Après la vente des publications du groupe Prisma à Vivendi-Bolloré, on apprend donc que TF1 va racheter M6 et RTL. En d’autres temps, on aurait parlé de séisme dans les médias. Le grand groupe allemand Bertelsmann, propriétaire de ces activités, se désengage de la France et aucun ‘’observateur’’ ne semble interpellé. Pourquoi ce départ d’un pays où les magazines, les radios et les chaînes de télévision constituaient l’un des principaux groupes de l’Hexagone ?

La fusion de la télé Bouygues avec M6, mais aussi RTL, est l’occasion d’entendre à nouveau tous les poncifs destinés à justifier une nouvelle concentration capitalistique dans le monde de la communication au sens large, mais de taire les dessous d’une affaire politico-financière.

Enfin, osent les plus intrépides, la fusion va permettre d’avoir un grand groupe français capable de concurrencer Netflix, Amazon ou Disney. Le directeur de la SACD, Pascal Rogard, censé protéger les auteurs s’est cru autorisé à dire : « Tout le monde a besoin de grands groupes capables de financer des projets ambitieux. Avec la multiplication des chaînes sur la TNT, les capacités de financement ont été fragmentées. Il vaut mieux peu d’acteurs forts que beaucoup d’acteurs faibles. »

C’est déjà ce que disait déjà Sarkozy en 2009. Pascal Rogard a des références qui vont faire frémir tous les réalisateurs audiovisuels !

Les producteurs, eux, plus réalistes balancent entre inquiétude et colère ; ils affirment : « Un seul guichet pour vendre, ça ne peut que faire peur au monde de la création » ou encore « Le marché français de la production a toujours souffert du manque de concurrence, donc la concentration qui s’annonce n’est pas une bonne nouvelle. Nous sommes très inquiets. »

Quant à la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, elle s’est crue autorisée d’avoir elle aussi un avis et quel avis ! « Le fait que les chaînes gratuites privées se concentrent, je le vois plutôt positivement, car moi j’ai besoin d’avoir un TF1 et un M6 qui vont bien. Certes, on se bagarre pour les audiences au quotidien, mais au fond on défend la même chose : un accès gratuit à des contenus de qualité pour tous en linéaire. »

Quand Mme Ernotte a-t-elle vu des contenus de qualité sur TF1 ? Et sur le service public, les émissions qui ‘’informent, éduquent et divertissent’’ se font rares avec les Ruquier, Bern, Davant et autres. La télévision qui ne prend pas le téléspectateur pour des demeurés, assoiffés de faits divers et de sécurité, elle est sur France 5 et de moins en moins sur France 2 et France 3.

La fusion annoncée a été menée en concertation avec l’Elysée et Emmanuel Macron a mis tout son poids dans la balance, ignorant royalement Roselyne Bachelot. Quelle garantie a-t-il obtenu de Martin Bouygues et Nicolas de Tavernost pour la prochaine campagne présidentielle ?

Ceux qui applaudissent à ce cataclysme n’ont sans doute pas entendu les inquiétudes des salariés (inquiets pour leur emploi quand on parle déjà d’économies d’échelle), des journalistes (inquiets pour le pluralisme et l’indépendance rédactionnelle) et des créateurs. Les affaires sont trop importantes pour se soucier de tels dossiers sociaux !