Le quotidien suisse Le Temps se pose la question que doivent se poser tous les démocrates, qui ont encore un peu d’humanité et de bon sens : Où va la France ?

L’auteur de l’article est professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève (IEHID), mais il est français et il ne mâche pas ses mots :

« Emmanuel Macron, tout à son style « jupitérien », aggrave l’aporie dans laquelle est tombée la France. Il n’a jamais rien eu de « nouveau », et sa posture d’homme « providentiel » est une figure éculée du répertoire bonapartiste. Il n’imagine pas autre chose que le modèle néolibéral dont il est le pur produit, quitte à le combiner avec une conception ringarde du roman national, quelque part entre le culte de Jeanne d’Arc et la fantaisie réactionnaire du Puy-du-Fou. »

Où va la France, en effet, avec un président dont l’idéologie réactionnaire côtoie dangereusement les fanatismes de toutes sortes.

Les maires de Callac, Carnac et Saint-Brévin-le-Pins peuvent témoigner de l’essor des Ligues traditionnalistes et le manque d’attention de l’Etat. N’est-ce pas Macron qui téléphone à Eric Zemmour quand il est agressé et qui ignore la situation de Yannick Morez qui ne voulait plus subir les agressions de l’extrême droite à propos de la création d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile.

Où va la France quand le préfet de Paris autorise un colloque et une manifestation de l’Action française, qui s’est signalée par des cris hostiles à la République et finit la soirée à Saint-Cyr-l’Ecole par un concert avec trois groupes de rock aryen, bras tendus en l’air, dans une ‘’ambiance IIIe Reich’’, comme le rapportent certains quotidiens.

Où va la France quand Civitas multiplie les actions pour s’opposer à la tenue de concerts ou à des expositions, en parlant de blasphèmes, de profanation ou de satanisme. Les ligues catholiques usent des mêmes arguments et des mêmes mots en Hongrie, aux Etats-Unis ou en Pologne. Les livres sont censurés, les enseignants menacés, la culture entravée.

Faut-il faire lire à Macron, Darmanin, Nunez et autres le Traité sur la tolérance de Voltaire, s’ils ne l’ont pas lu ?

Faut-il leur en rappeler quelques phrases écrites en 1763, il y a donc 260 ans, mais qui sont d’une troublante actualité :

« Il est facile au fanatisme d’arracher la vie à l’innocence, et difficile à la raison de lui faire rendre justice (…) On respecte toutes les confréries : elles sont édifiantes ; mais quelque grand bien qu’elles puissent faire à l’État, égale-t-il ce mal affreux qu’elles ont causé ? (…) On sait assez ce qu’il en a coûté depuis que les chrétiens disputent sur le dogme : le sang a coulé, soit sur les échafauds, soit dans les batailles, dès le IVsiècle jusqu’à nos jours (…) Il y a des gens qui prétendent que l’humanité, l’indulgence, et la liberté de conscience, sont des choses horribles (…) La fureur qu’inspirent l’esprit dogmatique et l’abus de la religion chrétienne mal entendue a répandu autant de sang, a produit autant de désastres, en Allemagne, en Angleterre, et même en Hollande, qu’en France (…) L’intolérance a couvert la terre de carnage. »

La politique ultralibérale, verticale, jupitérienne, autoritaire (stoppons-là tous les qualificatifs) secrète l’intolérance et justifie toutes les répressions. Et, au fond, tous les fanatismes comme ceux qu’on est amené à observer au quotidien.