Connaissez-vous les rescrits fiscaux du Luxembourg ? Non. Mais les multinationales, elles, en connaissent toutes les subtilités. Quant à la Cour de justice de l’Union européenne, elle ferme les yeux et, bien au contraire, par ses jugements elle vise à les pérenniser.
Le 13 ami, elle a rendu un verdict très attendu dans un litige opposant l’Union européenne à Amazon. Le groupe de Jeff Bezos était soupçonné de montages fiscaux illégaux au Luxembourg avec la complicité du premier ministre du Grand-Duché, Jean-Claude Juncker. Les montages, baptisés LuxLeaks, avait été mis au grand jour grâce aux investigations du Consortium international des journalistes d’investigation du Center for Public Integrity.
L’accord entre Amazon et le Luxembourg avait été signé en 2003 et reconduit en 2011 ; la Commission avait estimé les avantages à 250 millions d’euros.
Le Luxembourg et Amazon avaient déposés un recours. Aujourd’hui, la Cour de justice conclut qu’«aucun des constats exposés par la décision attaquée ne (suffisait) à démontrer l’existence d’un avantage (…) de sorte qu’il y (avait) lieu de l’annuler dans son ensemble ». Amazon crie victoire et le Luxembourg s’est réjoui d’un arrêt « qui confirme que le traitement fiscal (…) en question (…) n’était pas constitutif d’une aide d’Etat ».
L’ONG Oxfam, de son côté, estime que « La décision d’aujourd’hui est un coup dur. Elle montre une fois de plus que les enquêtes au cas par cas ne permettent pas de résoudre le problème de l’évasion fiscale (…) La pandémie pousse les gens dans la pauvreté, tandis que les profiteurs de la pandémie, comme Amazon et Jeff Bezos, continuent de voir leur fortune atteindre des sommets sans payer leur juste part d’impôt».
Amazon a domicilié son siège principal pour l’Europe, LuxOpCo, au Luxembourg et cette société bénéficie d’un impôt dont le plafond est fixé à 0,55 % du chiffre d’affaires réalisés dans l’ensemble des pays de l’Union. Quant à la filiale en commandite luxembourgeoise, Lux SCS, elle n’est carrément pas assujettie à l’impôt. On comprend pourquoi Bezos était si impatient de connaître le verdict de la justice et jubile aujourd’hui.
Les multinationales et leurs innombrables filiales ont encore de beaux jours devant elles dans l’Union européenne, avec des Etats-voyous comme le Luxembourg qui ne sont pas considérés comme des paradis fiscaux. Quant aux autres Etats, ils ne se précipitent pas pour imposer un même système fiscal dans l’Union européenne ou pour condamner le Luxembourg ou l’Irlande ; l’ultra-libéralisme règne, sans partage.