Depuis quelques mois la question était de savoir si le Liban réussirait à sortir de la crise économique la plus grave qu’ait connu le pays. Sa population, les jeunes surtout, étaient descendus dans la rue pour réclamer un autre régime politique et déchirer des accords dont ils ont pu mesurer l’ineptie et le caractère rétrograde, dont nombre de paragraphes tourne le dos à la Déclaration des droits de l’homme.

On se rêvait à croire à un ‘’Printemps libanais’’ balayant les reliques de dispositions offrant le pouvoir à des esprits pervertis par leurs croyances et, plus encore, par leurs intérêts propres.

Une détonation a, semble-t-il, anéanti une grande partie de sa capitale, Beyrouth, semant la désolation et la mort. Les images des dégâts ne donnent qu’une idée partielle de la pire catastrophe. Spectacle de désolation insupportable.

La révision de la Constitution du Liban est sans doute remise à beaucoup plus tard. Trop tard pour sauver des milliers de pauvres ; le nombre des victimes risquant d’être encore plus lourd que celui de l’explosion.

Les victimes du 4 août ne doivent pas détourner l’attention de la crise d’un système politique d’une aberration dépassant l’entendement d’un esprit laïc et éclairé, où la Constitution répartit les pouvoirs en fonction du poids estimé de chaque communauté religieuse. Le Liban reconnaît 18 religions ; chaque communauté étant éclatée en de multiples confessions, sources d’affrontements voire de guerres de religion.

Les chrétiens sont maronites, catholiques romains, grecs orthodoxes, grecs catholiques, protestants, syriaques (avec plusieurs nuances), coptes, etc. Les musulmans sont déchirés entre sunnites et chiites, mais aussi alaouites et ismaéliens. Une autre communauté se réclame des druzes, une autre encore des juifs. L’accord dit de Taëf, signé en 1989 pour mettre un terme à la guerre civile a figé la répartition des rôles ; le président doit être chrétien maronite, le premier ministre sunnite, le président de l’Assemblée nationale chiite, le vice premier ministre et le porte-parole orthodoxes. Quant aux 128 députés, ils sont élus selon un système de quota entre les confessions ; ils ont plus enclins à promouvoir leurs dogmes religieux et leur clientèle que le bien-être du peuple libanais.

Les jeunes libanais ne veulent plus d’un système enfonçant un pays riche dans la pauvreté, dirigé par quelques dynasties et oligarchies marchandes, comme celle des Hariri ou des Salam, qui ont cadenassé le pouvoir ; les prétendues élites ne s’opposent pas sur des programmes politiques, mais sur les mesures visant à maintenir l’ordre établi.

En parlant du Liban, comment ne pas rappeler quelques phrases de José Saramago extraites d’un article dans le quotidien italien La Repubblica en 2001 :

« Aucune religion, sans exception, ne servira jamais à rapprocher et à réconcilier les hommes, au contraire, elles ont été et sont toujours la cause de souffrances inénarrables, de massacres, de monstrueuses violences physiques et spirituelles qui constituent un des plus ténébreux chapitres de la misérable histoire de l’homme. »

La preuve par le Liban. Pauvre Liban !