Les fidèles se sont donnés rendez-vous aujourd’hui au Creusot pour célébrer la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle le 10 mai 1981, Jospin, l’ex-gauchiste en première ligne. Mais, pour certains socialistes d’aujourd’hui dont le premier secrétaire du parti, la manifestation pour le climat leur permet d’échapper opportunément à la fête de la social-démocratie.

Ah ! On y a cru ; on débordait d’enthousiasme. Enfin, on allait sortir de 23 ans d’un pouvoir étouffant, successivement gaulliste, pompidolien et giscardien. On l’avait tant espéré ce vent de liberté et ce retour à la démocratie. Enfin, on allait tourner la page des barbouzes, de la Françafrique, des scandales immobiliers, des pressions ministérielles sur l’information, etc.

On a vite déchanté. Celui qui avait dénoncé le système politique de la Ve République dans ‘’Le coup d’Etat permanent’’ a trahi tous les espoirs. Quarante ans plus tard, nous vivons toujours sous le même système ; la démocratie a encore reculé avec la décision de Lionel Jospin de lier élection présidentielle et élections législatives. Démoniaque, Mitterrand n’hésitait pas à prédire que « les institutions de la Ve étaient mauvaises avant moi, elles le seront après moi ». De Chirac, Sarkozy et Hollande, il n’y avait rien à attendre, d’Emmanuel Macron non plus sinon que nous sombrerions dans l’ultra-libéralisme. Mitterrand n’a pas touché à un seul article de la Constitution !

L’attitude de Mitterrand n’aurait pas dû me surprendre ; un vieil ami m’avait prévenu quand jeune loup impatient j’écoutais ses conseils avisés : « Les socialistes ont toujours trahi la classe ouvrière. » Alors, pourquoi y ai-je cru en 1981 ? Pourquoi étais-je si enthousiaste en mettant un bulletin Mitterrand dans l’urne ?

En tant que journaliste, j’ai eu à subir les trahisons de Mitterrand : la prétendue loi anti-Hersant, la fin du monopole d’Etat de diffusion (ouvrant la voie aux privatisations), la création de Canal+ offerte au privé et confiée à André Rousselet, patron de combat, la création de La Cinq offerte à Silvio Berlusconi, les cadeaux faits à Jean-Luc Lagardère, etc.

Je vois encore les hiérarques des médias, notamment dans l’audiovisuel public, se précipiter pour prendre leur carte du Parti socialiste et préserver leur juteuse sinécure. Et pour que rien ne change.

Je dénonce les trahisons de Mitterrand dans mon nouveau livre, ‘’Journalistes, brisez vos menottes de l’esprit’’ (Editions Maïa). Je dis bien d’autres choses, mais en le faisant je suis enfin en paix avec ma conscience.

Je ne peux vraiment pas célébrer l’élection de Mitterrand et rejoindre ceux qui ont couvert, sinon initié, ses actes contraires aux intérêts du peuple.