Ses conseillers en communication ont changé ses éléments de langage : on a noté un changement de mots et de ton dans le discours du président de la République. On a noté aussi que nous n’étions plus en guerre, mais on n’a pas signé d’armistice pour autant avec le Covid19.

Emmanuel Macron a rendu hommage à ceux qui n’ont rien (« Il faudra nous souvenir que notre pays aujourd’hui tient tout entier sur des femmes sur des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.»). Il a osé faire référence à la Révolution !

Faut-il croire à une brusque prise de conscience ou ne s’agit-il pas plutôt d’une tentative pour remonter dans des sondages qui ont enregistré une défiance sans précédent d’un peuple meurtri et confiné envers le premier de cordée ?

Philippe Martinez, de la CGT, l’a immédiatement interpellé : « Pourquoi ne pas avoir augmenté le SMIC dès décembre ? Il faut renforcer toutes les mesures sociales. » Et, au passage il a également demandé l’annulation de la réforme de l’assurance chômage, pour le moment suspendue, seulement suspendue.

En relisant son long discours, on perçoit que, sur le fond, Macron n’a pas changé, même s’il a laissé son caractère hautain au vestiaire. La pandémie était imprévisible et les premières mesures prises étaient bonnes. Oubliés les cafouillages dans la communication, le manque de masques, de tests, de lits, de respirateurs, de personnels, etc. Un changement de ton ne fait pas un changement de politique.

Le MEDEF ne s’est d’ailleurs pas trompé en déclarant : « Nous sommes satisfaits que le président ait fixé un cap pour remettre le pays en marche, parce que c’est le signe que l’épidémie recule grâce au confinement, et cela permet aux entreprises de bien préparer la reprise, et aux enfants de retrouver le chemin de l’école. »

Sur les masques et les tests, Emmanuel Macron a modifié une fois encore le discours officiel (« Dépister tout le monde n’aurait aucun sens. ») ; voilà une façon de réitérer le discours d’hier : tant que nous n’avons pas assez de masques par manque de stock et de bévues dans les commandes, le masque reste inutile. Les experts doivent avoir le sentiment d’être manipulés.

Pour les tests, Emmanuel Macron tente encore de nous tromper (« Le 11 mai, nous serons en capacité de tester toute personne présentant des symptômes. »). Qu’advient-il des malades asymptomatiques ? Le président de la République semble avoir oublié l’exemple allemand de son amie Angela Merkel.

Nous avons retenu aussi que le confinement débuterait le 11 mai. Les écoliers, collégiens et lycéens retourneront dans leurs établissements respectifs ; en revanche on ne sait rien des conditions de cette rentrée. Est-ce bien raisonnable d’envisager de faire rentrer de jeunes élèves, alors que les étudiants, eux, ne rentreront qu’en septembre, et que le Portugal, par exemple, a fermé tous ses établissements scolaires également jusqu’en septembre.

S’agit-il de rassurer le MEDEF qui pousse à remettre tout le monde au travail (pour travailler plus), en premier lieu les parents confinés pour garder leurs enfants ?

La décision annoncée a-t-elle été dictée seulement par les intérêts des élèves ou plutôt par les seuls intérêts du patronat et de Geoffroy Roux de Bézieux, son président, pressant les technocrates de l’entourage élyséen de répondre à ses exhortations ?

La réouverture des établissements scolaires ne fait pas l’unanimité, notamment parmi les enseignants et, ô surprise, même au sein du gouvernement puisque le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, qui voulait faire rentrer les élèves le 4 mai, a tempéré les impatiences de Macron. 

Un historien, enseignant-chercheur à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines, Christian Delporte, a décrit les dangers d’une rentrée le 11 mai de façon ironique :

« Le petit Léo, cas asymptomatique, était content de retourner à l’école. Il a vu plein de monde, le chauffeur du car, la maîtresse, les personnels de service, les copains, qui sont tous revenus avec des petits virus. Le soir, il a raconté sa belle journée à ses grands-parents. »

Le Tweet n’a pas été dicté par les nouveaux éléments de langage d’Emmanuel Macron, mais il en dit plus long que son discours.

Macron, s’il a changé de ton, reste à la tête d’un exécutif qui tangue comme un bateau ivre…