Blog de Michel Diard

La Chouette qui hioque

Peut-on aimer un pays

Mona Cholet est une journaliste et une autrice de talent. Ses œuvres ne laissent pas indifférent.

Invitée de l’émission d’Augustin Trapenard, La Grande Librairie, le 9 octobre pour parler de son dernier ouvrage, En finir avec la culpabilisation (La Découverte), elle a pris la parole pour lire un texte particulièrement émouvant sur la Palestine. Ce grand moment de télévision est à regarder pour partager le bouleversement provoqué par cette lecture. Mais, ce texte est aussi à lire et relire pour saisir toutes les raisons que tout homme humaniste a de soutenir le peuple palestinien.

Peut-on aimer un pays
Qui n’est même pas un pays ?

Un pays
Dont on n’a jamais foulé le sol
Un pays avec lequel on n’a,
Pour tout lien physique,
Qu’une lampée d’huile d’olive
Parsemée de zaatar
Qui caresse le gosier
Qui enchante les papilles de sa verdeur

Un pays
Dont on regarde de vieilles photographies,
Le cœur battant,
En y cherchant le visage de ses ancêtres
Au détour d’une ruelle de Jérusalem

Peut-on aimer un pays
Que tant de gens autour de soi
Se réjouissent de voir brûler
Un pays défiguré, englouti par la corrosion d’un seul mot :
« Terroriste »

Un pays d’enfants radieux
Transformés en pantins mutilés
En cadavres poussiéreux

Un pays dont le nom, à lui seul,
Constitue une offense
Dont le drapeau peut vous mener au commissariat
Dont les habitants
Pèsent moins qu’une plume
Sur la balance des vies humaines

Peut-on aimer un pays
Dont même vos amis
Semblent ignorer la part de douceur

Un pays qui vous rend suspecte
Qui vous isole dans le tremblement de votre effroi
Dans le chagrin qui vous réveille la nuit
Dans l’infinie litanie
De souffrances trop vertigineuses
Pour que l’esprit les saisisse

Peut-on aimer un pays entêté

Qu’il serait si facile de renier

Mais qui vous interdit de l’oublier

Un pays qui vous appelle, qui vous oblige

Un pays qui vous demande

De mettre à l’abri ses trésors

Quand vient l’heure inexorable de la destruction

Dégâts collatéraux désastreux

On n’en finit pas de mesurer les dégâts collatéraux de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Ulcéré par le résultat de l’élection européenne, il a pris une décision digne du souverain de droit divin ne supportant aucune contrariété, posture qu’il assume depuis sa première entrée à l’Elysée.

Mais si le peuple exaspéré avait ramené Louis XVI de Versailles à Paris, Macron, lui, reste en place, refusant de nommer un premier ministre de gauche, dévoilant ainsi, mais était-ce nécessaire, sa véritable nature.

Néanmoins, aujourd’hui, le roi est quasiment nu après avoir trouvé un allié, le LR, et un groupe de pression, le RN. Il partage le pouvoir avec le groupe parlementaire qui a été rejeté par les électeurs et sous le contrôle de Marine Le Pen. C’est peu glorieux. 

Les dégâts collatéraux immédiats sont considérables. La dette de l’Etat et la politique européenne sont avancées pour donner un nouveau tour de vis anti-social. Hausse des impôts directs et, surtout indirects touchant le peuple et préservant les ultra-riches ; coups de rabots sur les dépenses de santé ; report de l’augmentation des pensions de retraites ; suppression de postes de fonctionnaires et notamment d’enseignants quand il en faudrait davantage (l’école privée catholique réactionnaire pour les riches a de beaux jours devant elle malgré les scandales qui l’entourent) ; diminution du budget de la culture du fait de l’inflation (de nombreuses structures et initiatives ont déjà soit réduit, soit annulés leurs activités) ; etc.

La liste des dégâts s’allonge au fur et à mesure de la découverte du projet de budget.

Les grands groupes profitent de la chienlit pour faire leurs affaires. Ainsi, on apprend que Sanofi va vendre sa filiale Opella, spécialisée dans les médicaments ‘’grand public’’, à un fonds d’investissement américain, CD&R, pour 15 milliards, plutôt qu’à un fonds français cependant mieux disant social, mais moins généreux pour les actionnaires, le premier étant L’Oréal.

L’opération purement spéculative concerne quand même 115 médicaments et 11000 salariés dans 150 pays, qui, aujourd’hui, sont plongés dans l’angoisse. CD&R (pour Clayton, Dubilier & Rice), l’un des plus grands fonds américains, n’investit que pour réorganiser les entreprises rachetées à coups de milliards pour un retour sur investissement immédiat ; il n’hésite pas à couper les branches les moins rentables sous la pression de ceux qui lui ont confié des sommes considérables pour accumuler des dividendes. L’argent n’a pas de morale.

On est loin des vibrantes déclarations de Macron s’engageant à rapatrier la fabrication des médicaments essentiels en France. Aujourd’hui, curieusement, lui est d’habitude si disert, est étrangement muet. Il n’a pas un mot pour condamner l’opération.

Est-il fier de ce nouveau coup porté à l’industrie française par les détenteurs du capital ?

Confusions extrêmes

La démocratie, c’est-à-dire, l’organisation sociale du pays, est tourneboulée. Un groupe de 47 députés peut, par exemple, se targuer de détenir aujourd’hui 11 ministères, dont le premier et celui de l’intérieur.

Le pouvoir qui détermine l’organisation sociale est confisqué par une petite caste de réactionnaires rances, celle qui a mené la France à la quasi-faillite.

Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple n’est qu’illusion ; il ne revient plus au peuple de s’administrer. La caste au pouvoir n’a pas été mise en place pour le bonheur du peuple et nous subissons l’inversion de la démocratie ; nous sommes de plus en plus en ploutocratie, tournant le dos aux résultats électoraux.

Dans le contexte de discussion du prochain budget de la nation, la secrétaire générale de la CGT, a eu raison de rappeler que « là où l’on peut faire des économies, c’est sur les aides aux entreprises. C’est 200 milliards d’euros chaque année, un tiers du budget de l’Etat (…) Il faut que le balancier passe de l’autre côté ; aux grandes entreprises et aux plus riches de passer à la caisse. »

Le gouvernement a bien écouté, mais pas entendu ; il est plus sensible aux fortes injonctions des ploutocrates.

Certains affidés des ploutocrates, dans les régions, ont pris un train d’avance. Par exemple, le département du Nord a décidé de ne plus financer Collège au cinéma, un dispositif national qui permet aux collégiens d’aller voir d’excellents films avec leurs professeurs. Le montant de l’économie : 230 000 euros, sur un budget de 3,9 milliards.

Le président (de droite) du conseil départemental, Christian Poiret, a avancé un argument imbécile : « Le cinéma, vous ne pensez pas qu’ils peuvent y aller avec leurs parents ? ». Ainsi, il prive 30 000 collégiens du Nord d’éducation à la culture au moment où celle-ci est la plus nécessaire.

C’est, une fois encore, les ploutocrates qui ne veulent pas toucher à leurs privilèges et qui abandonnent l’éducation nationale au marché, car c’est le marché qui conditionne les moyens attribués à chaque échelon du pouvoir. Pour eux, la culture n’est pas nécessaire au peuple.

Le marché est d’ailleurs de plus en plus soumis aux règles dictées par les ploutocrates, qui ont mis en place des structures privées pour les faire respecter. Les cabinets de conseil sont de puissants gardiens des dogmes. Le gouvernement est sous leur influence comme l’a montré Elise Lucet dans son émission Cash Investigation sur le cabinet McKinsey.

Les médias sont, eux aussi, sous contrôle étroit et Elise Lucet est passée à côté du sujet en voulant faire de son émission un spectacle où la journaliste doit rester la vedette. Elle n’a pas mis en exergue, ainsi que l’a noté Télérama, « comment les consultants sont devenus des acteurs invisibles au sein des gouvernements, ce qui affaiblit la transparence nécessaire au fonctionnement démocratique. Le documentaire minimise également l’ampleur des conflits d’intérêts, qui sont bien plus répandus qu’il ne le montre. »

Le mal est profond. La ploutocratie tien bon le gouvernail du système économique et financier mondial celui qui, comme le soutenait José Saramago (on y revient toujours) « n’est pas démocratique parce que ce n’est pas le peuple qui l’a élu, qui n’est pas démocratique parce qu’il n’est pas régi par le peuple, et qui n’est pas démocratique, enfin, parce qu’il ne vise pas le bonheur du peuple ».

La France du 14 juillet 1789 est à réinventer.

Patrons voyous

Le scandale est énorme : la société Milee (ex-Adrexo), spécialisée dans la distribution d’imprimés publicitaires, vient d’être placée en liquidation. Résultat : 10 100 salariés sont licenciés et, plus encore, privés de salaires depuis le mois de juillet.

Le scandale est énorme et les grands médias sont muets. Le sort de plus de 10 000 pauvres, salariés précaires, fragiles, distribuant des paquets publicités dans des conditions moyenâgeuses et avec des salaires de misère, n’intéresserait donc pas les Français !

Le scandale est énorme quand on saura que les trois patrons de la holding Hopps Group sont des habitués des coups tordus. L’un d’eux, Frédéric Pons a été condamné en 2012 pour travail dissimulé quand il était à la tête d’Adrexo. Les patrons des Bouches-du-Rhône, peu regardants, l’ont porté à la vice-présidence du MEDEF.

Sa condamnation ne l’avait pas empêché de racheter Adrexo avec deux compères, Eric Paumier et Guillaume Salabert en 2017 et de la filialiser au sein de Hopps Group.

Le premier nommé, ex-directeur d’Adrexo Mail, avait racheté en 2012 l’activité colis d’Adrexo pour 1 euro symbolique (avec une soulte de 67 millions) pour créer Colis Privé, revendue 600 millions d’euros en 2022 à l’inévitable Rodolphe Saadé (CMA CGM), l’ami d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, les salariés de Milee s’étonnent de ne pas trouver trace du produit de la vente et, surtout, d’apprendre que leurs patrons ont prélevé 70 millions d’euros de dividendes fin 2022 vers Hopps Group.

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT dénonce ce scandale et s’étonne du mutisme du gouvernement, la situation de Milee n’étant que la partie émergée de l’iceberg : « Depuis la fin de Presstalis pendant le Covid, aucun modèle pérenne n’a été trouvé pour la distribution de la presse. Il faut plancher sur un modèle durable et nous avons des idées. La CGT propose de travailler sur des mutualisations et des complémentarités, notamment avec la distribution de produits pharmaceutiques. Ce serait un projet tenable économiquement et écologiquement intéressant. »

Les patrons voyous ont encore de beaux jours devant eux ; le silence des médias est leur meilleur allié.

7 octobre

José Saramago a écrit des phrases terribles mais tellement justes en 2000 sur la situation à Gaza et en Cisjordanie. Il osait déjà parler de génocide et de complicité criminelle des nations occidentales ; son analyse s’est perdue et il apparaît utile de la rappeler près de 25 ans plus tard :

« Israël a fait siennes les terribles paroles de Jéhovah dans le Deutéronome : « A moi la vengeance et la rétribution. » Israël veut que nous nous sentions coupables, nous tous, directement ou indirectement des horreurs de l’Holocauste, Israël veut que nous renoncions à notre plus élémentaire jugement critique et que nous nous transformions en un docile écho de sa volonté ; Israël veut que nous reconnaissions de jure ce qui pour eux est déjà un exercice de facto : l’impunité absolue. Du point de vue des juifs, Israël ne pourra jamais être soumis à jugement, puisqu’il a été torturé, gazé et brûlé à Auschwitz. » Benyamin Netanyahu agit à Gaza et au Liban, sûr de son impunité.

Le 7 octobre 2023, Le Hamas, créature d’Israël, aussi fanatique que les plus fanatiques des Israéliens, a perpétré un crime de guerre terrible et inacceptable. Gideon Levy, journaliste israélien au quotidien Haaretz, en témoigne aujourd’hui dans L’Humanité : «Il y a eu un choc et un traumatisme. Je suis allé dans les kibboutz et les villages attaqués, deux jours plus tard ; j’ai vu des scènes terribles. Je ne minimise rien. Mais, dorénavant, tout se passe comme si nous pouvions faire ce que nous voulons. »

Gideon Levy prend néanmoins des distances avec le génocide décidé par Netanyahu : « Il faut néanmoins rappeler que ce qui s’est passé ce jour-là s’inscrit dans un contexte. Il y a une raison à tout ; cela ne veut pas dire que je justifie tout. Mais, pensez-vous vraiment que 2,3 millions de personnes vivraient pendant dix-huit ans dans la plus grande prison au monde et l’accepteraient pour toujours ? Le 7 octobre est arrivé de la manière la plus brutale, mais après dix-huit ans en prison, les gens peuvent devenir fous. Nous pouvons tuer 41 000 personnes sans que quiconque n’ait le droit de nous dire que c’est criminel, illégal et génocidaire ? Nous pouvons tuer 17 000 enfants et dire que c’est de l’autodéfense ? Non. Israël a le droit de se défendre, mais pas de commettre un génocide. Le 7 octobre ne donne pas à Israël la liberté de se comporter en sauvage. »

La critique du gouvernement israélien est devenue inaudible et expose ceux qui osent le faire à un procès en antisémitisme. Gideon Levy, lui un juif, nous lance cependant un appel vibrant : « Ignorez cela. C’est une manipulation cynique de la propagande israélienne. Il y a de l’antisémitisme, et il faut le combattre. Mais tous ceux qui critiquent Israël ne sont pas des antisémites, pour l’amour de Dieu ! La plupart d’entre eux ne le sont pas car ce sont des gens de conscience. Quand un citoyen français voit le massacre d’enfants et crie « Arrêtez ça ! », il crie à son gouvernement de faire quelque chose. Qu’est-ce que cela a à voir avec l’antisémitisme ? »

Le bilan du crime du Hamas le 7 octobre 2023 est terrible, mais le génocide du peuple palestinien est effroyable et insupportable. Une ONG créée par Paul Biggar, un développeur irlandais, en janvier dernier, TechforPalestine, regroupant des centaines de contributeurs dans le monde, a compilé les bilans publiés par les autorités gazaouis. Parmi les 41 825 victimes dans la bande de Gaza, 34 343 ont été identifiées ; parmi elles, 1332 avaient moins de 2 ans, 5923 de 2 à 11 ans, 4100 de 11 à 17 ans, 20255 avaient plus de 17 ans et 2733 plus de 60 ans. L’ONG a dénombré 1423 attaques de colons en Cisjordanie, faisant 699 morts. Le bilan est macabre.

A qui Netanyahu fera-t-il croire que toutes ces victimes étaient des suppôts du Hamas ? La bande de Gaza n’est qu’une ruine.

Il faut entendre les appels au secours déchirants venus de Gaza et désormais du Liban ; il faut entendre ceux qui souffrent, interminablement et attendent de nous d’appeler et, surtout, d’agir pour stopper le massacre d’un peuple.

Et toc !

Vincent Bolloré a colonisé ‘’ses’’ médias pour y déverser une idéologie hyper-réactionnaire. ‘’Ses’’ journalistes ne font donc pas d’information, mais du bourrage de crâne. Hélas, il n’est pas le seul milliardaire à se livrer à une confiscation du pluralisme.

On n’est pas obligés de les regarder, écouter ou lire.

En effet, tout n’est pas perdu ; il reste encore des journalistes, des vrais, notamment dans la presse écrite.

Ce n’est pas dans la presse Bolloré qu’on lira ces deux exemples des bons principes professionnels ; ils sont tirés de Télérama et pas dans les pages les plus lues (dans les dernières pages réservées à la radio), mais ils sont réconfortants. Il s’agit de deux articles écrits par deux jeunes consœurs (bravo à elles).

L’une, Elise Racque, a interviewé Marina Carrère d’Encausse (nouvelle venue sur France Culture) qui, à la question : « Les inégalités sociales traverseront-elles l’émission ? », a livré une très belle réponse : 

« Toujours, toujours, toujours ! Parler de santé, c’est parler d’injustices et de discriminations. Vous pouvez aborder l’IVG sous le prisme purement médical, mais vous pouvez aussi consacrer une émission à expliquer pourquoi ce droit est menacé. L’impact des inégalités sociales sur la santé des gens m’a toujours préoccupée. En France, on a la chance de garantir un accès aux soins gratuits pour les plus défavorisés, mais il ne faut pas ignorer les conséquences de ces inégalités. Par exemple, sur l’obésité et la malnutrition. Je soutiens évidemment les discours qui consistent à dire qu’il faut faire du sport, manger sainement et bio. Mais à qui on parle ? J’ai un peu de mal à entendre ça quand je vois une femme seule qui élève quatre enfants dans une cité et qui ne va certainement pas faire un jogging le soir en rentrant du boulot, ni acheter du bio avec son budget serré. Ces injonctions très globales ne prennent pas en compte la réalité sociale des gens, je crois même qu’elles tendent à aggraver les inégalités. Je voudrais faire en sorte que les messages de prévention et de dépistage puissent vraiment aider le plus grand nombre. On en est loin. »

Le second exemple, on le doit à Marion Mayer qui, dans une rubrique intitulée ‘’Dans les oreilles’’, écrit un court article titré ‘’Taxer les ultra-riches’’ bien troussé :

« Je suis souvent frustrée par le débat du 7/10 d’Inter. Mais entendre Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France, rappeler que l’impôt sur l’héritage que propose l’ONG ne concerne que les sommes au-delà de 13 millions d’euros m’a semblé important. « Les Français sont contre cet impôt, mais l’immense majorité d’entre eux ne le paieront jamais. », précise-t-elle face au secrétaire général de LR Geoffroy Didier, qui préfère parler égalité des chances à l’école. « Ça nécessite que l’école ait les moyens de faire son travail », rétorque-t-elle. Et toc ! »

Alors, oui, et toc ! Et bravo aux deux jeunes journalistes.

L’une permet à Marina Carrère d’Encausse affirmer un beau parti pris (c’est tout à l’honneur du service public et de France Culture) ; l’autre se permet de critiquer ‘’le grand entretien’’ (sic) de France Inter (également service public) et, par ricochet, la star Léa Salamé, trop souvent insupportable.

Tout cela me rappelle le titre du livre rendant compte des Etats généraux de la culture en 1987, initiés par Jack Ralite : ‘’La culture française se porte bien pourvu qu’on la sauve’’. On pourrait décliner ce titre à propos de l’information : ‘’’l’information en France se porte bien pourvu qu’on la sauve de Bolloré et de quelques autres milliardaires’’.

Et toc !

Les poches des retraités

Bruno Le Maire a laissé les caisses de Bercy totalement vides, avec une dette abyssale de plus de 3 000 milliards (soit plus de 45 000 euros par habitants). Le président de la République, d’habitude si disert, est muet sur le sujet.

Les deux hommes étaient bien d’accord sur la politique à mener en direction des riches ; ils sont donc solidairement responsables de la situation catastrophique du pays. Quand le président est taiseux, l’ex-ministre pérore en Suisse. L’université de nos voisins helvètes est-elle devenue folle pour inviter Bruno Le Maire à dispenser l’économie à des étudiants !

Le nouveau gouvernement, lui, commence à abattre ses cartes. Le ministre de l’intérieur est le plus rapide à s’exprimer et à dévoiler une politique immigratoire foncièrement ultra-réactionnaire. Il va affréter des charters pour expulser les pauvres immigrés.

Son premier ministre, Michel Barnier, égrène ses premières mesures avec moins de brutalité, mais elles sont puisées aux mêmes sources auxquelles les électeurs pensaient avoir tourné le dos en juin-juillet.

A grand fracas, Barnier annonce mettre les ultra-riches à contribution : 65 000 foyers fiscaux gagnant plus de 500 000 € par an devraient ramener un peu moins de 2 milliards dans les caisses (soit une moyenne de 30 000 €). La mesure ne les empêchera pas de boucler la fin de mois (il leur restera 470 000 euros par ans, soit près de 40 000 euros par mois ou 28 fois le SMIC).

En revanche, Barnier a annoncé vouloir faire les poches des retraités dont la revalorisation des pensions est retardée de 6 mois.

Certes, tous les retraités ne reçoivent pas le minimum vieillesse et certains ont même des pensions confortables. Mais les retraités sont 14 millions et la mesure doit permettre d’économiser environ 4 milliards.

C’est Colbert qui, selon la légende, aurait osé cette phrase historique à Louis XIV : « Sire, taxons les pauvres, ils sont plus nombreux ».

Barnier, pilier de la droite la plus réactionnaire et la plus bête du monde, connaît ses classiques idéologiques.

Chassons-le, comme la royauté. Vite ; très vite.

L’autre guerre

On sait que Benyamin Netanyahu est un monstre de cruauté ; il prétend avoir une mission messianique de conquérir les terres du Grand Israël. Il est en Croisade, si on peut oser emprunter le mot à la religion catholique.

 On sait qu’il déploie d’incroyables arguties pour justifier le génocide palestinien. On sait qu’il se permet de bombarder Gaza en tuant des civils innocents, mais aussi le Liban, le Yémen et même la Syrie, en toute impunité, avec l’aide financière des Etats-Unis.

Mais on tait une autre guerre, économique celle-là. Depuis le 7 octobre 2023, il prive plus de 200 000 travailleuses et travailleuses palestiniens, de Cisjordanie et de Gaza, employés en Israël de tout salaire et de toute prestation.

Non seulement leur permis de travail a été suspendu en leur contrat résilié unilatéralement, mais les salaires antérieurs au 7 octobre n’ont pas été payés.

Il s’agit d’une violation de la Constitution de l’Organisation internationale du travail (OIT) ; elle plonge évidemment ces salariés dans une profonde détresse. Dix organisations syndicales internationales regroupées au sein de Global Unions ont déposé une réclamation à l’OIT. Elle est restée sans réponse de la part d’Israël ; il s’agit d’un mépris au même titre que le refus de reconnaître et d’appliquer les résolutions de l’ONU.

L’un des dirigeants de Global Unions a déclaré :

« La retenue des salaires est la dernière indignité injustifiée à laquelle doivent faire face les travailleurs et les travailleuses palestiniens sous l’occupation. Tout comme le bombardement actuel de Gaza, rien ne saurait justifier cette action disproportionnée. Il s’agit d’un châtiment collectif imposé au peuple palestinien. »

Benyamin Netanyahu est sourd à ces revendications du respect des engagements internationaux. Il montre sa véritable nature.

L’histoire le jugera, car cette autre guerre est indigne d’un pays construit sur la notion de démocratie.

Ne rien lâcher !

Quand je suis dèsespéré par la situation dramatique au Moyen Orient où les morts se comptent en dizaine de milliers ; quand j’enrage après avoir lu que Biden débloque 8,7 milliards à Netanyahu pour perpétrer son génocide des Palestiniens ; quand je crie au scandale en écoutant Emmanuel Macron justifier son choix de confier le gouvernement à un réactionnaire comme Michel Barnier ; quand je suis fou de rage en apprenant qu’une université suisse accorde un salaire de plus de 8000 euros par mois à Bruno Le Maire pour enseigner l’économie, lui qui laisse la France devant une dette énorme ; bref quand je prends connaissance d’une actualité suffocante, je fais appel à l’un des mes auteurs préférés, le Portugais José Saramago.

Et je relis ses œuvres. Là je me replonge dans son Cahier. J’y lis à la date du 8 octobre 2008 :

« Aujourd’hui, méprisée et jetée à la corbeille des formules usées et dénaturées par l’usage, l’idée de démocratie a cédé la place à un marché obscènement triomphant, finalement aux prises avec une très grave crise dans son versant financier, tandis que l’idée de démocratie culturelle était supplantée par une aliénante massification industrielle des cultures. Nous ne progressons pas, nous reculons. Et il sera de plus en plus absurde de parler de démocratie si nous nous entêtons dans l’erreur de l’identifier uniquement à ses expressions quantitatives et mécaniques qu’on appelle partis, parlements et gouvernements, sans se soucier de leur contenu réel et de l’utilisation détournée et abusive que l’on fait le plus souventdu vote qui les a justifiés et mis à la place qu’ils occupent. »

Seize ans plus tard et au regard de la situation ici et ailleurs, je mesure combien José Saramago faisait preuve de lucidité.

Mais, est-il possible de reculer encore ? Ou est-on à ce point anésthésiés que toute tentative pour changer les mauvais gouvernements, corrompus, est impossible par les urnes ?

Comme Saramago, je me refuse à abdiquer devant les hommes politiques au pouvoir, égoïstes et arc-boutés sur leurs privilèges. Je veux croire encore à la démocratie par le peuple et pour le peuple. Même si l’échéance paraît chaque jour plus éloignée.

Propaganda

Les médias entre les mains des ultra-riches (Arnault, Bolloré, Saada, Dassault, Kretinsky, Bouygues) sont autant d’instruments de propagande. Depuis Edward Bernays, neveu de Freud et auteur d’un ouvrage de référence, Propaganda (paru en 1928), les méthodes se sont affinées ; néanmoins elles sont toujours aussi grossières et manipulatrices.

L’assassinat de la jeune étudiante, Philippine, a été odieusement récupéré par tout ce que la France compte de racistes et d’anti-immigrés. Les chaînes de télévision ont été en première ligne, mais pas seulement.

Rares ont été les journaux qui se sont démarqués. Télérama, avec Samuel Gontier, a relevé le défi de ne pas être dans la ligne des propagandistes des idées d’extrême droite. C’est pourquoi son billet, publié par le site de l’hebdomadaire est important à lire et à diffuser :

« Meurtre de Philippine : comment est-ce encore possible ? » titre Le Parisien ce jeudi. « Meurtre de Philippine : à qui la faute ? » interpelle BFMTV la veille. « Des failles dans le suivi du suspect ? » questionne France 2. « Faut-il changer la loi ? » suggère TF1. Depuis mardi soir et l’arrestation du suspect, les médias s’interrogent sur le viol et le meurtre d’une étudiante, Philippine, commis par un Marocain qui, après avoir purgé sa peine pour un précédent viol, était sous le coup d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Le moins que l’on puisse dire est que ces médias ne manquent pas de volontaires pour leur répondre. « Le profil du meurtrier a fait réagir les politiques de tous bords », note Gilles Bouleau. « La classe politique n’a pas de commentaire assez dur », relaie une journaliste de France 2. Sur BFMTV, Éric Brunet résume : « Ce fait divers tragique est devenu un fait politique. » D’Olivier Faure à Bruno Retailleau, de Fabien Roussel à Jordan Bardella, toute la classe politique a un avis sur une affaire effectivement dramatique. Ce frénétique vacarme contraste avec l’assourdissant silence des mêmes politiques à propos du procès de Mazan, où cinquante et un hommes sont accusés d’avoir violé Gisèle Pelicot, droguée par son mari. D’un côté, le profil passe-partout des accusés interroge tout le monde sur la culture du viol qui imprègne la société. Tout le monde sauf les politiques, aux abonnés absents, comme le relèvent France Culture ou Public Sénat(seul le PS a publié un communiqué). De l’autre, le parcours d’un récidiviste sans papiers suscite chez nombre d’élus une surenchère de commentaires xénophobes et de propositions sécuritaires (plutôt que des interrogations sur l’efficacité d’un système carcéral où le suspect a passé cinq ans avant de récidiver). Complices, des médias laissent libre cours aux fantasmes racistes et aux recettes répressives de la droite et de l’extrême droite, tel BFMTV, accueillant successivement Matthieu Valet (RN), Sarah Knafo (Reconquête), Marion Maréchal et Robert Ménard pour commenter l’affaire. La dissonance criante entre le procès de Mazan et le meurtre de Philippine montre une nouvelle fois qu’il est plus facile pour une grande partie de la classe politique (et des médias) d’incriminer l’immigration plutôt que de traiter les violences sexistes et sexuelles comme un problème systémique. »

Merci.

Les paroles d’Arafat

Alors que se tient l’assemblée générale de l’ONU, Israël continue à tuer en Palestine et désormais au Liban. Avec férocité et aveuglément. La situation est insupportable et doit cesser.

Mais pour des questions géostratégiques ou nationales, les prétendues grandes nations qui pourraient arrêter le bras assassin de Benyamin Netanyahu palabrent ; elles évitent ainsi de prendre les mesures qui devraient s’imposer à tous. Les mots sont autant d’écrans de fumée.

Le peuple palestinien, victime d’un génocide depuis des décennies, pleure ses innombrables morts, enfants, femmes et adultes, et voit se multiplier les ‘’colonies’’ en Cisjordanie au mépris de toutes les déclarations des Nations Unies.

Il y a cinquante ans, le 13 novembre 1974, Yasser Arafat, avait pu s’exprimer à l’assemblée générale. Ses paroles étaient fortes et intelligentes, :

« Si cette immigration des Juifs en Palestine avait eu pour but de leur permettre de vivre à nos côtés, en jouissant des mêmes droits et en ayant les mêmes devoirs, nous leur aurions ouvert les portes, dans la mesure où notre sol pouvait les accueillir. Tel a été le cas pour les milliers d’Arméniens et de Circassiens qui vivent parmi nous en tant que frères et citoyens bénéficiant des mêmes droits. Mais que le but de cette émigration soit d’usurper notre terre, de nous disperser et de faire de nous des citoyens de deuxième catégorie, c’est là une chose que nul ne peut raisonnablement exiger de nous. C’est pour cela que, dès le début, notre révolution n’a pas été motivée par des facteurs raciaux ou religieux. Elle n’a jamais été dirigée contre l’homme juif en tant que tel, mais contre le sionisme raciste et l’agression flagrante. »

Que cinquante ans plus tard, les Palestiniens se retournent vers les extrêmistes et les fous de dieu n’est guère surprenant. Même pour Netanyahu qui a largement contribué à l’expansion du Hezbollah et du Hamas pour tenter de justifier l’injustifiable, à savoir la ‘’grande Israël’’, la terre du peuple juif.

On en revient toujours, hélas, à la religion !

Vive la culture

Le ministère de la culture n’a pas changé de titulaire ; Rachida Dati a réussi à sauver son maroquin. Elle a fait preuve d’opiniatreté pour rester dans le bureau de la rue de Valois et obtenir un nouveau bail.

Pour combien de temps ?

Mise en examen pour « corruption passive par personne chargée d’un mandat électif dans une organisation internationale publique », « trafic d’influence passif d’agent d’une organisation internationale publique », « recel d’abus de pouvoir » et « recel d’abus de confiance » pour une sombre affaire de 900 000 euros d’honoraires (rien que ça) reçus par l’ex-députée européenne en sa qualité d’avocate de Renault-Nissan, alors présidé par Carlos Ghosn, la ministre bénéficie de la présomption d’innocence. 

Néanmoins, les magistrats ont remarqué que l’avocate Rachida Dati avait reçu cette coquette somme alors qu’elle était membre suppléante de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie et que les activités de lobbying sont intredites aux députés de Bruxelles.

Les procédures retardatrices de ses avocats ont été rejetées et le Parquet national financier doit rendre son réquisitoire dans les prochains jours ; un renvoi de Rachida Dati devant le tribunal correctionnel est évoqué.

Mais Rachida Dati est citée dans une autre affaire judiciaire, liée aux barbouzeries au sein de la présidence qatarie du club de football parisien, le PSG.

La situation de la ministre est délicate ; son ambition de briguer la mairie de Paris et son avenir gouvernemental sont en suspens. Celle qui fut aussi ministre de la justice le sait mieux que d’autres !

Le monde de la culture, qui observe les diminutions de son budget avec effarement, est de plus en plus inquiet. Peut-on faire abstraction de toutes ces « gamelles » judiciaires pour aborder et solutionner les innombrables dossiers sur son bureau ? 

La situation de Rachida Dati est précaire dans un gouvernement lui aussi à l’avenir précaire.

Le gouvernement porte-t-il si peu d’intérêt à la culture pour se satisfaire d’avoir choisi une ministre autant menacée ?

Vive la culture ne semble pas être le credo d’un gouvernement Barnier, tout entier entre les mains de la droite dure.

Choix politique

Le climat politique est lourd et le ciel n’est pas serein. Les conciliabules à l’Elysée ou à Matignon se déroulent à huis clos ; le peuple est tenu à l’écart et, pis encore, cocufié puisque ce sont les perdants qui se retrouvent à tenter de gouverner un pays à l’agonie, endetté, en perte de vitesse économique et industrielle.

Le prochain budget, pour 2025, traduction des choix politiques, est hérité du gouvernement Attal, préparé par un ministre de l’économie infatué, aveuglé par ses amitiés avec le grand patronat et peu respectueux des citoyens.

Les députés ont dû multiplier les coups d’éclat pour se voir remettre seulement un rapport provisoire, synthèses des lettres de plafonds de chaque ministère. Preuve s’il en faut que le futur gouvernement cultive autant le secret que le précédent pour taire au peuple ce qui l’attend, à savoir, austérité, casse accrue des services publics, autoritarisme, renforcement des lois répressives. Désormais, on connaît si bien le refrain que les électeurs ont voté plus massivement pour la gauche, pas suffisamment néanmoins pour inverser le cours des politiques libérales.

C’est dans ce contexte morose que la Défenseure des droits, Claire Hédon, a lancé un cri d’alarme : à la rentrée, plus de 27 000 élèves du second degré n’avaient aucune affectation et dix jours plus tard, ils étaient encore 13 831. Un scandale passé sous silence par les médias. Mais pas pour par Claire Hédon qui accuse :

« Cela contribue sans aucun doute à l’échec scolaire. Quand un élève arrive avec quinze jours ou un mois de retard, il part avec un handicap. D’autant que certains jeunes finissent par être scolarisés à une heure de chez eux, alors que des solutions autres existent. Ces temps de trajet participent à une inégalité des chances. »

La Défenseure des droits parle d’une « entorse grave au Code de l’éducation ».

Il ne s’agit hélas que d’un exemple des effets d’une politique, la casse des services publics et notamment de celui de l’éducation nationale. La situation est le résultat de la fermeture de classes, de lycées techniques, du manque de professeurs entraînant l’accroissement du nombre d’élèves par classe, etc. C’est le résultat de la politique libérale de Macron. Et avec le gouvernement Barnier, on s’attend à une aggaravation de la situation.

Les enfants de pauvres sont privés d’école, pas les gosses de riches qui, eux, sont dignement accueillis au collège Stanislas.

Retour au Moyen-Âge

L’absence de gouvernement est la pire crise politique, inédite, traversée par la France depuis 50 ans ; mais soyons rassurés, les affaires continuent.

Bernard Arnault, par exemple, n’arrête pas de faire son marché dans le prestigieux vignoble bourguignon, comme on l’a vu hier. Entre deux achats, le milliardaire doit néanmoins continuer à s’agiter pour que Michel Barnier constitue un gouvernement aux ordres des ultra-riches.  Désormais, il peut venir visiter son ami Emmanuel Macron avec une bonne bouteille de corton-charlemagne. Dans la conversation, il peut ainsi glisser au président de la République sa profonde aversion pour Lucie Castets et le programme du Nouveau Front populaire. L’aversion, est-il nécessaire de le préciser, est partagée par l’hôte de l’Elysée.

Dans le vignoble côte d’orien, en revanche, les vignerons font grise mine et laissent éclater leur colère. Thiébault Huber, vigneron à Meursault et président de la Confédération des appelations et des vignerons de Bourgogne (CAVB), s’inquiète pour les 32 000 hectares de vignes et les 4500 familles qui en tirent le meilleur. Et il ne cache pas sa colère : « C’est tout petit à l’échelle mondiale, mais on est réputé dans le monde entier. C’est le fruit de notre travail de qualité, avec un modèle familial qui marche, un respect du territoire, des rendements limités. Si on en vient à être détenus par 10 familles riches dans le monde, il y a un risque de standardisation. Mais qu’on continue ! Comme ça, tous les joyaux de la France appartiendront au club des ultra-riches du monde, on n’aura plus aucune exploitation familiale et on sera dans un système féodal. Retour au Moyen-Âge, avec les seigneurs qui possèdent les terres et les serfs qui bossent pour eux. »

Hélas, le vignoble bouguignon n’est pas la seule activité à connaître une telle évolution sous l’influence des ultre-riches et des fonds d’investissement.

Le vin perd son âme

On apprend aujourd’hui que le groupe du super-luxe de Bernard Arnault, LVMH, vient de racheter 1,3 hectares sur les 2 du Domaine Poisot à Aloxe-Corton pour 15,5 millions d’euros.

L’un des hommes les plus riches du monde vient de s’offrir trois grands crus du meilleur vin de bougogne, un blanc, le corton-charlemagne, et deux rouges, le corton-bressandes et le romanée-saint-vivant.

Déjà propriétaire des 8,66 hectares du Domaine des Lambrays à Morey-Saint-Denis, Bernard Arnault fait main basse sur les meilleurs vins ; le milliardaire signe des chèques sans s’inquiéter du nombre de zéros. Les petits vignerons (et même les plus grands) sont littéralement expulsés et subissent les caprices de ceux qui voient dans les grands crus une nouvelle source de profits.

Sur les coteaux, les petits propriétaires sont dépossédés de leur travail ancestral, faute de pouvoir suivre l’inflation du prix de l’hectare.

Charles Baudelaire a merveilleusement vanté ‘’L’âme du vin’’ :

« Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles : / « Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, / Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, / Un chant plein de lumière et de fraternité ! / Je sais combien il faut, sur la colline en flamme, / De peine, de sueur et de soleil cuisant / Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ».

Bernard Arnault se moque éperdument du travail ancestral du petit vigneron qui, en trimant durement, a engendré des grands crus. Aujourd’hui, le vin prestigieux est réservé aux premiers de cordée, aux ultra-riches, à ceux qui ne comptent pas et qui n’ont que mépris pour la fraternité et la sueur du vigneron.

Bernard Arnault n’est pas un poète comme Baudelaire. Juste un tiroir-caisse.

Ce n’est pas tellement glorieux ; amis lecteurs, vous en conviendrez.

Paris est une fête

Pour Macron et pour Le Maire, premiers de cordée. Mais pas pour tous les Français.

Je m’explique.

Le président de la République a voulu faire perdurer l’enthousiasme supposé du pays après les succès des Jeux olympiques et paralympiques. Il en a profité pour distribuer des breloques aux médaillés. Ainsi, il continue à glorifier les vainqueurs, oubliant au passage les autres participants qui n’ont pas eu la chance de terminer dans les trois premiers (ce qui n’enlève rien aux médaillés !).

La parade sur les Champs-Elysées pour faire oublier la pauvreté de nombreuses associations sportives dont les subventions ne permettront pas d’accueillir tous les jeunes (ou moins jeunes) qui affluent après les épreuves olympiques. La parade pour faire oublier la diminution du budget du ministère de la jeunesse et des sports. La parade pour faire oublier qu’il n’y a toujours pas de gouvernement. La parade pour faire oublier que l’élaboration du budget va réserver de mauvaises surprises aux plus pauvres. Les Jeux sont bien terminés, bonjour l’austérité.

Bruno Le Maire, lui, a osé réunir dans son ministère plusieurs centaines d’invités (tous de droite) pour leur dire : « Je pars. » Aux frais des contribuables.

Oser se glorifier d’une situation catastrophique que le ministre de l’économie et des finances laisse en héritage, quelle désinvolture, quelle impertinence ! 

On savait Bruno Le Maire imbu de sa personne, mais il a franchi une ligne rouge : il vient d’apporter la preuve qu’il se fiche des affaires publiques pourvu que ceux de sa caste soient préservés et puissent s’enrichir davantage.

Il part, Bruno Le Maire, mais pas n’importe où, en Suisse pour enseigner. Pauvres Suisses ! Il part, mais il a laissé entendre qu’il pourrait revenir.

Emmanuel Macron, Bruno Le Maire ont le goût de la fête et organisent des fêtes. Mais pas sans arrière-pensées.

Leurs fêtes sont autant d’injures adressées au peuple, pour qui chaque jour qui passe n’est pas une fête, mais trop souvent un cauchemar pour ceux, de plus en plus nombreux, qui se demandent ce qu’ils donneront à manger à leurs enfants.

Ernest Hemingway, reviens ; et montre-leur, à ces personnages peu reluisants, ce qu’est une fête, une vraie ! Une fête populaire comme celle de L’Humanité dont les chaînes de télévision de service public n’ont pas le temps de parler pour cause de parade sur les Champs-Elysées). Une fête où on partage de beaux moments de culture et de fraternité, mais où on débat aussi et où on parle du présent et de l’avenir. Avec pour horizon, les jours heureux.

Toujours plus odieux

On n’en finit pas de dénombrer les morts dans la bande de Gaza et l’odieux est chaque jour plus odieux.

Aujourd’hui, on apprend que 18 personnes ont été tuées dans une nouvelle frappe aérienne israélienne sur une école transformée en abri pour déplacés.

La justification est toujours la même : l’armée israélienne visait des terroristes du Hamas.

L’ONU s’émeut : parmi les morts on a dénombré des collaborateurs (deux ou six selon les sources) de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).

Le secrétaire général de l’ONU dénonce ces assassinats une nouvelle fois : « Ce qui se passe à Gaza est totalement inacceptable (…) Ces violations dramatiques du droit humanitaire international doivent cesser immédiatement. »

Antonio Gutteres n’est, hélas, pas entendu. La liste des morts s’allonge dramatiquement mais Netanyahu n’entend rien, pas même son peuple qui demande avec force le retour des otages. Ceux qui pourraient arêter son bras meurtrier ne font rien.

Tous sont responsables de ce génocide. Toujours plus odieux.

Eloge de la diversité

Les Jeux olympiques et paralympiques ont été incontestablement une réussite sportive. Grâce aux sportifs, non au CIO qui ne voit le sport que comme une machine à cash, bien relayée par France Télévisions qui a, trop souvent, favorisé le chauvinisme (en témoigne l’émission ridicule de Léa Salamé, Quels jeux !).

Les cérémonies de Thomas Jolly ont été à la hauteur de l’événement, intelligentes et grandioses à la fois.

L’homme de théâtre a donné une interview à Télérama, aussi clairvoyante que ses cérémonies. En voici quelques phrases qui confirment que l’homme est un vrai défenseur de la culture contre l’obscurantisme.

« Saisir dans chaque cérémonie ce grand « nous » qui nous constitue. S’adresser au plus grand nombre, sans exclure personne : mon obsession depuis que je fais du théâtre. C’est en affirmant nos différences respectives que naîtra en effet la fierté d’appartenir à une collectivité qui les respecte. Comme je le disais en jouant naïvement sur les mots dès la présentation de mon projet au CIO, en août 2022 : « Des Jeux, un nous. » Autrement dit : « Des je, un nous. » La pluralité crée de l’unité, c’est une leçon que j’ai tirée des JO : l’adhésion populaire qu’ils ont suscitée vient de là. « Grâce à votre cérémonie, je me suis enfin senti intégré », ou encore « grâce à votre spectacle, je me suis reconnu », ou « la soirée m’a fait pleurer, je suis fier d’être français ». J’ai reçu des milliers de messages. Cette fierté retrouvée m’a bouleversé, et donne sens à notre métier d’artiste : moins on exclut, mieux on rassemble en profondeur (…) Le succès de nos cérémonies a montré que le sentiment d’unité nationale ne renaîtra que si l’on pose d’emblée notre diversité et non une définition restrictive. Voyez la polémique déclenchée par la montée sur le podium de l’athlète voilée marathonienne néerlandaise Sifan Hassan. Sans prendre parti, je trouve bien que son sourire étincelant fasse réfléchir et participe à la circulation des idées. La violence commence quand s’arrête la pensée. »

Ces belles phrases sont à retenir et à brandir à chaque fois que la droite et l’extrême droite parlent d’exclusion et d’immigrés délinquants.

La trêve olympique est bien terminée et nous ramène à la dure réalité : nous n’avons toujours pas de gouvernement, même si nous avons un premier ministre. Et pas n’importe lequel, un politicien de faible envergure, réactionnaire et ultra-libéral.

La trêve nous ramène à une autre réalité. Alors que les Jeux paralympiques ont été une formidable tribune pour les handicapés, on ne doit pas oublier qu’en France, aujourd’hui encore, des enfants différents ou victimes de diverses maladies handicapantes ne peuvent toujours pas aller à l’école ou que des adultes ne trouvent pas d’emplois en raison de leur différence.

De quoi gâcher la fête, mais une raison de plus pour se mobiliser et faire bouger l’ordre établi par les Macron, Barnier et autres.

La prise de l’Elysée !

Eugène Labiche en aurait sans doute fait un nouvel épisode de son vaudeville, Embrassons-nous, Folleville ! Avec Emmanuel Macron dans le rôle du marquis Manicamp et Michel Barnier dans celui de Folleville et Bruno Le Maire en vicomte de Chatenay.

Labiche aurait pu situer l’action dans le parc de Montretout, avec Marine Le Pen comme maîtresse de cérémonie !

Aujourd’hui, c’est à l’Elysée et à Matignon que se déroule la fête, celle des retrouvailles de toutes les familles de la droite à l’extrême droite : Macron et Barnier y reçoivent tour à tour leurs copains Wauquiez, Retailleau, Larcher, toute cette vieille famille qui a décidé de pardonner à la famille Le Pen et de se réconcilier. Tous trinquent au bon tour qu’ils ont joué au peuple, à ceux qui n’ont rien, auxquels ils s’apprêtent encore une fois à faire les poches. Leur politique s’appelle toujours austérité.

Les dernières trouvailles sont contenues dans un rapport de l’Inspection générale des finances publiques (IGF) remis hier, juste avant la réception de Barnier par Attal pour la remise des clés. Les dépenses-maladie seraient trop importantes pour soigner les gueux et comme il faut combler la dette abyssale du pays, il a été demandé de trouver de nouvelles économies.

Les rapporteurs, bons élèves de l’ultra-libéralisme, n’ont pas fait preuve d’imagination : ils préconisent d’augmenter les franchises (pour ne pas dire diminution des remboursements) sur les dispositifs médicaux, les médicaments et les transports de patients. Plus répugnant encore, ils recommandent de réduire le nombre d’affections de longue durée (ALD) prises en charge ; sont notamment visés, le diabète, les insuffisances cardiaques, la maladie d’Alzheimer, les maladies psychiatriques et certains cancers.

La nomination de Barnier à Matignon ne laisse auccun doute, il prendra très vite en compte les recommandations du rapport de l’IGF pour satisfaire ses amis de droite et d’extrême droite. Il en sera de même pour les questions d’immigration, Marine Le Pen en a fait un préalable à la grande réconciliation.

La nomination de Michel Barnier n’est ni une erreur d’Emmanuel Macron, ni la résultante du résultat de la dissolution de l’Assemblée nationale, mais un choix politique assumé. L’ex-secrétaire général adjoint de François Hollande a enfin réuni sa vraie famille, en plein jour.

Le vaudeville Embrassons-nous, Folleville ! ne fait plus rire personne, sinon les nantis qui, défaits dans les urnes, osent encore défier les citoyens. Si la politique est réduite à une mauvaise pièce de théâtre, le peuple n’est pas obligé de payer pour assister à ce mauvais spectacle, mais plutôt de se mobiliser pour écrire la grande épopée de la Révolution en allant prendre non plus la Bastille mais l’Elysée.

Coïncidences très curieuses

La rentrée scolaire est au moins aussi catastrophique que la situation politique. Rien d’étonnant à cela, on mesure les résultats de la pensée d’Emmanuel Macron à ce chaos qui secoue une France qui s’enlise.

Le président de la République tente de détourner les esprits et de masquer ses responsabilités. Il est chaque jour davantage discrédité.

Il manque plus de 3000 enseignants devant les élèves ; les réformes (toujours plus incongrues que les précédentes) sont autant de catastrophes ; les étudiants font face à la crise du logement, à la hausse des prix et à Parcoursup ; les enfants handicapés éprouvent toujours autant de difficultés à trouver une place à l’école. Le vrai ministre de l’éducation est à l’Elysée et il a d’autres soucis.

Les médias font semblant de ne rien voir et les problèmes de la rentrée sont occultés par les Jeux paralympiques.

Eux qui sont friands de révélations et de scoops, ont passé sous silence la fuite de données confidentielles prouvant que les établissements privés disposent de meilleures conditions d’enseignement que le public. Seul franceinfo s’est fendu d’un article, dénonçant, au passage, que les dotations horaires ne relèvent pas des mêmes services : c’est la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) qui distribuent les enveloppes pour le public ; le privé relève de la Direction des affaires financières (DAF). Judicieux magouillage pour mieux masquer les choix éminement politiques.

Le scandale éventé, il doit être étouffé au plus vite. C’est alors que sort un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et de l’Inspection générale des finances (IGF), datant du mois d’avril. On peut y lire, entre autres :

« Les perspectives démographiques à court et moyen terme peuvent en effet justifier une réduction des moyens d’enseignement nécessaires, à politique éducative constante. Dans ce cadre, la mission a modélisé une rationalisation de la répartition des moyens de l’enseignement scolaire sur le territoire tenant compte des caractéristiques des écoles et des établissements. »

Les rapporteurs proposent alors des « méthodes d’optimisation de la répartition des moyens d’enseignement sur le territoire » et notamment « une réallocation des moyens au sein des établissements par identification et fermeture des classes à effectifs trop réduits par rapport aux taux d’encadrement constatés dans les établissements de même catégorie et dans la limite d’un plafond d’effectif pour les classes restantes. »

Fermer des classes comme seul remède à la crise de l’enseignement ? Ce n’est pas nouveau, mais les propositions des rapporteurs (qui n’ont pas rencontré un seul enseignant !) vont permettre de l’administrer à haute dose et de détourner les arguments de ceux qui dénoncent les trop généreux crédits accordés à l’école privée (essentiellement catholique).

Vivement la gauche !

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