Autobiographie (même si elle s’en défend), biofiction (même si elle s’en éloigne), roman, la première fiction d’Abnousse Shalmani est tout cela à la fois. La narratrice, Shirin, a huit ans quand ses parents, Niloophar (la mère) et Siamak (le père) fuient avec toute la famille le régime des ayatollahs de Khomeiny et le voile noir qui a recouvert l’ancien empire du shah d’Iran.
La famille, parlons-en, elle est haute en couleur ; elle est communiste, mais en Iran, les communistes peuvent être orthodoxes, c’est-à-dire staliniens, trotskystes ou maoïstes. Ils vivent tous dans le même immeuble avec tout ce que cela suppose comme événements en raison de leurs désaccords.
Abnousse Shalmani narre donc la vie de la famille de Shirin jusqu’à l’âge adulte dans un style flamboyant, cru (à la façon de Zazie dans le métro) ou baroque. La vie y est faite de conflits, de haines, d’attirances et d’amours, de fêtes avec d’autres exilés aussi.
Le livre s’envole parfois dans le réalisme magique des auteurs latino-américains, imprégné des contes orientaux (Elle a eu le coup de foudre à la lecture de L’amour au temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez). Mais Abnousse Shalmani maîtrise toujours son style pour prendre le lecteur à la gorge et ne plus le lâcher. Elle a un sens de la narration assez rare qui fait qu’on ne peut pas lâcher le livre.
Malgré son titre et la douleur de l’exil, ce livre est empreint de drôlerie, à chaque page. Les tantes de Shirin sont désopilantes, surtout Mitra particulièrement désagréable. La mère est une créature féérique, humiliée par ses soeurs ; quand elle accouche, Shirin appelle le nouveau venu le ‘’Tout petit frère’’. Il viendra bousculer la vie d’une famille foutraque.
Shirin, anticonformiste à l’image d’Abnousse Shalmani, trouve l’amour entre les bras d’Omid, et se lie d’amitié avec la voisine juive, rescapée de la Shoah.
Un grand roman, un grand écrivain, de la grande littérature, un livre qui marque et éclaire, aussi, sur les dangers de l’exil.