La Fondation Henri Cartier-Bresson a de l’à-propos ; elle présente jusqu’en septembre une cinquantaine de photos du célèbre reporter-photographe sur le couronnement de George VI le 12 mai 1937, sous le titre ‘’Henri Cartier-Bresson, l’autre couronnement’’.

L’idée est riche car Cartier-Bresson a réalisé tout un reportage sans montrer ni le couronnement, ni le roi, en tournant le dos au cérémonial. Le service public France Télévisions aurait pu s’inspirer de l’attitude du photographe plutôt que de consacrer quasiment toute sa journée de samedi à ‘’l’autre couronnement’’ et de multiplier les mots et les phrases d’extase devant ce spectacle en abusant de tous les qualificatifs.

Le choix d’Henri Cartier-Bresson était politique ; il était l’envoyé spécial du nouveau quotidien communiste Ce Soir de Louis Aragon. Il s’est attaché à montrer le peuple britannique et lui seul (dans sa multitude). Il a donc ‘’couvert’’ tout le couronnement dos au carrosse et dos au balcon de Buckingman. Et s’il a consenti à rapporter un cliché du carrosse, il a pris soin de le fixer sur la pellicule la veille du couronnement lors d’une répétition, sans le roi.

Un Cartier-Bresson d’aujourd’hui n’aurait pas raté la manifestation de Republic, un mouvement de militants pour l’abolition de la monarchie et l’instauration d’une véritable république. Mais, aujourd’hui, nous assistons à la réhabilitation de l’information ‘’people’’, quitte à grossir l’intérêt du sujet et à s’extasier devant cette royauté de pacotille, ses privilèges et son sens des affaires. Sur France 2, les téléspectateurs ont dû subir les commentaires de Stéphane Bern (et d’un Julian Bugier tentant de se hisser au niveau du chantre de la royauté) et même d’une Adelaïde de Clermont-Tonnerre (propriétaire du magazine des rois, Point de vue, fille de Renaud de Clermont-Tonnerre et de Gilone Boulay de la Meurthe !) sur le plateau de Laurent Delahousse. 

Le couronnement de 2023 avait quelque chose de grotesque, étalage d’un monde dépassé et inégalitaire. France 2 s’en est fait, hélas, le héraut. 

Henri Cartier-Bresson et son exposition viennent nous rappeler qu’on peut être un photographe réputé et avoir encore une éthique pour traiter un sujet d’Ancien Régime sous un angle décalé et politiquement juste.