L’établissement public du château de Versailles réhabilite les privilèges. Il vient de céder les bâtiments du Grand Contrôle, du Petit Contrôle et du pavillon des premières Cent-Marches, jouxtant l’Orangerie, sous forme d’une Autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour 40 ans à un groupe hôtelier baptisé Les Airelles qui les a transformés en un palace « pour visiteurs de marques ».

Les tarifs annoncés ne laissent planer aucun doute : l’hôtel n’accueillera que des visiteurs de marques au compte en banque bien garni. Il leur en coûtera de 1 700 (chambre sans baignoire, seulement avec douche !) à 10 000 euros (une bagatelle) la nuit ! Clientèle trillée sur le volet, assurément. Les smicards sont priés de rester à la porte à regarder le personnel en costume d’époque.

Les clients bénéficieront de certains privilèges : visite privée du château, du domaine de Marie-Antoinette ou encore d’un petit déjeuner préparé par Ducasse.

Le groupe qui a obtenu cette autorisation est une filiale de LOV Group, propriété de Stéphane Courbit, ancien stagiaire chez Dechavanne, aujourd’hui à la tête d‘une holding qui est présente dans la production audiovisuelle (Banijay), les jeux en ligne (Betclic) et donc l’hôtellerie de luxe sous la marque Les Airelles.

Le petit stagiaire a bien grandi ; il est à la tête d’un groupe présent dans 23 pays et qui compte environ 5000 collaborateurs permanents (non compris tous les précaires, intermittents et stagiaires, qui permettent de réduire les coûts). En une dizaine d’années, Stéphane Courbit est devenu l’une des cent plus grandes fortunes de France.

L’homme est ambitieux ; il n’hésite pas à mélanger les genres : production audiovisuelle et paris sportifs pour le bas peuple et hôtellerie de luxe (à Courchevel, Val d’Isère, Saint-Tropez, Gordes et désormais Versailles) pour les nantis.

L’architecte maître d’œuvre du projet d’aménagement du palace de Versailles (14 chambres seulement) s’est récemment exclamé : « S’est imposée l’idée d’offrir un véritable moment d’histoire aux clients de l’hôtel : qu’ils s’y trouvent emportés dès le seuil, au pied de l’un des monuments les plus fameux  au monde. Ces clients vont dormir au Château, rendez-vous compte, auquel ils auront un accès direct en passant par l’Orangerie ! » Quelle bêtise !

Pour que l’illusion soit complète de revivre comme Louis XIV, notre architecte conclut en disant : « Pour une complète expérience, parti a été pris de dissimuler les nouvelles technologies et de ne pas équiper les chambres d’écrans. Et les parquets craqueront, comme dans les vieilles demeures : cela m’importe beaucoup, de même que l’éclairage, imitant celui de la bougie, avec une intensité de lumière comparable. Ainsi pourra-t-on se transporter au siècle de Jacques Necker, Mme de Staël ou Frédéric Nepveu dont le souvenir irradie ces lieux. »

Heureusement que le ridicule ne tue pas…

Qu’un établissement public ait permis de réaliser ce projet odieux et insolent relève simplement du scandale d’état. Jusqu’où ira le retour des privilèges ?

Ce genre de provocation ne mérite qu’une réponse : préparer une Nuit du 4 août pour abolir les privilèges. Il y en a tant encore.