Il est pour le moins étonnant que la profession présente encore Albert Londres comme un modèle du journalisme, sinon le seul ; l’adoration de l’icône du grand reporter portant « la plume dans la plaie » me met mal à l’aise.
La personnalité d’Albert Londres est controversée ; la prétendue éthique de celui qui prétendait qu’un « reporter ne connait qu’une seule ligne, celle du chemin de fer » ne résiste guère à l’épreuve des faits.
Pour ma part, je considère que le journaliste, parce qu’il a une responsabilité sociale essentielle, n’a de compte à rendre qu’à sa conscience professionnelle (et celle-ci nécessite une intégrité d’ascète par respect dû au public auquel il s’adresse). C’est pourquoi je me sens très proche de l’éthique de Jean Jaurès ou d’Albert Camus, sans verser dans l’adoration béate. Pas dans celle de Londres.
J’ai par ailleurs une profonde aversion pour certaines décorations ou certains prix. C’est fou ce que les citoyens aiment les médailles en chocolat ! La plus belle récompense à laquelle devrait aspirer le journaliste est celle du public, pas celle d’une secte qui s’autoreproduit.
Je viens de découvrir la préselection du prix Albert Londres et cela ne risque pas de me réconcilier ni avec mon refus des récompenses, ni avec Albert Londres.
Pour la presse écrite, Le Monde et Libération ont chacun trois articles retenus (sur 8). La revue XXI et le site Les Jours complétant la sélection. La presse régionale est totalement absente de ce choix et je m’en étonne, car les journalistes de la presse régionale ne sont pas moins brillants que ceux de la presse parisienne.
Quant à la sélection pour l’audiovisuel, elle est hélas significative de la situation : les cinq œuvres retenues ont été produites par des sociétés de production et non par les chaînes ; c’est le résultat des décrets Tasca et de la politique des diffuseurs qui externalisent les contenus et les journalistes (voués à la précarité).
Décidément l’image d’Albert Londres est bien brouillée.