Le Triple Concerto de Beethoven interprété par la virtuose du violon Anne-Sophie Mutter, le violoncelliste Yo-Yo Ma et le pianiste (dirigeant également le West-Eastern Divan Orchetra) Daneil Barenboïm, quel moment de grâce !

Le Triple Concerto, œuvre d’un génie de la musique jamais à court d’idées, réunit les trois solistes dans un échange permanent avec l’orchestre et une complicité qui se traduit par des échanges de sourires communicatifs. Beethoven a réussi ce que personne n’avait osé faire avant lui et créé une œuvre exceptionnelle.

On ne peut rester insensible à la beauté de ce concerto composé entre 1803 et 1804, d’un profond romantisme.

Le Triple Concerto avait été enregistré à la Philharmonie de Berlin en octobre 2019 pour un concert marquant le vingtième anniversaire du West-Eastern Divan Orchestra.

Moment d’humanité, donc, car cet orchestre a été fondé par Daniel Barenboïm, israélo-argentin et juif, et Edward Saïd, américano-palestinien et arabe, en 1999 à Weimar en réunissant musiciens israéliens, palestiniens et quelques autres pays arabes voisins. Les deux promoteurs du projet ont voulu dépasser les antagonismes en faisant le choix de l’éducation, de la compréhension par la musique.

Daneil Barenboïm a fait preuve d’un courage remarquable et d’opiniâtreté ; il dit d’ailleurs à ce propos de cette expérience unique :

« L’orchestre existe, mais dire que c’est un orchestre pour la paix, comme on l’entend souvent, ce n’est pas vrai. Nous ne pouvons pas faire ça. Le constat est clair, nous ne pouvons pas jouer dans la plupart des pays arabes ou en Israël aujourd’hui (…) Pourtant, nous ne vivons pas un conflit politique, limité à des problèmes de frontières, d’eau ou de pétrole, mais un conflit qui ne peut être résolu que sur le plan humain, et il n’y a pas de solution militaire à ce problème. En revanche, ce que montre le Divan, c’est que si nous créons une situation d’égalité, alors Arabes et Israéliens peuvent construire quelque chose de commun, à condition qu’ils aient les mêmes droits et responsabilités ».

Affirmer l’égalité entre Israéliens et Palestiniens, quel courage dans un climat aussi délétère ; la mettre en œuvre et réussir son pari, quelle récompense pour Barenboïm. L’originalité ne s’arrête pas là :le nom de son orchestre fait référence à un recueil de poèmes de Goethe, Le Divan occidental-oriental, inspiré d’un poète persan, Hafez.

Daniel Barenboïm a voulu multiplier les symboles en interprétant le Triple Concerto de Beethoven à Berlin quand le racisme fait des ravages en République fédérale en tournant le dos à l’héritage des Goethe, Schiller, etc., quand Israël reçoit le renfort de Trump pour nier les droits du peuple palestinien. Quel moment d’humanité !

Voir et entendre sur une même scène Anne-Sophie Mutter, Allemande, Yo-Yo Ma, américano-chinois né à Paris, Daniel Barenboïm, israélo-argentin, l’orchestre Divan composé de musiciens israéliens, palestiniens et arabes, seule la musique pouvait réaliser ce rêve, seule la même soif de culture pouvait faire oublier, l’espace d’un concerto un monde violent, des discours d’intolérance, le règne du fric ou des gouvernements de plus en plus autoritaires.

Merci à Arte d’avoir diffusé ce concert inoubliable, ce moment de grâce et d’humanité. Et merci à Beethoven et à ses interprètes si talentueux.