Pour la Lettre A, une publication généralement très bien informée, l’accélération de la reprise du groupe Lagardère par Vivendi serait quasiment réglée. Si Vincent Bolloré se précipite, sans attendre les autorisations des autorités européenne et française, c’est qu’il est sûr de son coup ; un coup à la Bolloré pour éviter d’avoir des pans d’activités à céder pour cause de position dominante.

Il veut être le seul décideur et le maître du temps !

Il s’attribuerait la totalité du groupe Hachette, plus prestigieux que son propre groupe d’édition, Editis. Hachette est le troisième éditeur mondial de livres, avec des perspectives de rachats, et un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros en 2020. Le chiffre d’affaires d’Editis (725 millions) est trois fois moins élevé et, surtout, l’implantation internationale d’Hachette est sans commune mesure avec celle d’Editis.

Quoi faire alors d’Editis ? Le céder à Joseph Oughourlian, le patron du fonds d’investissement Amber Capital, qui a été un allié ô combien utile au raid de Vincent Bolloré sur Lagardère. Il s’agit d’un très beau cadeau de Bolloré à celui avec lequel il est désormais en affaire.

Joseph Oughourlian, homme d’affaires d’origine libano-américaine, est devenu le principal actionnaire (29,84 %) du groupe espagnol Prisa propriétaire du  prestigieux quotidien El Pais, de revues et de chaînes de télévision et de radio. Et, preuve que les deux hommes sont de fieffés amis, Oughourlian a fait entrer Vivendi (donc Bolloré) dans le capital de Prisa en janvier 2021 à hauteur de 7,6 % du capital (9,93 % aujourd’hui).

Oughourlian n’est que le faux nez de Bolloré qui, en entrant dans le capital de Prisa, s’ouvre le marché hispanophone pour la diffusion de ses contenus audiovisuels.

Bolloré avait également bénéficié de la complicité d’Oughourlian dans un autre dossier, celui qui avait permis au premier de prendre le contrôle de Gameloft en 2016.

Les connivences entre les deux hommes ne sont donc ni de circonstances, ni une nouveauté. Arnaud Lagardère et son entourage n’ont rien vu venir quand le tandem l’a déstabilisé et l’a fait vaciller. Un tel niveau d’incompétence est grave, mais, en ce qui concerne l’héritier de Jean-Luc Lagardère, il n’est plus surprenant, tant il a fait preuve de désintérêt pour l’avenir du groupe dont il avait la charge depuis son entrée en fonction en 2003.

Quant au tandem Bolloré – Oughourlian, quelle démonstration des mœurs malsaines et sordides du monde des affaires. On n’applaudira ni à sa victoire, ni à sa stratégie démoniaque. On reprendra seulement l’expression attribuée au pape Pie VII à propos de Napoléon : « Comediante ! Tragediante ! »