Il est difficile d’imaginer tous les dégâts du néo-libéralisme ou de l’ultra-libéralisme, c’est selon ; bref du capitalisme. Si le peuple de France gronde et multiplie les mouvements de grève, ce n’est pas le fruit du hasard.

Le climat se détériore dans tout le pays ; salariés de l’industrie, agriculteurs, soignants, enseignants, journalistes, acteurs de la culture, précaires ou pas, tous ont une (très) bonne raison de manifester une grogne qui n’est pas sans rappeler celle qui avait précédé Mai 68 (dans un contexte différent).

Les médias relaient des informations, mais, trop souvent, s’en tiennent aux faits, sans mise en perspective, ni analyse.

On a appris, par exemple, qu’Amazon avait ouvert une école à Brétigny-sur-Orge (en Essonne) où elle dispense une formation diplômante. Outre que la firme de Jeff Bezos a besoin de ravaler sa vitrine, tellement les conditions de travail et de rémunération sont lamentables, elle vend la mèche sur les raisons profondes de l’initiative : améliorer les performances des salariés en les formant mieux aux pratiques de la lecture des codes-barres, aux déchargements des camions, le filmage des palettes, mais aussi pour éviter les accidents (très nombreux dans les tous les sites).

Cette formation permet, certes, aux salariés d’obtenir un diplôme reconnu par l’Etat, niveau CAP ou BEP (et ils en sont fiers, à juste titre), mais celle-ci est dispensée en interne pour répondre aux besoins immédiats d’Amazon. Dès lors, il est scandaleux que l’AFPA parraine une telle formation, qui ne coûte rien à l’entreprise puisque tous les frais sont imputés sur les fonds alimentés par un salaire différé.

Pendant qu’Amazon délivrait leur diplôme à la première promotion, on apprenait la création du ministère délégué à l’enseignement et à la formation professionnels, sous la double tutelle du ministère de l’éducation nationale et du ministère du travail.

Pourquoi s’en offusquer ? Il s’agit d’une invention d’Emmanuel Macron, qui, au cours de la campagne électorale, avait promis des lycées professionnels « davantage ouverts à l’apprentissage et aux entreprises locales ».

La syndicaliste Sigrid Géradin (FSU) dénonce un grave danger : « Si la partie insertion est gérée par le ministère du Travaille risque est celui d’une instrumentalisation des parcours scolaires pour répondre aux besoins immédiats des entreprises, notamment dans les secteurs dits en tension. Pourtant, si ceux-ci peinent à recruter, c’est avant tout parce que les conditions de rémunération et de travail y sont mauvaises, et c’est cela qu’il faudrait changer d’abord. »

En outre, la multiplication des stages en entreprise permettra de ‘’libérer’’ des enseignants à envoyer dans les établissements en déficit.

Les deux informations, jamais rapprochées, démontrent que l’enseignement professionnel sera de plus en plus soumis aux besoins des entreprises et destinés aux jeunes des classes populaires, qui, après avoir quitté leur établissement, iront grossir les rangs des salariés d’Amazon, entre autres, et à se voir offrir des formations-maisons.

Les gosses de riches, eux, iront poursuivre des études longues dans des établissements privés, onéreux que papa peut payer.

La lutte des classes n’en finit pas…