La posture adoptée par le président de la République française et les déclarations d’Emmanuel Macron à Beyrouth sont proprement stupéfiantes.

Le pied à peine posé sur le sol libanais, il s’est présenté en donneur de leçon ; il s’agit d’une attitude permanente chez lui et ce n’est pas le plus surprenant. Ensuite, il a visité les ruines du port ; il a été interpellé par un peuple qui manifeste depuis plus d’un an contre un régime corrompu et qui est affamé, au sens littéral du terme. Les Libanais scandaient « Révolution » et « Le peuple veut la chute du régime » ; Macron a eu cette réponse sidérante : « Je vais proposer un nouveau pacte politique  aux dirigeants libanais et leur demander de  changer le système, d’arrêter la division (…), de lutter contre la corruption ». Puis, il s’est enflammé en déclarant qu’il reviendrait « pour le 1er septembre, et s’ils ne savent pas les tenir (les engagements), je prendrai mes responsabilités avec vous ».

Emmanuel Macron en leader d’un Liban en marche ? Vers la révolution ? On croit rêver et on attend encore un seul commentaire critique à la radio comme à la télévision dans notre pays.

Les citoyens, eux, ne se sont pas trompés en publiant leurs réflexions en réponse sur les réseaux sociaux.

L’un écrit : « Surréaliste ! Imaginons un instant qu’un chef d’Etat étranger dise cela en France… » ; un autre s’offusque : « Venir pour exprimer au Liban le soutien de la France et se mettre à parler comme le FMI alors que le nombre de victimes n’est pas encore définitif, quelle erreur politique, quelle inhumanité. »

Il est impossible de recenser toutes les réactions sensées, mais j’ai apprécié celle-ci, tout en retenue, mais pleine de colère : « Je ne peux pas commenter la visite de Macron au Liban du point de vue libanais, mais en tant que citoyen français, il est intéressant de voir Macron célébrer les citoyens libanais qui protestent contre leur gouvernement alors que chez eux, des policiers anti-émeute sont envoyés au gaz lacrymogène contre les citoyens français protestant contre le sien. »

Tout est dit dans ces quelques phrases ; il est néanmoins nécessaire d’apporter une précision : le régime corrompu du Liban est un legs du mandat attribué à la France par la Société des Nations par le traité de Sèvres en 1920 et qui dura une vingtaine d’années. 

Faut-il croire Emmanuel Macron quand il n’a pas eu un seul mot pour voler au secours des Libanais qui manifestaient leur désarroi et leur volonté de changement du régime confessionnel pendant plus d’un an ? Faut-il le croire quand il parle comme le FMI accordant une aide en contrepartie de réformes dont on sait qu’elles sont toujours des mesures d’austérité ? Faut-il encore le croire quand la France a toujours soutenu les oligarques, comme la famille Hariri, qui ont accaparé les richesses du pays et n’ont jamais caché leurs liens avec l’Arabie saoudite ?

Il est curieux de prétendre lutter contre la corruption quand on sait qu’à eux seuls, sept milliardaires possèdent 50 % des richesses du pays. Macron n’a pas eu un mot pour les gens qui, eux, n’ont rien et dont les comptes bancaires sont bloqués.

Une fois encore, Emmanuel Macron s’est livré à une pitoyable opération de communication en se vantant d’être le premier chef d’état à se rendre au Liban, imitant, piteusement, De Gaulle.

Macron poursuit plusieurs objectifs, comme le maintien d’un lien privilégié avec le Liban pour peser face aux volontés hégémoniques de la Turquie et de l’Iran dans tout le Moyen Orient, et former un cordon de sécurité pour Israël.

Les Libanais n’ont rien à attendre de Macron, comme les Français d’ailleurs ; ils ne doivent compter que sur eux pour changer de régime. Et sur la solidarité des peuples (et pas des gouvernants) pour les aider à surmonter leurs malheurs et à revivre.