Les chaînes sulfureuses détenues par le groupe de Vincent Bolloré commencent à indisposer jusqu’au Palais Bourbon. La ‘’Commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre’’ de l’Assemblée nationale a auditionné une dizaine de dirigeants du groupe Canal+ le 29 février, dont Maxime Saada, Serge Nedjar ou Gérald-Brice Viret, et trois journalistes (Pascal Praud, Sonia Mabrouk et Laurence Ferrari), avant de recevoir Vincent Bolloré puis Cyril Hanouna à la mi-mars.

Les députés avaient tellement de questions à poser à l’état-major idéologique des chaînes de Vincent Bolloré, que l’audition a duré près de 6 heures. Sans surprise, elle a permis d’entendre un flot de mensonges et de contre-vérités ! Il n’est pas facile d’avouer que Canal+, CNews et C8 sont au service des thèses les plus réactionnaires et du catholicisme intégriste quand on est devant les élus du peuple chargés de contrôler l’application des dispositions réglementaires.

L’un des hommes liges du milliardaire breton a osé affirmer : « Je n’ai jamais eu d’intervention directe de Vincent Bolloré sur les programmes. Je ne le croise quasiment jamais. » Avant que Serge Nedjar n’avoue : « Je crois qu’il vient deux fois, à peu près une ou deux fois par mois chez Canal. Je vais donc une ou deux fois par mois chez Canal (…) et j’ai la chance de rencontrer à ce moment-là, quand il est là, Vincent Bolloré (…) C’est essentiellement pour me parler des audiences, pour nous rassurer quand elles ne sont pas bonnes ou nous féliciter, tous les jours ou tous les deux jours. Et il se trouve qu’en ce moment, on bat BFM tous les jours ! »

Sans blague !

A propos des ‘’excès’’ de Cyril Hanouna, on appréciera la justification des dirigeants du groupe : « Ce qui fait le succès de Cyril Hanouna, qui rassemble 2 millions de téléspectateurs chaque jour, c’est sa nature, sa spontanéité et ça peut donner lieu, quand on est en direct, à des débordements. Mais quand on est sanctionné, on se conforme à la sanction. C’est un risque que nous assumons pleinement. »

Un risque revendiqué : il est dans la nature même de la chaîne de rechercher le ‘’buzz’’ qui fait grossir l’audience. Les reprises par d’autres médias et, par voie de conséquence les contrats publicitaires.

Puis, quand les députés présents ont abordé le scandale provoqué au cours de l’émission religieuse ‘’En quête d’esprit’’ affirmant que l’avortement est la première cause de mortalité dans le monde, devant le cancer et le tabagisme, c’est Serge Nedjar qui osera avancer que « l’émission a été enregistrée le vendredi. Nous l’avons regardée et montée sans cet épisode puis elle a été transmise à Europe 1 où l’émission passe en même temps que sur CNews le dimanche. Mais c’est la version première et non la V2 qui est passée. C’est un traumatisme pour nous tous… »

Enfin, la députée Sophie Taillé-Polian (Génération.s) s’est offusquée de l’absence de pluralisme sur CNews quand « on considère ses invités comme des punching-balls », c’est Pascal Praud qui, toute honte bue, a eu cette réponse suffocante : « Je fais 3 h 30 d’émission par jour sur CNews. Je fais donc à peu près 60 heures d’émission par mois, ce qui fait 600 heures par an. Depuis 2016, j’ai donc dû faire 4 000 heures d’émission sur CNews. A chaque fois qu’on ne modère pas un propos, on s’en veut et ça arrive, hélas, parce que nous sommes des êtres humains. »

Que les émissions soient en direct ou enregistrées, le groupe Canal+ a vraiment un problème de contrôle des contenus.

Si le laudateur de l’extrême droite est épuisé (au bord du burn-out), il faut initier une pétition pour lui permettre de se reposer !

Vincent Bolloré serait donc un de ces patrons-négriers, qui imposent des cadences infernales. A notre connaissance, le champion de la logorrhée franchouillarde n’a pas protesté quand le Breton lui a intimé l’ordre d’intervenir également sur Europe1 à la rentrée dernière. Les téléspectateurs et les auditeurs subissent les conséquences d’un surmenage qui ne permet plus au journaliste de se contrôler ?

Ces auditions ont eu le mérite d’étaler le système Bolloré au grand jour. Au service d’une idéologie obscurantiste ; au détriment d’une information qui éclaire le citoyen.