Tous les médias sont tombés sous le charme du très réactionnaire Michel Houellebecq ; l’AFP le qualifie d’écrivain visionnaire (pour l’agence, dans son dernier livre, il semble avoir anticipé le mouvement des gilets jaunes !), Le Monde qui lui consacre deux pages, renvoie le lecteur à un grand roman qui mérite d’être lu. Promotion gratuite.

Bref, tous sont tombés en extase devant « l’écrivain français vivant le plus lu et le plus commenté à travers le monde », ceci expliquant cela, dans un monde où le fric est roi.

Pour ma part, je préfère parler d’Erri De Luca, un écrivain italien avec lequel je suis en parfaite empathie. L’homme, natif de Naples, est un lettré qui communie avec son lecteur pour le rendre plus intelligent quand il referme l’une de ses œuvres.

Erri De Luca, militant d’extrême-gauche, a vécu de nombreuses années hors de l’Italie, en France, en Afrique, vivant de petits boulots manuels qui ont influencé sa philosophie, sa position vis-à-vis de la société et de la vie.

Lui, l’athée, s’est plongé dans l’étude des textes bibliques (il maîtrise à la perfection l’hébreu, l’écriture carrée, dit-il) et il en fait un sujet de ses romans. Dans La nature exposée son narrateur est un sculpteur qui vit dans les montagnes où il aide les réfugiés à passer la frontière, avant d’être obligé de fuir les sarcasmes ; il se réfugie en bord de mer où il est chargé par un curé de restaurer un Christ de marbre dont le sexe (la nature) a été recouvert d’un drapé.

Erri De Luca fait de ces deux épisodes de la vie de Lois Anvidalfarei ce qu’il qualifie de « récit théologique » une réflexion sur la nature humaine, mais aussi sur la religion et, bien sûr, sur l’art.

Dans La nature exposée, la politique et l’engagement de l’auteur sont toujours présents : « Pour moi, les frontières et les lois ne sont pas naturelles, je serai totalement et toujours opposé à cette idée. Les frontières et les lois sont celles que les hommes inventent et détruisent. Il faut savoir jouer avec et prendre des risques lorsque cela s’impose », confiera-t-il aux Inrockuptibles.

Dans Une tête de nuage, Erri De Luca se confronte à la vie de Ieshu (Jésus). Et son récit est formidable. Une fois encore, l’auteur s’empare de la Bible pour aborder des thèmes récurrents, le sens de la vie et de la mort du fils de Miriam/Marie, mais de père inconnu (même si Joseph accepte de l’accueillir) dans la société d’aujourd’hui.

La naissance de celui qui se fait appeler le « fils de l’homme » pose indubitablement les questions de la domination masculine, de l’éducation parentale, des réfugiés (Ieshu fuit le massacre des innocents), de la liberté, de l’oppression et des pouvoirs constitués (on y revient).

Ces deux romans, lumineux, permettent de comprendre comment Erri de Luca, « sans un souffle de foi », conjugue l’engagement de sa vie et le recours à la Bible, dont chaque fait traité par un de ses romans apparaît comme une parabole.

Erri De Luca ? Aux antipodes de Houellebecq. Et cette littérature-là permet de grandir et de s’élever.