Blog de Michel Diard

La Chouette qui hioque

Jacobin

Jacobin est une revue lancée par des intellectuels se réclamant du socialisme et du marxisme aux Etats-Unis. Ses fondateurs font figure de gauchistes radicaux dans un pays où la réélection de Trump est plausible.

Un récent article analyse «La rhétorique passionnée du fascisme des libéraux (qui) contourne l’autoréflexion ». On peut lire, par exemple : « Faire constamment référence à une « crise » sans fin et toujours urgente ne contribue pas – et n’a même pas contribué – à améliorer le fonctionnement de notre démocratie. Trump n’est pas président actuellement, mais les inégalités règnent. Les États-Unis envoient des armes dans le monde entier malgré les objections de leurs citoyens. » Ou encore : « Cela devrait être préoccupant car la démocratie américaine est fragile. En effet, on ne sait pas exactement dans quelle mesure ce pays est une démocratie. De nombreux citoyens de gauche sont bien conscients du caractère antidémocratique des principales organisations et institutions américaines, du Sénat à la Cour suprême en passant par le Collège électoral. Et vous savez probablement que l’argent façonne notre système politique, souvent au profit des riches. Mais notre déficit démocratique est encore plus important. Au cours du XXe siècle, la classe dirigeante américaine a construit un écosystème incroyablement complexe de groupes gouvernementaux et non gouvernementaux qui a effectivement permis aux Américains ordinaires d’avoir très peu de mot à dire sur plusieurs domaines, notamment la politique étrangère et la macroéconomie. »

Plus loin, les auteurs écrivent : « Il est possible que la frustration face à cet état de choses antidémocratique soit un facteur contribuant au rejet du Parti démocrate par un nombre croissant d’électeurs noirs, latinos et asiatiques sur la loyauté desquels le parti s’appuie depuis longtemps. »

De cet article, on retiendra encore : « Pour les libéraux, il est plus facile de blâmer le « fascisme » (ou la « rage rurale blanche », ou les « déplorables » ou les « nationalistes chrétiens ») pour être à l’origine des problèmes de notre pays que le néo-libéralisme, dérégulateur, financiariste et militariste de Bill Clinton et de Barack Obama. Ces priorités libérales ont contribué à donner naissance à la droite moderne – mais pour admettre cela, les élites libérales devraient réexaminer les prémisses de leur politique, et l’introspection est bien moins agréable que de se rallier contre un ennemi sans ambiguïté. »

Enfin, en guise de conclusion, ils notent que « voir le fascisme partout empêche ceux qui méprisent à juste titre les positions sociales et économiques réactionnaires de Trump d’élaborer les alternatives audacieuses dont nous avons besoin pour la nouvelle ère dans laquelle nous entrons si clairement. Le temps des avertissements sévères contre notre Adolf Hitler américain (semi, proto ou fascioïde) est révolu depuis longtemps. Si nous voulons vraiment améliorer notre démocratie, nous devons mettre un terme au débat sur le fascisme et nous tourner vers notre avenir incertain. »

Toute ressemblance avec la situation en France (et ailleurs en Europe) où on a peine à qualifier l’extrême droite de fasciste, n’est pas fortuite. Emmanuel Macron, Le Maire, Darmanin empruntent de plus en plus de postures au parti de la famille Le Pen plutôt que de se « tourner vers notre avenir incertain ».

La gauche, de son côté… Mais où est-elle donc ?

Lira-t-elle Jacobin ?

Drôles de dames !

Emmanuel Macron fait tout et même encore plus. Il est président, premier ministre et ministre de tous les ministères, maîtrisant tous les sujets. Il lui est donc indifférent que les ministres cherchent à exister, au risque de commettre de grosses bourdes s’ils cherchent à s’écarter des argumentaires fournis par l’Elysée.

Dans le gouvernement Attal, ce sont les femmes qui ont, hélas, le mauvais rôle, à l’image d’Amélie Oudéa-Castera, fugace ministre le l’éducation nationale avant de retourner aux sports.

Aurore Bergé multiplie les bévues, Prisca Thévenot, porte-parole, fait preuve d’un tel autoritarisme qu’elle irrite son cabinet à tel point que plusieurs d’entre eux ont claqué la porte.

Rachida Dati, elle, est désavouée par le monde de l’édition en publiant un décret autorisant la publicité pour le livre à la télévision ; puis, quelques jours plus tard, ce sont les archéologues qui ont été sidérés par la ministre de la culture en lisant un entretien dans le Parisien : « Il ne faut pas faire des fouilles pour se faire plaisir… Ou alors on ne fait pas payer (…) Je préfère mettre de l’argent dans la restauration du patrimoine plutôt que de creuser un trou pour creuser un trou. »

Les archéologues ont été insultés et l’ont fait savoir !

Voilà une peu brillante saillie digne de celle de Nicolas Sarkozy à propos de La Princesse de Clèves en février 2006, déclarant à des fonctionnaires : « L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur ‘La Princesse de Clèves’. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves… Imaginez un peu le spectacle ! »

Sarkozy n’a jamais revendiqué le ministère de la culture ; en revanche, Rachida Dati, elle, s’est vantée de vouloir « replacer la culture au cœur de notre projet de société », ajoutant : « Ensemble, nous allons faire vivre la culture partout pour que personne ne puisse penser que la culture, c’est pour les autres. »

Aux dernières nouvelles, Rachida Dati est toujours ministre de la culture. On frémit. Mais pas Emmanuel Macron, dont on peut ainsi mesurer le niveau d’intérêt pour la culture.

Hanouna mis à nu

‘’Touche pas à mon poste’’ ou TPMP, l’émission-phare des chaînes de télévision de Vincent Bolloré, méritait d’être analysée et décryptée. C’est à ce travail que s’est livrée Claire Sécail, chercheuse au CNRS.

Travail minutieux qui décrit le passage d’un ‘’talk-show’’ comme il en existe (trop) sur toutes les chaînes en une émission politique pour répondre au souhait du milliardaire breton.

Dès l’introduction de son court essai, Claire Sécail révèle la dimension politique de TPMP : « capter et structurer l’imaginaire populaire afin d’y puiser une autorité et une légitimité » et de préciser ensuite les trois principales composantes du populisme : « le public, érigé chaque soir en figuration du peuple ; l’animateur, édifié en représentant de ce peuple ; et le plateau, dont les règles simplificatrices réalisent le système dual populiste ».

L’autrice décrypte ensuite les discours du « populisme hanounesque », à savoir l’antiélitisme intellectuel et médiatique, l’antiparlementarisme ordinaire et le populisme pénal.

Les analyses sont brillantes et percutantes ; Claire Sécail termine son essai par une exhortation : « Se taire ou fermer les yeux, c’est ajouter à la faillite morale collective de notre époque, dont la trajectoire de Cyril Hanouna n’est que l’un des symptômes ».

Claire Sécail, elle, ne s’est pas tue pour dénoncer les funestes desseins réactionnaires et intégristes de Vincent Bolloré.

Son essai est à lire et à faire lire pour agir contre les dérives des chaînes de télévision se transformant en autant de relais idéologiques contre le peuple.

(Touche pas à mon poste, Seuil Libelle, 80 pages, 5,90 €)

Rachida Dati et le marché

Ceux qui déplorent que la culture soit devenue une industrie se morfondent ; Rachida Dati, qui se prétend ministre de la culture, vient de faire publier un décret qui autorise la publicité du livre à la télévision. Brutalement, sans avoir consulté les éditeurs. Par un simple décret signé par Gabriel Attal, Rachida Dati, Gérald Darmanin et l’inconnue du gouvernement Marie Guévenoux.

Il tient en deux lignes ce décret (« les éditeurs de services utilisant des fréquences assignées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent diffuser des messages publicitaires concernant le secteur de l’édition littéraire. »), mais il fera des dégâts : seuls les grands éditeurs pourront se payer des écrans publicitaires (accélérant ainsi les concentrations et le recul du pluralisme). Mais à quoi sert de promouvoir des livres qui se vendent à des dizaines de milliers d’exemplaires et qui n’en vendront pas un de plus ?

Pourquoi ce décret ici et aujourd’hui ? N’est-il pas un cadeau supplémentaire à Vincent Bolloré ? Celui-ci avec son méga-groupe et sa filiale Hachette Livre a désormais l’opportunité et les moyens de lancer avec son autre filiale Havas une gigantesque campagne de promotion des livres de Zemmour, Marion Maréchal, Nicolas Sarkozy déversant leur poison réactionnaire.

Merci Mme Dati !

Quant aux ouvrages progressistes comme ceux des économistes atterrés par exemple, les révélations des livres-enquêtes comme Les fossoyeurs dénonçant le scandale Orpea, ils risquent de ne plus trouver d’éditeur.

Le macronisme est un cancer, avec des métastases, et Rachida Dati en est un symptôme.

Theodor Adorno et Max Horkheimer ont pu parler de mystification des masses : « Et voici le triomphe de la publicité dans l’industrie culturelle : les consommateurs sont contraints à devenir eux-mêmes ce que sont les produits culturels, tout en sachant très bien à quoi s’en tenir. »

Rachida Dati, enfant de pauvres immigrés, s’est convertie au marché, tournant le dos à ses origines. Le tribunal du peuple aura à se prononcer sur les méfaits de la dernière ministre de la culture de Macron.

Effets d’annonce

Le service de communication de l’Elysée est mis à rude épreuve ; le président ‘’ni de droite, ni de gauche’’ a tellement virevolté qu’il en arrive à vouloir régler tout et son contraire.

Quand il y a 1,8 millions de Français en attente d’un logement social, Macron fait annoncer à son serviteur du ministère du logement qu’on va déloger les occupants de HLM dépassant le niveau de revenus. Sauf que cela ne réglera pas les insuffisances de la politique du logement et que le dispositif d’enquête annuelle sur les revenus est déjà obligatoire (article L.441.9 du code de la construction).

Quand il y a une recrudescence d’incivilités à l’école, Macron fait appel à son factotum de Matignon pour annoncer le retour de l’uniforme. Sauf que cela ne réglera pas les insuffisances de la politique d’éducation nationale et d’aide aux familles, notamment monoparentales.

Quand il y a un manque de professeurs dans les classes (contrairement aux engagements pris : 1 professeur devant chaque classe), Macron fait annoncer à sa nouvelle ministre que le recrutement se fera au niveau de la licence. Sauf que cela ne réglera pas le manque d’attractivité de la profession, faute de salaires décents et de délabrement de l’école.

Quand il y a un dérapage du déficit public, plus important que prévu, Macron laisse son ministre de l’économie déclarer qu’on va rogner les budgets de tous les ministères et qu’on cherche encore 10 milliards. Sauf que cela ne réglera rien ; tous les économistes sérieux annoncent, eux, que les mesures vont encore aggraver la situation et faire gonfler la dette.

Quand les agriculteurs sont en colère et descendent dans les rues, Macron fait donner de nombreux ministres qui annoncent le report des mesures d’interdiction des glyphosates. Sauf que cela ne résoudra pas la crise de la production agricole (surtout quand on signe des accords avec des pays permissifs), mais détruira un peu plus l’environnement et empoisonnera nos organismes.

Quand le service public de l’audiovisuel ne courbe pas suffisamment l’échine, Macron fait appel à l’ex-égérie de Sarkozy, pour annoncer sa mise au pas dans une holding du genre BBC. Sauf que cela ne réglera pas le problème de son financement et de son avenir. En revanche, ce sera un nouveau recul du pluralisme et une caporalisation accrue des rédactions, bref, une mise en cause du droit à l’information.

Quand on manque de médecins généralistes, Macron fait sortir son prétendu ministre de la santé de son mutisme pour annoncer que les Français pourront s’adresser directement aux spécialistes sans passer par leur médecin référent. Sauf que cela ne réglera par le problème du manque de soignants et que cela encombrera davantage les cabinets des spécialistes.

Les annonces se multiplient sans cesse et le mécontentement enfle chaque jour, poussant de trop nombreux Français dans les bras de Marine Le Pen. Quelle réussite.

En revanche, le président de ‘’Révolution’’ et du ‘’en même temps’’ n’a pas perdu sa boussole quand il s’agit de détruire la démocratie sociale, ou ce qu’il en reste.

Les acquis du programme du Conseil national de la Résistance sont mis à mal, eux aussi quotidiennement.

La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a dénoncé cette politique de régression : « Nous avons face à nous un gouvernement qui rompt avec tout l’héritage et la tradition française. Car ce qui fonde notre identité, ce n’est pas le fait d’être blanc depuis dix générations, comme on veut nous le faire croire. C’est l’héritage du Conseil national de la Résistance : la Sécurité sociale et les services publics. »

Méfions-nous des effets d’annonce ; ils cachent toujours les mauvais coups.

La langue vulgaire

Pour contester les arguments iniques d’un homme empli de rancœur, je me suis souvenu de quelques paroles de cet homme bon, érudit et artiste d’un talent immense, Pier Paolo Pasolini.

Ces paroles, il les avait prononcées à Lecce au cours d’une conférence-débat le 21 octobre 1975, quelques jours seulement avant son assassinat le 1er novembre sur une plage d’Ostie. Il y avait fait le procès de la société et, notamment, du consumérisme :

« L’arrivée de la culture de masse, des mass media, de la télévision, du nouveau type d’école, du nouveau type d’information et surtout des nouvelles infrastructures, c’est-à-dire du consumérisme, a produit une acculturation, une centralisation à laquelle aucun gouvernement se déclarant centraliste n’était jamais parvenu. » (Son intervention a été publiée sous le titre La langue vulgaire.)

Que dire aujourd’hui quand on voit les ravages provoqués par les prétendus ‘’réseaux sociaux’’ et l’addiction du plus grand nombre.

L’acculturation vole au secours d’un capitalisme, ripoliné en libéralisme ou ultralibéralisme, c’est selon, à bout de souffle. Cette acculturation touche toute la société ; elle se propage comme une pandémie. Je suis stupéfait d’assister à l’effondrement intellectuel de ceux que je côtoyais hier encore dans mon parcours militant et qui devraient être encore des boussoles.

Les échanges sont aujourd’hui empreints d’une grande violence, y compris entre camarades d’un même engagement, au point que je me sens exclu comme si j’étais un pestiféré.

Je crains que ceux-là ne pensent plus et s’exposent à un terrible destin, hélas déjà connu. Après ce constat terrible, il faut bannir la résignation et mobiliser toutes les ressources citoyennes à l’heure des technologies modernes pour changer la société.

Préférence nationale (suite)

Gérard Noiriel a voulu terminer son essai sur une note d’humour, « en apportant (sa) modeste contribution à la grande consultation nationale que le Rassemblement national propose sur l’immigration », écrit-il.

Rappelant qu’Eric Zemmour avait proposé à Hapsatou Sy de changer son prénom, « pas vraiment français » et de s’appeler Corinne, il s’est franchement amusé en ‘’francisant’’ le nom de quelques personnalités :

« Eric Zemmour s’appellerait désormais Eric Olive ; Eric Ciotti franciserait son patronyme pour devenir Eric Boiteux et Jordan Bardella, après avoir changé de prénom, deviendrait Monsieur Selle (D’après le site Geneanet, en effet, Zemmour veut dire ‘’olive’’ en berbère ; Ciotti vient de ‘’ciotto’’, terme qui désigne un ‘’boiteux’’ ou un ‘’estropié’’ en sicilien, Bardella est un nom de famille italien, désignant ‘’la selle’’ ».

Ah ! Quand la préférence nationale rattrape nos politiciens d’extrême droite !

Pan sur le bac, comme l’écrirait le Canard enchaîné.

Préférence nationale

Gérard Noiriel, spécialiste de l’histoire de l’immigration, vient de publier un court essai dans la collection Tracts de Gallimard que tout citoyen, tout électeur devrait lire avant d’aller voter en juin prochain. Son sous-titre, « Leçon d’histoire à l’usage des contemporains », démontre que le ‘’problème’’ de l’immigration est une vieille lune qui « s’est imposé dès les débuts de la IIIe République (…) et a ressurgi à chaque fois que notre société a été en crise ».

Gérard Noiriel dénonce cette « fuite en avant dans une politique de plus en plus répressive à l’égard des migrants » au nom d’une préférence nationale, apparue dans les discours d’un député radical, Christophe Pardon. A la tribune du Palais-Bourbon, il justifie les premières mesures répressives à partir de trois thèmes : la sécurité nationale est menacée, les immigrés ne veulent pas s’intégrer, les immigrés aggravent le chômage des Français en leur prenant leur travail. Autant de thèmes repris par l’extrême droite dans les années 1930, le Front national puis le Rassemblement national et Reconquête.

Si, après la Seconde Guerre mondiale, on a assisté à une « politique progressiste à l’égard des immigrés étrangers », la crise économique de la fin des années 1970-début des années 1980 a permis à Jean-Marie Le Pen de reprendre le slogan de la préférence nationale et, à la droite, de la réinstaller dans les débats politiques.

Gérard Noiriel constate que vingt-neuf lois sur l’immigration ont été votées depuis 1980, jusqu’à la fameuse loi ‘’Asile et immigration’’ du 19 décembre 2023, « semblable sur bien des points aux décrets-lois de 1938 », notamment la mesure qui remet à nouveau en cause le droit du sol.

L’historien fait une brillante démonstration des évolutions de la société et du rôle peu reluisant des sondages et des médias (la ‘’fait diversion’’ de l’actualité) dans ce sentiment qui grandit dans une population de rejet de l’immigré. Il dénonce Emmanuel Macron, qui « restera peut-être dans l’histoire comme le Daladier du XXIe siècle, car, en cédant à l’extrême droite sur le ‘’problème’’ de l’immigration, il a préparé le démantèlement des principes démocratiques sur lesquels repose la République françaises aujourd’hui ».

Après cette brillante leçon d’histoire, Gérard Noiriel s’interroge : « Comment combattre efficacement ces dérives ? » Pour cela il est parti de deux constats : d’une part, le recul d’acquis démocratiques en matière d’inégalités (progression du taux de pauvreté) et de nationalité ; d’autres part, la contradiction entre le nombre grandissant de mobilisations contre la loi Macron et son approbation par une majorité de Français.

Pour combattre la loi ‘’Asile et immigration’’, à coups de slogans contreproductifs et d’accusation de racisme à l’encontre de ceux qui la soutiennent, l’historien soutient qu’il serait préférable de « mettre en évidence que les Français, même quand ils défendent la ‘’préférence nationale’’, peuvent avoir de commun avec les étrangers. » Et il fait quatre suggestions : « Mobiliser le ‘’nous Français’’ pour défendre nos idéaux progressistes (…)  Réaffirmer que l’immigration est ‘’une chance pour la France’’ en rappelant le rôle essentiel qu’ont joué les migrants dans notre histoire nationale (…) Continuer à expliquer qu’en s’acharnant de plus en plus contre les immigrés, on ne résoudra aucun des problèmes des Français (…) Faire vibrer des cordes identitaires susceptibles de favoriser la solidarité avec les immigrants serait un autre moyen d’élargir le ‘’nous Français’’ pour le rendre plus tolérant à l’égard des étrangers. »

Gérard Noiriel vient d’enrichir le nécessaire débat public pour sortir par le haut de cette histoire de ‘’préférence nationale’’ ; il a apporté des éléments de réflexion à ceux qui veulent éviter de confier le pouvoir aux fascistes d’extrême droite.

(Tracts n° 55, 56 pages, 3,90 €)

Casse du service public

Enseignants, parents d’élèves et collectivités locales de Seine-Saint-Denis sont mobilisés pour exiger un plan d’urgence pour les établissements scolaires du département. Douze maires, de leur côté, ont pris un arrêté allant dans le même sens.

L’Assemblée nationale, elle, a présenté un rapport sur le financement de l’enseignement sous contrat, dont la Cour des comptes estime qu’il manque cruellement de transparence.

Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, historien, rappelle qu’il a déposé un projet de loi il y a un an « visant à autoriser la puissance publique à conditionner les subventions accordées aux établissements privés sous contrat à des critères de mixité sociale et scolaire ».

Les seules réponses du président de la République et de ses ministres sont inquiétantes ; il s’agit de raboter le budget 2024 de 700 millions d’euros et de recruter les professeurs au niveau de la licence (bac+3) au lieu du master, soit bac+5.

Le collège Stanislas et les établissements catholiques se frottent les mains ; en revanche, les établissements publics sont laissés à l’abandon aussi bien par l’Etat que par la région Ile-de-France. Doit-on s’en étonner quand on sait que le président de la République, plusieurs ministres et la présidente de la région, Valérie Pécresse, sont passés par les meilleures écoles catholiques et en sont aujourd’hui les plus ardents défenseurs.

Non seulement ces attitudes sont une atteinte au service public menée par ceux qui ont en charge leur défense, mais aussi une atteinte grave à la laïcité. Une forfaiture.

Les castes au pouvoir dans la France d’aujourd’hui ont fait un choix de classe (sans jeu de mots) ; il apparaît de plus en plus urgent de les chasser. Pour mettre fin à la casse du service public et pour l’avenir de tous les enfants de la République, sans distinction.

Echange d’amabilités

On peut très bien vivre sans connaître Cyril Hanouna, un animateur des chaînes détenues par Vincent Bolloré. Cet individu abject est une honte pour une télévision dont la mission était d’être une fenêtre ouverte sur le monde et un vecteur de culture.

Cyril Hanouna, lui, véhicule dans ses émissions tout ce qui peut rabaisser l’intelligence humaine à ses instincts les plus primaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est rémunéré à un niveau indécent par Bolloré, partisan d’une télévision brandie comme une arme de guerre idéologique.

Cyril Hanouna, donc, a été auditionné le 14 mars par la Commission sur l’attribution des fréquences TNT de l’Assemblée nationale. Le président de cette instance a été confiée à Quentin Bataillon, un obscur député du groupe cher à Emmanuel Macron.

Le 2 avril, c’est Hanouna qui rendait la politesse en recevant le député Quentin Bataillon dans son émission ‘’Touche pas à mon poste’’. 

Précision importante, le rapport de la commission ne doit être rendu que le 7 mai.

Le parti du président de la République a réagi mollement en rappelant que les membres de la commission devaient faire preuve de réserve, mais sans condamner comme on aurait pu l’attendre, l’attitude de ce Bataillon, sans doute tout heureux d’avoir enfin une occasion de se montrer dans les étranges lucarnes et de sortir de l’anonymat des députés godillots.

Cet échange d’amabilités avec Cyril Hanouna explique sans doute le refus de certaines propositions d’audition par le président d’une commission.

Bref, voilà encore un député de Macron pris en flagrant délit de connivence avec un sbire de Bolloré. Ce n’est pas glorieux, mais pour gagner quelques voix d’électeurs, le parti Renaissance est prêt à ce genre de compromission. Avec la bénédiction du patron qui regarde de plus en plus du côté des idéologues comme Bolloré.

Penser l’alternative

Les Economistes atterrés publient livres, études, articles remarquables à contre-courant de l’ultra-libéralisme. Cinq d’entre eux viennent de publier un ouvrage incontournable duquel j’ai extrait ces quelques lignes :

« Le capitalisme néolibéral n’est pas en mesure d’assurer le tournant nécessaire de sobriété, d’égalité et de réorientation radicale des consommations et des productions. Il entretient une dynamique productiviste, mais la ponction que l’humanité exerce sur son environnement naturel devient de plus en plus insoutenable (…) La transition écologique et le progrès social ne sont pas compatibles avec le capitalisme, a fortiori sous sa forme néolibérale, celle de la finance libéralisée et du libre-échange. Ils ne le sont pas avec la liberté laissée aux entreprises de rechercher un profit maximal sans avoir à se soucier des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Par contre, le bilan économique et social accablant des pays dits communistes au XXe siècle a montré toutes les limites d’une centralisation excessive du pouvoir économique et politique. Les marchés et l’entreprenariat individuel sont indispensables pour que les produits correspondent aux désirs des ménages, pour que les entreprises innovent (…) Les grandes entreprises doivent être gérées par les représentants de l’ensemble des parties constituantes (les apporteurs de capitaux, les dirigeants, les salariés) et prenantes (les clients, les fournisseurs, les collectivités locales, les représentants de la planification écologique…). C’est ainsi que l’on peut repenser le socialisme : non pas dans le sens où tout serait nationalisé, que toute initiative privée serait supprimée, mais dans le sens où l’évolution globale de l’économie serait socialement contrôlée. Ce ne serait plus l’accumulation du capital au bénéfice de quelques-uns qui primerait, mais le politique, expression du pouvoir des citoyens (…) Ni la transition écologique, ni le progrès social, ne sont compatibles avec le dessaisissement des citoyens, le transfert de pouvoir à des institutions supranationales ou à des « autorités administratives indépendantes » nationales, aussi soumises aux intérêts des puissants qu’elles sont éloignées des peuples. Le fédéralisme européen est une impasse. Pour redonner de la légitimité à l’Europe aux yeux des peuples, il faut la reconstruire sur de nouvelles bases. La boussole : la mettre au service des États sociaux nationaux – car les États sociaux ne peuvent être que nationaux (qui imagine des services publics ou des prestations sociales européennes ?) – et non au service de leur détricotage. »

Il serait utile d’offrir le livre à Emmanuel Macron, Gabriel Attal, Bruno Le Maire et quelques autres, n’est-ce pas ? Les citoyens, eux, y trouveront des arguments et, surtout un moyen de ne pas sombrer dans le désespoir : on peut penser l’alternative.

Penser l’alternative – Réponses à quinze questions qui fâchent ; David Cayla, Philippe Légé, Christophe Ramaux, Jacques Rigaudiat et Henry Sterdyniak (Fayard), 400 pages, 21,90 €

L’Idiot

Le prince Mychkine de Dostoïevski est un homme plutôt sympathique, dénué de toute mauvaise intention. Il a cependant un défaut, il est d’une naïveté telle qu’elle le fait passer pour un idiot.

Il ressemble tellement à ce jeune premier ministre de la France, qui ne doit pas avoir un mauvais fond, comme il est coutume de dire ; venant du Parti socialiste, comment pourrait-il être complètement mauvais et totalement antisocial ! Et pourtant…

A propos de lui, on peut se demander s’il est aussi naïf que le prince Mychkine ou s’il dissimule plutôt un arrivisme aveuglant digne de Rastignac. Sa personnalité pose d’innombrables questions.

Comment ce jeune homme bien né, qui a fréquenté les meilleures écoles privées, peut-il croire que la énième réforme de l’assurance chômage qu’il vient d’annoncer va résoudre le cancer de la France ?

Qui a pu lui faire croire que la réduction de l’indemnisation de 24 à 18 mois va renflouer les caisses de Bercy ? Lui aurait-on caché que sur 6,1 millions de citoyens demandeurs d’emplois, seuls 2,6 millions (42,6 %) sont indemnisés et que le montant moyen de l’allocation mensuelle nette est de 1 033 euros seulement ?

Partage-t-il les idées fixes de Bruno Le Maire, le psychorigide tout droit sorti de rangs des nobliaux de l’Ancien Régime ?

Croit-il un président de la République, aussi têtu qu’une mule, obnubilé par l’idée de voir tous les chômeurs traverser la rue ? Mais aussi de tourner le dos définitivement au programme du Conseil national de la Résistance ?

L’Idiot de Dostoïevski se termine en tragédie et l’internement du prince Mychkine.

La littérature est le reflet de la vie, comme L’Idiot. Il est de romans qui traversent les siècles et des personnages qui deviennent des néologismes d’une brûlante actualité.

Bruno Le Maire, ministre

On a toujours supposé que les ministres étaient nommés pour servir la République et gérer au mieux les affaires publiques. En est-on sûr aujourd’hui ?

Le ministre de l’économie est, lui, chargé d’équilibrer les finances. Alors que dire d’un ministre qui présente un déficit de 5,5 % du PIB (ce qui, avouons-le, ne veut pas dire grand-chose au citoyen moyen que je suis, sinon que les caisses de l’Etat sont vides), alors qu’il avait clamé urbi et orbi que la France était en capacité de respecter les dogmes de Bruxelles.

Plutôt que reconnaître sa faute, notre ministre de l’économie se répand sans honte dans tous les médias pour s’en prendre une nouvelle fois au système d’assurance chômage. Il annonce qu’il est absolument nécessaire de rogner les droits des demandeurs d’emplois. Il est soutenu par le roquet qui sévit comme premier ministre, tandis que le président s’est envolé loin de tout ce tumulte en Amérique du Sud.

Nos grands dirigeants tombent le masque : ils sont au service de la finance qui exige l’abandon de toute couverture sociale gérée paritairement et de soumettre les salariés à la précarité et aux rémunérations indécentes.

Le ministre de l’économie atteint le comble de l’ignominie en voulant priver les pauvres chômeurs de ressources (pour lesquelles ils ont cotisé pendant qu’ils travaillaient) plutôt que de puiser dans les poches des ultra-riches qui se gavent de dividendes extraordinaires. Il compte aussi s’en prendre aux demandeurs d’emploi de plus de 50 ans qui seraient des profiteurs, attendant l’âge de la retraite en toute tranquillité avec des allocations indécentes. L’argument est vieux comme l’ultra-libéralisme, mais il le ressert avec un rare aplomb.

Le niveau de la dette, plus de 3000 milliards (le chiffre est si élevé qu’il me laisse de marbre !), est, paraît-il, préoccupant. Le ministre de l’économie est apeuré à l’idée de recevoir un mauvais point de la part des agences de notation ; il espère échapper à la sanction en annonçant les mauvais coups portés aux chômeurs, comme ses amis, patrons multinationales, voient le cours de la bourse s’envoler quand ils annoncent des licenciements.

Elève Le Maire, au piquet !

Bruno Le Maire, c’est bien de lui qu’il s’agit, je ne l’ai jamais apprécié ; verbeux, imbu de sa petite personne, incompétent au vu des résultats, menteur (il n’ose pas annoncer une loi de finances rectificative, après les élections européennes, évidemment), idéologue réactionnaire (il ne renie pas son passé chez les Républicains), bref, il a hérité de tous les défauts de sa classe.

Après les révélations sur son incompétence à bien gérer nos affaires, je crois qu’à partir d’aujourd’hui, je le hais encore plus profondément.

Le printemps est beau

Le printemps est beau, chargé de senteurs et de couleurs revenues. L’atmosphère se gorge de soleil après des déluges de pluies et d’inondations.

Le monde est beau.

L’homme est cependant capable de tout gâcher et de transformer la beauté en autant de drames. Violences, guerres, exclusions, attentats, régressions sociales, démocratie foulée aux pieds : l’homme est encore plus fou aujourd’hui qu’hier et n’est même plus capable de s’extasier devant la beauté de la nature sur une terre qu’il abîme inexorablement, partout et avec tout, pour le bonheur de quelques-uns seulement.

Les hommes politiques d’ici ajoutent une large part de désespoir à des citoyens déboussolés. Ils se saisissent des pitoyables résultats de leur gestion des affaires publiques pour leur annoncer de nouveaux sacrifices.

Le déficit public atteint des records ; on ne sait plus quel est le chiffre le plus alarmant : 5,6 %, 5,9 % ? Peu importe si demain les prix s’affolent pour alimenter l’inflation, si les faillites explosent encore, si la dette bat un nouveau record, l’ex-inspecteur des finances qui habite aujourd’hui à l’Elysée continue de donner la leçon au monde entier. Lui se moque des quolibets qui l’accueillent partout où il ose encore se rendre entouré d’une multitude de caméras pour répercuter ses hautes pensées ultra-libérales à ses sujets ou à un auditoire, médusé de tant d’arrogance.

Son ministre des finances, lui, s’extasie devant son quatorzième livre (le 7e depuis qu’il est à Bercy !) plutôt que d’envisager une hausse des impôts sur les superprofits au prétexte qu’il ne sait pas ce qu’est un superprofit. Autant d’imbécillité n’étonne plus. Le romancier-ministre ou le ministre-romancier, on ne sait pas, préfère couper dans les mesures sociales (retraites, allocation de chômage, aides aux jeunes privés d’emplois à la sortie de l’école, diplôme en poche, etc.) en direction des innombrables oubliés de la République.

Le printemps est beau, mais la beauté n’est pas appréciée de la même manière par tous. Ceux qui souffrent devant tant de mépris de classe plient l’échine et ne rêvent plus à un monde meilleur ; ils sont même prêts à se tourner vers ceux qui, s’ils accèdent au pouvoir, mutileront nos libertés et ce qui reste des politiques sociales. Les délaissés ne croient plus aux mots de la devise de la République, Liberté, Egalité, Fraternité, quand leur vie n’est que misère, malbouffe et rejet. Ils n’ont plus vraiment conscience du danger de la bête immonde du Parc de Montretout (et de sa progéniture) qui rôde. Le printemps est beau, mais prenons garde que l’hiver ne vienne le bousculer avec son lot de malheurs.

Faisons en sorte de préserver la beauté du printemps, du monde et de notre terre.

Saadé et maître Bolloré

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour illustrer mon article, ‘’L’information selon les milliardaires ‘’!

Pour avoir osé titrer en ‘’une’’ de la Provence : « Il est parti et nous, on est toujours là… », le directeur de la rédaction du quotidien marseillais a été suspendu pendant une semaine et convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu’à un licenciement. Le titre faisait suite à la visite inopinée de Macron à Marseille et reprenait la phrase d’une habitante qui tirait les leçons de l’opération de communication du président de la République.

Ce titre a fortement déplu à Rodolphe Saadé, le patron de CMA CGM, qui a obtenu du directeur de la publication, Gabriel d’Harcourt, la publication d’excuses aux lecteurs, publiées également en ‘’une’’ du quotidien. 

Celui-ci a écrit sous la dictée de son patron : « La citation en Une et la photo d’illustration a pu laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l’autorité publique, ce qui ne reflète pas notre ligne éditoriale. Nous avons induit en erreur nos lecteurs et La Provence leur présente ses plus profondes excuses. » C’est osé; la rédaction, humiliée, a vu rouge et s’est mise en grève.

Saadé, quelques jours plus tôt, s’était présenté à la rédaction de BFM TV, la main sur le cœur en affirmant qu’il ne serait pas interventionniste, ; il n’a pas été long à tomber le masque.

Alors, l’information selon les milliardaires est-elle libre ?

On cite souvent l’exemple de Vincent Bolloré ; hélas, il n’est pas seul à veiller à véhiculer une information libérale et bien-pensante.

L’information selon les milliardaires

À la recherche d’organes d’influence, quelques milliardaires, venus du monde des affaires, ont concentré entre leurs mains les principaux médias, bafouant le pluralisme. S’ils partagent une même vision de l’information avec des plateformes numériques américaines, ils doivent composer avec la puissance de ces monstres de la « nouvelle économie », Google, Amazon ou Meta. Néanmoins, les citoyens commencent à se détourner de leur vision de l’information.

Si le résumé vous donne envie de lire l’article dont je suis l’auteur, vous pouvez trouver les coordonnées de la revue La Pensée sur les réseaux sociaux suivants:

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Bonne lecture.

La claque

Emmanuel Macron a condamné les incidents à Sciences Po entre étudiants propalestiniens et représentants de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), en utilisant le terme d’inqualifiables. Gabriel Attal, son premier ministre, s’est alors senti autorisé d’effectuer une ‘’visite inopinée’’ en plein conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques pour y dénoncer une « dérive liée à une minorité agissante et dangereuse à Sciences Po ».

Les deux dirigeants du pays n’ont même pas pris le temps de la réflexion, ni même attendu les résultats de l’enquête interne ; il semble bien, en effet, que les faits reprochés à la ‘’minorité agissante’’ ne soient pas ceux décrits par l’UEJF.

Les doyens des écoles, les directeurs des centres de recherche et des départements et les membres élus de la faculté permanente ont été sidérés par tant d’agitation de la part des plus hauts représentants de l’Etat. Ils ont donc réagi dans un message interne dans lequel ils condamnent à la fois Macron et Attal en termes fermes, mais mesurés :

« Aucun responsable politique ne saurait s’arroger le droit de dévaloriser les principes fondamentaux d’indépendance et de liberté académique, telles qu’ils sont consacrés par les lois de la RépubliqueRappelons que la liberté académique garantit le droit d’enseigner et de mener des recherches en toute indépendance, sous le contrôle et la supervision des pairs mais sans ingérence de quelque autorité extérieure que ce soit, y compris l’Etat. »

Ils ont même ajouté pour être sûrs d’être bien compris : « Les allusions à une éventuelle reprise en main de [l’] établissement lors du conseil d’administration du 13 mars, contreviennent ostensiblement à ce principe cardinal » de la liberté académique.

A Sciences Po, comme ailleurs, on n’apprécie pas les opérations de communication de nos gouvernants et on le fait savoir.

Macron et Attal ne font pas preuve du même empressement pour aller constater l’état de délabrement des collèges et lycées de Seine-Saint-Denis, où parents, enseignants et élèves sont mobilisés.

Trop de coïncidences

Patrick Drahi est bigrement endetté ; ce n’est pas une nouvelle, il a construit son empire sur l’endettement (Plus de 60 milliards d’euros, quand même). Mais, coïncidence, c’est le moment choisi par ses banques pour lui intimer l’ordre de vendre ses chaînes de télévision et honorer des échéances douloureuses !

Rodolphe Saadé, lui, est riche ; depuis la crise du Covid les bénéfices de ses activités dans le transport maritime ont explosé (42 milliards en deux ans) grâce à un avantage fiscal exorbitant : depuis 2003, la France a adopté une ‘’niche fiscale’’ appelée ‘’droit de tonnage’’ qui permet aux entreprises du secteur de ne pas payer l’impôt des sociétés sur les bénéfices (25 %) mais une taxe sur les navires quels que soient les résultats financiers. C’est ainsi que, pour ses 583 navires, Saadé a payé seulement 2 % d’impôts sur ses bénéfices en 2022. Des députés (de droite) ont déposé un amendement pour revenir cette niche fiscale. Coïncidence, le rachat des chaîne de Drahi procure à Saadé un pouvoir d’influence et, en même temps, un outil de négociation avec le pouvoir.

La vente d’une chaîne est interdite pendant cinq années après l’attribution de la fréquence par l’Arcom. Les réattributions auront lieu au printemps 2025. Drahi doit vendre impérativement avant cette date sous peine de ne plus pouvoir céder le groupe BFM pendant les cinq prochaines années. Coïncidence, Saadé arrive au bon moment et peut négocier un prix inférieur (1,55 milliards) à celui que s’était fixé le patron d’Altice (2 milliards).

Rodolphe Saadé prétend avoir suffisamment de cash pour investir tous azimuts. Et, coïncidence, c’est ce qu’il fait allègrement dans Air France-KLM, Brut, Eutelsat, Colis privé, La Provence, etc.

Enfin, autre coïncidence, Rodolphe Saadé est plus proche d’Emmanuel Macron que de Marine Le Pen. Il s’est mis au service du président, avec l’espoir que son successeur en 2027 sera aussi compréhensif avec lui que le président sortant. 

Dans l’actualité présente, on peut encore relever d’autres coïncidences troublantes.

La ligne politique de Macron, par exemple, évolue d’un jour à l’autre en raison de la proximité des échéances électorales.

Il est plus que jamais  »va-t’en-guerre’’ et se déclare adversaire d’un Poutine qu’il fréquentait assidûment et tutoyait hier encore. Coïncidence, Marine Le Pen, dont le parti caracole en tête des sondages, est présentée comme une proche de dictateur russe (ce qui est avéré).

Diaboliser le RN en brandissant les risques de guerre face à notre adversaire, la Russie, pour tenter de sauver les meubles avant les européennes, n’est guère glorieux, c’est même un jeu dangereux.

Coïncidence, encore, Emmanuel Macron a convoqué scandaleusement deux journalistes des deux principales chaînes de télévision à l’Elysée pour enfoncer le clou, manipulant le droit à l’information pour tenter de sortir d’une situation délicate, la perte d’influence en France et en Europe.

Coïncidence, enfin, la diversion est déclenchée au moment où le RN lance sa campagne pour les élections européennes.

Toutes ces coïncidences ne sont pas complètement aléatoires, non ?

Culture pour tous, culture partout

Ce fut un spectacle époustouflant de danse sur le thème de la révolte des femmes argentines, imaginé par deux chorégraphes en résidence, Amine Boussa et Jeanne Azoulay. Leurs interprètes étaient jeunes mais tous étaient des amateurs.

C’était à la Ferme de Bel Ebat à Guyancourt, devant une salle pleine, conquise et enthousiasmée.

Les deux chorégraphes ont participé à une expérience qui a vu le jour dans les Hauts de France, Classe départ. Selon ses initiateurs, il s’agit « d’une méthode de mobilisation vers l’insertion par la pratique artistique intensive, axée sur l’éducation à la citoyenneté et le développement de l’employabilité ».

Les interprètes étaient donc décrocheurs ou accidentés de la vie, victimes de violences. Des laissés pour compte, des oubliés.

La Ferme de Bel Ebat et la municipalité ont voulu s’associer à cette formidable expérience en association avec Sauvegarde des Yvelines, le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines et la compagnie In Cauda. Tous ces acteurs ont gagné un beau pari : les danseuses et danseurs ont fait une prestation exceptionnelle.

Je ne sais pas si tous réussiront à sortir de la misère infligée par un système où seuls les riches ne rencontrent pas d’obstacles pour être heureux et pleinement des citoyens, mais leur expérience artistique aura été, assurément, un moment où ils auront réalisé qu’ils ne sont pas destinés à rester dans les bas-fonds d’une société inégalitaire et dure aux pauvres de naissance.

Et ce spectacle vient démontrer la place irremplaçable de la culture artistique, au moment où le budget du ministère est amputé de 200 millions.

La France est riche de potentialités laissées en jachère. La Ferme de Bel Ebat et Guyancourt viennent d’en administrer une nouvelle preuve.

La culture n’a jamais été aussi nécessaire pour la compréhension du monde, pour l’acceptation de l’Autre, pour l’émancipation de l’individu. Alors, culture pour tous et culture partout.

Retour à l’Ancien Régime

Ces messieurs qui nous gouvernent (les femmes n’occupant que des postes subalternes, dans le domaine social, particulièrement) se supposent investis d’une mission historique. Ils sont les ‘’représentants’’ des puissants groupes industriels, plus puissants que les Etats eux-mêmes ; Ils ne sont plus les élus du peuple. Ils nous mentent en affirmant haut et fort vouloir moderniser les institutions et faire notre bonheur. Leur hypocrisie me sidère, tant ce qu’ils disent et écrivent est contredit par la réalité.

Le président de la République, Emmanuel Macron, avouait vouloir faire une ‘’Révolution’’, déguisant sa véritable politique qui ne rend compte à personne en utilisant les opportunités d’une Constitution antidémocratique, adoptée à la suite du retour au pouvoir d’un général à la retraite après ce qui ressemblait à un coup d’Etat.

Emmanuel Macron, donc, a obéi à la requête du patronat, énoncée par Denis Kessler en 2007 : défaire méthodiquement le programme du CNR.

Pour cela, Emmanuel Macron, le petit soldat du capitalisme, n’est pas passé par une révolution, il a agi et agi encore méthodiquement.

Il a affaibli le code du travail, les services publics (SNCF, hôpitaux, maternités, éducation nationale), les retraites, l’assurance chômage, les prud’hommes ; en revanche, il a supprimé l’ISF, baissé les cotisations sociales patronales et les impôts des entreprises, renforcé les mesures sécuritaires. Puis, il a répondu aux obsessions de l’extrême droite sur l’immigration, en légiférant sur le prétendu séparatisme d’un islamisme radical fantasmé.

Aujourd’hui, il sort de nouveaux dossiers : la suppression du droit du sol à Mayotte (avant de l’étendre partout ?) et une nouvelle réforme du code du travail. Dernière sottise annoncée, le réarmement idéologique des citoyens : moral, civique, sécuritaire, économique. Là, les mots ne se cachent plus. La France doit adopter les postures militaires. Et chanter la Marseillaise chaque matin.

Tout ce que le pays compte de réactionnaire est mobilisé pour ce réarmement : Vincent Bolloré et ceux qu’il a déjà embarqué dans sa croisade, Pascal Praud, Cyril Hanouna, Ségolène Royal, et Philippe de Villiers. Celui-ci connaît une nouvelle jeunesse et s’en prend à l’avortement qu’il qualifie de masse en faisant un chassé-croisé avec l’immigration de masse ; il fustige les lois anti-chrétiennes et invoque même Childéric.

Les nostalgiques de la vieille France catholique, d’un temps où les syndicats n’existaient pas, où les journaliers étaient attachés à la terre des nobles. Marine Le Pen, Jordan Bardella, Eric Zemmour et Marion Maréchal, ne se sentent plus obligés de parler haut et fort ; ceux dont on vient de parler ont entrepris le retour à l’Ancien Régime dont ils rêvaient. Ils ont trouvé des complices ; et ces agités de la calotte ou ces gouvernants le font pour eux, sur tous les médias où leur est accordé une place ou un temps d’antenne démesuré.

Les citoyens assistent, parfois indifférents, mais hélas avec de plus en plus d’adhésion, à un implacable naufrage idéologique et un recul civilisationnel et social sans précédent.

Au secours, les discours racistes ne se cachent plus ; les patrons licencient pour améliorer les dividendes insultants pour les salariés ; les discours bellicistes appellent à la mobilisation. Et les citoyens qui ne sont pas les ‘’nobles’’ d’hier, mais plutôt le ‘’Tiers Etat’’ s’engluent dans la pauvreté.

Est-ce supportable encore aujourd’hui dans l’un des pays les plus riches de la planète ? Si les grèves dures parfois et si les contestations déterminées se multiplient, c’est hélas en ordre dispersé, loin du mouvement nécessaire pour s’opposer à une régression insoutenable des lois de la démocratie.

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