La nomination de Dominique Boutonnat, un ami d’Emmanuel Macron, à la tête du Centre national du cinéma (CNC) a provoqué des remous et suscité des craintes. Une tribune de plus de 70 cinéastes (signée par près de 7000 personnes aujourd’hui) dénonçait la promotion de celui qui avait été l’auteur d’un rapport à la demande du ministère de la culture sur le financement du cinéma.

M. Boutonnat préconisait le développement du financement privé par des fonds d’investissement et, en corollaire, il notait la nécessité de la rentabilité des actifs ; dans le même temps, en filigrane, il fustigeait le trop grand nombre de films produits en France et la « politique nataliste des œuvres ».

Bref, M. Boutonnat, un ancien d’Axa avant de devenir producteur, souhaitait voir le cinéma français s’engouffrer dans le régime ultralibéral de Macron et il préconisait, par voie de conséquence, une pure logique commerciale. S’il ne le disait pas, il condamnait à terme les films d’auteur et leur créativité pour orienter les aides vers les superproductions hollywoodiennes, au nom d’une prétendue compétition internationale.

Avec M. Boutonnat, c’est l’industrie du cinéma triomphante, confisquée par les milieux financiers, plutôt que le cinéma intelligent, proche de l’artisanat, permettant un très grand foisonnement créatif.

On comprend mieux les critiques vives et acerbes des cinéastes français, le troisième cinéma mondial grâce à son système de financement unique.

Après s’être attaqué aux retraites, au code du travail, à l’école, à l’université, à la recherche, à l’hôpital, à la fonction publique, aux transports, Emmanuel Macron s’attaque donc au cinéma par Boutonnat interposé. Rien ne doit échapper à sa fièvre destructrice de ce qui fait l’originalité de la France au profit d’une startup-nation libérale à souhait.

Mais comme si ce n’était pas suffisant, une vingtaine d’affairistes viennent de racheter les Cahiers du Cinéma, le seul magazine intelligent, défenseur du vrai cinéma français.

On peut craindre des lendemains difficiles pour la rédaction des Cahiers de Godard, Truffaut, Bazin, Chabrol, Douchet, etc. Parmi les nouveaux actionnaires, ne retrouve-t-on pas, comme par hasard, de prétendus « passionnés du 7e art » (comme ils se qualifient) comme Xavier Niel (le téléphoniste), Alain Weill (patron d’Altice France et subordonné de Patrick Drahi), Marc Simoncini (patron du site de rencontres Meetic), Jacques Veyrat (de la société Impala, un site d’orientation scolaire), Corentin Petit (fondateur de la marque de mode par Internet Sézane), Reginald de Guillebon (qui a racheté successivement Le Film FrançaisPremière et Studio Ciné Live), etc.

A leurs côtés, figurent d’authentiques producteurs de cinéma, sans aucun doute amoureux du 7e art, mais cet aréopage n’inspire pas confiance.

Ils ont trop d’antécédents mercantiles pour ne pas voler au secours, eux aussi, des grosses productions, au détriment du cinéma d’auteur.

Décidément, avec Emmanuel Macron et son entourage, rien ne sera épargné. Même la culture doit se plier aux dogmes libéraux.