Michaël Zemmour, économiste au Centre d’économie de la Sorbonne, maître de conférences à l’université Paris-I et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po, a publié une intéressante tribune dans Le Monde de ce soir.
En plein débat à l’Assemblée nationale, Michaël Zemmour éclaire les effets pervers du projet de loi sur le pouvoir d’achat. L’économiste écrit donc :
« La participation et la « prime Macron » ont comme point commun qu’ils sont des dispositifs d’évitement du salaire. Ces versements augmentent le revenu immédiat des salariés sans leur offrir aucune garantie : ils ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits des salariés tels que le chômage, la retraite, les congés maternité ou maladie (…) Ces dispositifs de contournement du salaire (qui incluent l’épargne salariale, de même que les retraites et complémentaires santé d’entreprise) ne sont pas nouveaux, mais ont été renforcés récemment par la loi Pacte. Ils constituent une perte annuelle de recettes importante estimée en 2020 à 9 milliards d’euros pour la seule Sécurité sociale (…) On assiste ainsi, depuis le « travailler plus pour gagner plus » porté par Nicolas Sarkozy, à une politique de désocialisation du revenu : les gouvernements multiplient les dispositifs de définancement de la protection sociale. Simultanément, les mêmes acteurs poussent un agenda de réformes diminuant les prestations pour cause de « caisses vides » (…) On pourrait penser qu’agissant ainsi le gouvernement répond à une demande majoritaire concernant le pouvoir d’achat. C’est pourtant loin d’être le cas : dans le baromètre annuel de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, en 2021, comme les années précédentes, plus de trois personnes interrogées sur quatre se disent opposées à une baisse des prélèvements obligatoires si celle-ci est associée à une baisse des droits sociaux. Simplement, l’arbitrage sur la scène politique n’est jamais affiché aussi frontalement : dans un premier temps, on présente une « hausse de pouvoir d’achat » financée par une prime exonérée. Et dans un second temps, on expose la baisse des prestations sociales comme une impérieuse nécessité (…) Il ne s’agit pas là d’une machination obscure, mais d’une stratégie de réforme documentée : la baisse des prestations sociales n’est jamais populaire en soi, en revanche l’équilibre nécessaire des comptes sociaux est un argument massue qui fonctionne à merveille dans le débat public (…) Le cas présent n’est pas unique, ni même le plus important. Il est cependant exemplaire, car le même gouvernement, dans l’intervalle de quelques semaines, va priver l’Etat et la Sécurité sociale de quelques milliards d’euros de recettes, avant de proposer une réforme des retraites – en invoquant notamment la nécessaire stabilité des comptes. »
Pas obscure la machination ? Voire. Elle est parfaitement claire. Le patronat ne s’y est pas trompé en adhèrant avec enthousiasme au projet de loi. Quand Emmanuel Macron prétend donner du pouvoir d’achat aux salariés, c’est autant d’arguments pour s’opposer à toute augmentation dans les entreprises.
Bruno Le Maire s’est autorisé à ajouter une dose de cynisme (habituel chez lui) dans tout l’argumentaire en priant ‘’celles qui le peuvent’’ d’augmenter les salaires. La petite phrase est reprise par les médias (c’est le but), mais aucunement par des entreprises autistes. Avant qu’elles passent aux actes, il faut généralement un mouvement de grève, parfois très long, pour amener les patrons à la table des négociations avec les syndicats.
Tout ce beau monde ment ; tout ce beau monde prend les salariés pour des gogos ; tout ce beau monde a des réflexes de classe quand il s’agit de reprendre les acquis sociaux pour augmenter les dividendes !