L’association ‘’Polytechnique n’est pas à vendre’’ a perdu la première manche de son combat contre LVMH. Le conseil d’administration de l’école a validé le projet de création d’un laboratoire de recherche du groupe d’industrie du luxe sur son campus en lui vendant un terrain de 30 000 mètres carrés.
Bernard Arnault prétend édifier un bâtiment de 22 000 mètres carrés pour y accueillir 300 chercheurs. Le milliardaire a avancé un coût de 100 millions d’euros pour l’ensemble de l’opération. Une goutte d’eau pour la troisième fortune mondiale, qui réalise son rêve de s’installer sur le campus de Polytechnique.
Les opposants (association ‘’Polytechnique n’est pas à vendre’’ et étudiants) ont l’intention de saisir la justice pour faire échec au projet ; ils sont encouragés par le résultat du vote ; sur les 24 administrateurs appelés à se prononcer, 4 ont voté contre et 1 s’est abstenu : habituellement, les résolutions sont adoptées à l’unanimité.
Néanmoins, l’épisode est significatif du climat idéologique de la période, où les ultra-riches se permettent tout, en multipliant les opérations de lobbying à coups de millions. Rien ne doit et ne peut s’opposer à leurs caprices d’enfants gâtés, méprisant ceux qui n’ont rien. Quant aux écoles, y compris les plus prestigieuses comme Polytechnique, victimes de la politique gouvernementale en matière d’enseignement et de recherche d’assèchement des crédits alloués, sont parfois prêtes à s’allier avec les bailleurs de fonds les plus diaboliques pour continuer à exercer pleinement leur rôle.
Seule (mince) consolation : les étudiants de Polytechnique, issus surtout des classes favorisées, se sont élevés majoritairement contre le projet de LVMH. Bernard Arnault a néanmoins réussi là où le groupe Total (proposant un contrat de 3,8 millions d’euros pour financer une chaire de recherche et la construction d’un bâtiment dédié aux nouvelles énergies et aux sciences des données) avait échoué. Ce sont les étudiants, déjà, qui avaient amené Patrick Pouyanné à renoncer à son projet, en dénonçant une stratégie d’influence du groupe sur les cerveaux des futurs cadres de la nation.
Les grandes écoles et même certaines universités multiplient les liens avec les grands groupés privés, Sciences Po, l’Ecole des Ponts et Chaussées, l’Ecole centrale, etc. Il s’agit d’une guerre idéologique visant à rallier les futurs cadres à l’ultralibéralisme.
Polytechnique n’est pas à vendre ; celle des étudiants non plus.