L’économie française se porte merveilleusement bien. Au-delà de toute espérance, mais peut mieux faire. Le marché se porte merveilleusement bien. Au-delà de toute espérance, mais si les salariés pouvaient accepter de travailler plus longtemps et se contenter de petites pensions de retraite, elle se porterait encore mieux et l’argent pourrait ruisseler ; le marché pourrait corriger toutes les inégalités et nous pourrions vivre dans le plus beau pays du monde, heureux, nantis.
Emmanuel Macron aurait-il raison contre ces grévistes qui ne comprennent rien, contre ces salariés qui ne veulent pas lâcher leurs privilèges, contre ces syndicats qui ne représentent rien ?
Ce qui est en train de se passer vient contrarier ce conte des temps modernes ; les salariés ne rêvent pas, ni ne croient plus aux beaux rêves des capitalistes.
Aujourd’hui, ils constatent que le marché autocorrecteur n’est qu’une billevesée. Les citoyens ordinaires qui défilent ont appris à lire et ils ont un esprit suffisamment averti pour décrypter les informations.
Le quotidien économique de Bernard Arnault, première fortune du monde, ose tout. Dans son édition du 9 janvier, on peut y lire :
« A 60 milliards d’euros, les liquidités restituées aux actionnaires du CAC 40 dépassent le niveau record de 2007. Elles ont augmenté de 12 % par rapport à l’année dernière. Compte tenu des bons résultats 2019 attendus, les dividendes et les rachats d’actions devraient encore progresser cette année. »
Les mots ont un sens : les liquidités des groupes du CAC 40 auraient été ‘’restituées’’ ; vérification faite, le verbe restituer signifie rendre quelque chose à son propriétaire légitime. Les actionnaires, dont Les Echos reconnaît qu’ils « n’ont jamais été aussi bien rémunérés », seraient donc les seuls propriétaires des profits. Ce choix sémantique en dit long sur la philosophie des actionnaires qui semblent ignorer que ce sont les salariés qui créent les richesses. Pas eux.
Les groupes du CAC 40 ont distribué 60 milliards de dividendes, mais combien de milliards ont été planqués dans des paradis fiscaux et des comptes numérotés, échappant au fisc, à l’impôt, grâce à une ingénierie financière immonde mais légale.
Les salariés sont invités à travailler plus, à voir leurs salaires bloqués depuis plusieurs années, pour qu’une caste de nantis soit encore plus riche et encore plus méprisante pour les pauvres.
Le SMIC, lui, a été augmenté de 1,2 % au 1er janvier quand les dividendes ont bondi de 12 % et progressé plus vite que les résultats nets des entreprises et il faudrait de satisfaire d’une telle anomalie ?
Les décisions d’augmenter les dividendes sont prises dans les conseils d’administration par des spéculateurs, des banquiers, des assureurs, avec la complicité des gouvernements qui réduit le taux d’imposition de ces dividendes grâce à une réforme de 2018 (la flat tax) de 36,5 % à 30 %. Merci M. Macron.
Si l’économie française se porte bien pour pouvoir se montrer aussi généreuse avec ses actionnaires, c’est grâce aux salariés, précaires ou pas, mais mal payés et dont l’implication dans la marche des entreprises est bafouée.
Ces informations sont traitées avec beaucoup de retenue par les grands médias. Par Emmanuel Macron et Edouard Philippe aussi.
Les comportements de la finance sont criminels ; le crime est perpétré contre la trop mal nommée ‘’valeur travail’’ dont on nous rebat les oreilles en permanence.