Bernard Arnault collectionne les œuvres d’art et les expose de façon ostentatoire. Sa fortune parmi les premières au monde lui permet toutes les folies et il s’autorise tous les droits. Mais collectionner pour montrer sa puissance financière ou s’affirmer comme ‘’le’’ mécène d’aujourd’hui, est-ce suffisant pour être homme de culture ? La culture qui émancipe, qui élargit l’horizon, qui engage au dialogue entre tous les humains et rend plus tolérant, est-ce son but ?
Le monde de la culture est plus vaste que les quelques œuvres d’art qu’il collectionne ; le livre, la musique, le cinéma et le spectacle vivant font intervenir de très nombreux artistes, auteurs, créateurs, techniciens, costumiers, metteurs en scène, éditeurs, etc. La culture d’un milliardaire n’est pas celle du plus grand nombre.
Le monde de l’art est donc fait d’une multitude métiers de l’ombre, sans qui rien ne serait créé. M. Arnault les ignore avec dédain. Son journal économique, voix du grand patronat, et ‘’ses’’ journalistes insultent tous les intermittents aujourd’hui.
Dominique Seux, le directeur délégué de la rédaction des Echos, vient de lâcher son venin dans son éditorial de France Inter sur les occupations des lieux de culture par les intermittents et Lucie Robequain s’est fendue d’un éditorial dans le quotidien en reprenant les mêmes arguments éculés mais que, décidément, il est nécessaire de rabâcher pour gagner la bataille des idées.
Dominique Seux éructe : le mouvement d’occupation ne concerne, selon lui, que 500 personnes (sous-entendu un mouvement minoritaire de quelques trublions) et a assez duré. Il concède que les pauvres intermittents ne sont pas des « privilégiés richissimes » (ils n’ont pas même le milliardième de la fortune de celle de son patron), mais s’il lâche cette vérité c’est pour mieux les fustiger : décidément, ils n’ont rien compris. Lucie Robequain n’est guère étonnée : le mouvement est initié par la CGT, dont, c’est bien connu, les adhérents sont des forcenés incultes et des irréductibles.
Pour Dominique Seux, « le mouvement d’occupation, soit 500 personnes, exige la suppression de la réforme globale de l’assurance-chômage qui ne les concerne pas ». Les intermittents sont vraiment très bêtes et obtus. Ou motivés par d’autres motifs, idéologiques bien sûr. La réforme gouvernementale ne concernerait pas tous les citoyens ; l’affirmer aussi crûment sur les ondes publiques, c’est très osé.
Dans son argumentation, Dominique Seux ne pouvait pas oublier de mentionner les « discours tenus lors de l’élégante dernière cérémonie des Césars » ; celle-ci l’a dérangé (tant mieux, cela prouve que les interventions visaient juste). Lucie Robequain, elle, dénonce la valse des milliards d’aides à l’heure « où beaucoup perdent la notion des chiffres ».
Certes, les pauvres intermittents manipulés par la CGT perdent la notion des chiffres quand on leur étale la fortune de Bernard Arnault. Mais le milliardaire, lui, compte sur ‘’ses’’ journalistes comme sur de vulgaires valets de pied pour fustiger ceux qui n’ont plus travaillé depuis plus d’un an et qui n’ont rien d’autre qu’une maigre allocation-chômage pour tenter de subsister, dans un monde sans culture et qui n’auront même pas suffisamment d’argent pour aller voir les œuvres d’art de la Fondation Vuitton.
Alors, Bernard Arnault, Dominique Seux et Lucie Robequain, eux, n’ont rien compris à ce qui fait culture ; peu leur importe : ils s’occupent d’affaires autrement plus importantes, celles de quelques-uns contre le peuple.