Emmanuel Macron, pensant pouvoir tourner définitivement la page de la réforme des retraites, ressort son projet de loi sur l’immigration et autorise Gérald Darmanin à user de toutes les bassesses pour préparer le terrain. Pour amener la droite de Ciotti à voter la loi sans avoir recours au 49-3.

La perspective doit inquiéter les vrais démocrates et incite à se reporter à la collection Tracts de Gallimard qui a publié en janvier un brillant réquisitoire du professeur de Nanterre, François Cusset, sous le titre ‘’La haine de l’émancipation – Debout la jeunesse du monde’’.

François Cusset campe le décor dès le préambule :

« Pourquoi tant de haine ? Pourquoi la ‘’différence’’ (sexuelle, ethnoculturelle, dans le mode de vie ou le rapport au vivant), qu’on pensait admise, conquise de haute lutte dans la seconde moitié du siècle dernier, suscite-t-elle aujourd’hui si souvent ce mélange de panique morale et de répugnance épidermique – qui ne se cache plus, et dans certains pays tient même les rênes du pouvoir ? Et puis n’a-t-on pas mieux à faire, tandis que la planète brûle, l’économie déraille, les geurres reprennent ? Mais non : partout l’air est pesant, délétère, chargé de tensions, de ce fiel qui recharge des rancoeurs anciennes et électrise les rapports sociaux. »

François Cusset dénonce deux formes de haine ; l’une qu’il qualifie d’ordinaire, véhiculée par les médias et les réseaux sociaux et l’autre, la haine extraordinaire, « celle de pamphlétaires cupides et d’idéologues de réseaux sociaux ». Il accuse ainsi, à juste titre, Philippe Val, Michel Onfray que la ministre Frédérique Vidal, etc., c’est-à-dire « des coteries de mâles blancs énervés », rejoignant les Ligues chrétiennes des Etats-Unis, animées du même venin que les haines de rue pour « fabriquer cet ‘’Ennemi unique’’, qui menacerait l’ordre du monde – qu’on l’appelle wokisme, islamo-gauchisme, communautarisme, extrêmisme minoritaire ou passion identitaire. »

L’analyse du phénomène est formidable de clarté.

Si le venin ne cesse de se répandre dans la société, François Cusset observe que « Quelque chose se lève ». Face aux Croisé anti-woke et aux droites dures ou extrêmes, les résistances des ‘’minoritaires’’ s’organisent : « ce qui se lève est jeune, incroyablement jeune (…) quelques chose d’encore éclaté, mal dégrossi, parfois naïf ou péremptoire », remarque l’auteur. Ces mouvements de fond d’une jeunesse qui refuse le vieux monde des peurs font la preuve d’une intelligence en acte qui contraste avec « une violence et une bêtise inédites ».

Néanmoins, ces résistances sont encore dispersées : « Or, l’émancipation, pour rester un horizon valable, ne peut être que celle de tous, désormais, et non plus de quelques-uns, qui en se l’accaparant la discréditent à long terme. » Elles affrontent un adversaire redoutable, « le capitalisme contemporain (…) patriarcal, discriminant, néocolonial et écocidaire ». Ce capitalisme-là a besoin de cet ‘’ennemi’’ pour maintenir ses régimes untraconservateurs.

François Cusset a écrit son essai avant que cette jeunesse (dans toute ses différences) ne rejoigne le large mouvement social de contestation, uni bien au-delà de la réforme des retraites, témoignant « d’un moment historique de renouvellement des possibles chez tous les opprimés. »

Le moment historique connaîtra-t-il un nouvel épisode à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’immigration ?