Ah ! Qu’il est fier le président de la République française ; il va gravir un échelon dans la hiérarchie en devenant le 1er janvier et pour six mois (sauf cas de non réélection) le président du Conseil de l’Union européenne. En année électorale, il compte sur ce titre ronflant pour améliorer son image et glaner quelques voix supplémentaires.
Il est fier, mais est-ce sérieux ? A l’écouter, il serait le président de l’Europe (comme Valéry Giscard d’Estaing l’avait rêvé avant lui), mais il n’est qu’un roitelet : il ne présidera, durant six mois seulement, que l’une des trois institutions de l’Union européenne avec la Commission et le Parlement. A la tête de la Commission, Ursula von der Leyen revendique elle aussi le rôle de présidente de l’Europe ; de quoi alimenter quelques brouilles avec Macron l’orgueilleux et quelques problèmes protocolaires dont tout le monde se moque. Sauf les intéressés.
D’autres présidents que Macron ont présidé ce Conseil, De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac et Sarkozy ; autant de présidences qui n’ont pas marqué les esprits. Le petit Emmanuel devrait revenir à plus de modestie. Mais en est-il capable ?
La présidence française n’a cependant pas fini de faire parler d’elle. Comme ses devancières, elle a reconduit le recours aux groupes privés pour son financement. Renault et Stellantis mettront 220 véhicules électriques et hybrides à sa disposition pour transporter les délégations.
Imagine-t-on De Gaulle faisant appel aux sponsors ? Macron, comme Sarkozy avant lui, ont succombé à la pression des lobbys et des grands groupes pour financer les activités de la présidence. Certes, d’autres ont fait pire en faisant appel à Coca-Cola (la Roumanie), Microsoft (Finlande), Air Malta, des groupes pétroliers, ou encore Audi, BMW, Mercedes.
L’Observatoire des multinationales a dénoncé le scandale : « Le sponsoring privé des présidences de l’UE offre à des entreprises comme Renault ou Coca-Cola un accès privilégié aux décideurs, pour mieux faire passer leurs idées et leurs priorités et imposer leur agenda politique. »
Et de rappeler que des mesures sont envisagées pour limiter les émissions de CO2 de leurs véhicules SUV et que les constructeurs automobiles ont été poursuivis dans le cadre du ‘’dieselgate’’. Le sponsoring pourra aider à rétablir son image et, surtout, à faire pression pour sauver ses SUV !
Tout cela fait désordre ; cela n’empêche pas une fondation (Robert Schuman) d’écrire : « La présence des groupes d’intérêt n’est pas nouvelle. Leur rôle est incontestable. La complexité et la mutation des modes de prise de décision communautaire, la multiplication des instances, (…) la technicité des dossiers, sont aujourd’hui plus qu’auparavant favorables à la présence de tels groupes d’intérêts ».
La directrice de l’ONG Foodwatch qui était intervenue pour demander à la France de refuser les sponsors, a dénoncé la situation : « Il n’est absolument pas anodin pour la France d’associer une marque d’entreprise à une présidence au plus haut niveau des institutions de l’Union européenne. Tout risque de conflit d’intérêt au plus haut niveau de l’Europe est à proscrire. C’est une question de principe, une ligne rouge non négociable. » Elle n’a pas été entendue par un président au service des grands groupes.
On ne s’étonne plus des connivences entre politiques et grandes entreprises. L’ex-premier ministre, François Fillon ne vient-il pas de rejoindre le conseil d’administration du groupe russe de pétrochimie, Sibur, dirigé par un ami de Poutine.
Avant lui, Tony Blair, Gerhard Schröder, José Manuel Barroso et d’autres, ont rejoint de grandes banques américaines ou des groupes pétroliers et donnent des conseils à des gouvernements du Moyen Orient, etc.
Macron ne se distingue pas de ces hommes politiques corrompus, qui entretiennent la confusion entre intérêts publics et intérêts privés, la marque indélébile du pouvoir néolibéral.
Encore une chose à ne pas oublier en avril prochain !