Comprendre la marche du monde ? Il n’y a rien de plus difficile aujourd’hui, dans un monde tourmenté, où les schémas d’hier volent en éclat, où ceux qui ont tout ont verrouillé toutes les institutions, méprisant ceux qui n’ont rien.

Agnès Buzyn, ex-ministre de la santé et archi-battue lors des élections municipales à Paris, vient d’être nommée à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ses compétences de médecin sont indéniables, mais le poste qu’elle va occuper aux côtés de Tedros Adhanom Ghebreyesus comme ‘’envoyée du directeur général pour les affaires multilatérales’’, ressemble fort à un reclassement de circonstance.

Laure de La Raudière, partisane de la Manif pour tous et membre de l’Entente parlementaire pour la famille (que cela sent bon la grenouille de bénitier), a été nommée pour diriger l’ARCEP. Un beau cadeau en direction de la frange réactionnaire en perspective des prochaines échéances électorales.

Moins chanceuse, Christine Fassert vient d’être licenciée par l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) pour insubordination récurrente et comportement inadapté. La jeune chercheuse, spécialiste de la catastrophe de Fukushima, a refusé les demandes de sa direction lui imposant des changements dans ses travaux. Un de ses collègues évoque des « pratiques totalement inhabituelles dans le milieu de la recherche ». Un collectif de chercheurs, dans une tribune publiée par le Monde, « dénonce le retour de méthodes autoritaires et de la censure dans les organismes du nucléaire ».

En matière de censure, il est un patron qui n’hésite jamais, Vincent Bolloré. Il vient de s’illustrer à nouveau sur sa chaîne Comédie+. La chaîne a diffusé les ‘’Etoiles espoir humour du Parisien’’, un spectacle amputé de la prestation du comédien franco-béninois Edgar-Yves, dont le sketch intitulé La Corruption fustigeait fort opportunément Bolloré.

Julian Assange, lui, est soumis au régime de la douche froide. Lundi, la justice britannique s’opposait à son extradition vers les Etats-Unis, mais aujourd’hui, cette même justice décide de son maintien en détention au prétexte qu’il existe « des motifs sérieux de croire que si M. Assange était libéré aujourd’hui, il ne se rendrait pas au tribunal pour faire face à la procédure de recours ».

Olivier Duhamel ne connaîtra pas le même sort ; il est libre et le restera. Mais on en apprend beaucoup sur sa personnalité. Celui qui a accumulé les postes importants (conseiller du président du Conseil constitutionnel, membre du Comité consultatif pour la révision de la Constitution, député européen élu sur la liste du PS, membre de la Convention sur l’avenir de l’Europe, membre du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, fondateur et directeur de la revue Pouvoirs ,mais aussi animateur et chroniqueur sur LCI et Europe 1, président du club Le Siècle et membre du comité directeur de l’Institut Montaigne. Ouf !) n’était peut-être pas aussi vertueux qu’il le prétendait ; les langues se délient et le Monde rapporte des témoignages : « Duhamel était le président d’une espèce d’aristocratie et les membres enseignants et étudiants n’avaient aucun pouvoir sur lui. », dit l’un d’eux un autre ajoute : « C’était à l’image des conseils d’administration du CAC 40Des gens qui se fréquentent, ont des relations entendues et policées, mais dont la plus-value des décisions reste très minime pour le projet académique de Sciences Po. »

Le père de la victime de Duhamel, Victor, et de l’autrice de La Familia Grande, Camille, a convoqué son avocate pour diffuser un communiqué dans lequel il déclare : « J’admire le courage de ma fille Camille. Un lourd secret qui pesait sur nous depuis trop longtemps a été heureusement levé. » Ce père admiratif, c’est Bernard Kouchner. Admiratif de sa fille, il peut l’être, lui qui n’a pas eu le courage de dévoiler le lourd secret dont il avait eu connaissance.

Ces faits n’ont aucun point commun ? En fait, ils sont tous le reflet d’une société en décomposition, d’une aristocratie en perdition (Duhamel), couarde (Kouchner), mais méchante et rancunière à l’occasion (Bolloré), qui serre les rangs et pratique l’omerta quand les intérêts des uns, la notoriété des autres est en jeu. Qui censure et rejette ceux qui ne sont pas les porte-parole de la pensée jupitérienne.

Ils n’ont rien à envier à ce fou de Trump qui se refuse toujours à reconnaître sa défaite et a convoqué ses troupes (armées) à Washington pour tenter un baroud (non pas d’honneur mais de déshonneur) devant le Parlement. On retiendra que Trump, malgré ses gesticulations n’a pu empêcher l’élection d’un sénateur noir dans un état du sud.

Ils n’auront pas un mot de soutien pour les salariés de Michelin qui ont appris une suppression de 2300 emplois, alors que le groupe est largement bénéficiaire et a distribué plus de 350 millions d’euros de dividendes. Ceux dont on a évoqué les faits ci-dessus détourneront les yeux pour ne pas croiser ceux des victimes des licenciements boursiers, l’aristocratie sait préserver son rang et ses privilèges.

Un vent mauvais souffle sur le monde.