Disons-le sans détour et d’emblée, Luca di Fulvio est un formidable narrateur ; plus que d’autres, il sait raconter des sagas. C’est l’un des plus grands écrivains d’aujourd’hui.

J’avais adoré Le Gang des rêves, puis Les enfants de Venise et Le soleil des rebelles ; j’ai encore plus adoré son dernier livre, Les prisonniers de la liberté. Il se lit avec délectation et passion.

C’est remarquablement écrit, dans un style simple, mais foisonnant. S’il s’empare encore de l’histoire, son roman n’est pas seulement historique. Il parle de la liberté, son thème favori, de nos sociétés patriarcales, de la pauvreté qui fait fuir les citoyens de peu vers des terres qu’ils croient plus hospitalières, plus libres. Luca di Fulvio parle donc de l’immigration et des pauvres réfugiés qui sont exploités par nos systèmes corrompus.

On se laisse prendre par les parcours des personnages, mais on sort grandi par ce livre, on se sent plus intelligents et plus que jamais animés du désir de cultiver la solidarité qui, seule, peut bousculer les exploiteurs, les corrupteurs et les corrompus.

Ici, il nous fait suivre Rocco qui fuit la mafia de Palerme, Rosetta qui fuit, elle aussi, la Sicile et les puissants qui se croient investi du droit de cuissage, et Raechel qui, elle, fuit une région pauvre et moyenâgeuse de Russie, sa belle-mère et les pogroms. Ces trois-là ont en commun de fuir la pauvreté et l’ignorance pour un nouveau monde en 1912, l’Argentine et Buenos-Aires.

Ces trois-là sont bien décidés à conquérir la liberté et d’assouvir leur soif de vivre dignement. Malgré les obstacles dressés par les puissants. Passionnés, ils sauront faire échec à tous les obstacles. Et entraîner d’autres victimes de toutes les oppressions sur le chemin de la lutte.

Ils devront échapper à la corruption, je l’ai dit, mais aussi à la prostitution, au rejet des différences. Luca di Fulvio n’est pas historien ; comme dans ses précédentes sagas, il nous parle de notre société d’aujourd’hui. Et c’est passionnant de bout en bout. La vérité est du côté du petit peuple qui fait preuve de grandeur d’âme et de détermination pour changer le cours des choses, abattre les hommes sournois violents quand il s’agit de défendre leurs privilèges, et pour faire triompher leurs valeurs de droiture et d’humanité.

Luca di Fulvio règle quelques comptes, notamment avec la Sociedad Israelita de Socorros Mutos Varsovia (nul besoin de traduire), qui s’était illustrée, si on peut dire, à Buenos-Aires en organisant un vaste réseau de prostitution pour alimenter plusieurs milliers de bordels, mais aussi avec cette Europe qui rejette les réfugiés (à l’image de Salvini), les pauvres et les gens qui n’ont rien.

Un très grand roman, dont on ne sort pas intact, tant la violence est présente à chaque page.