension tant cet opéra, bourré de symboles maçonniques, peut apparaître comme difficile à pénétrer.
Aujourd’hui, Arte et France 3 n‘hésitent pas à faire précéder la diffusion de films d’une introduction, plaçant l’œuvre dans le contexte ou donnant des clés de compréhension, comme dans les ciné-clubs d’antan ; la Flûte enchantée aurait mérité une telle démarche pour permettre au profane de pouvoir s’emparer de toutes les dimensions d’un si bel opéra et profiter d’un si extraordinaire spectacle.
La culture à la télévision (mais ailleurs aussi) ne doit pas être remisée dans un ghetto ; elle doit être présente chaque jour, dans chaque émission, n’en déplaise aux Bouygues, Drahi et Bolloré. Elle doit donc s’adresser au plus grand nombre et y être amenée par l’école.
Car un peuple cultivé ne se fera pas dicter sa conduite ; il saura dire non aux mesures liberticides et il rejettera le refus de l’autre, le racisme et la violence.