L’homme s’est toujours confronté aux éléments et a toujours cherché à repousser ses limites physiques. Sur terre, et sous l’eau.

Sur terre, depuis le soldat de Marathon, il aime affronter les longues distances : 42 kilomètres paraissaient hier une limite ; aujourd’hui, il a reculé ses limites et il a adopté des mots anglais comme trail ou ultra trail pour nommer les courses dans la nature qui nous entraînent aux frontières du possible.

Les compétitions sur les longues distances comme le semi-marathon, le marathon, le trail (entre 42 et 80 km), l’utra trail (plus de 80 km, pouvant aller jusqu’à 5000 km comme la Transaméricaine) connaissent de plus en plus de succès. Les adeptes se préparent, pour certains, de façon scientifique pour affronter des conditions parfois extrêmes.

J’avoue ne pas partager cet engouement pour les courses de longue distance, qui me rappellent trop les marches dites commando de l’armée ; mais je suis admiratif des performances de ceux qui s’adonnent à un sport où il faut savoir triompher de la souffrance.

En revanche, je condamne ceux qui ont confié l’organisation des championnats du monde d’athlétisme au Qatar. Non seulement le stade climatisé de Doha est une aberration écologique, insupportable au moment où tous les scientifiques tirent la sonnette d’alarme et dénoncent le réchauffement climatique, mais la Fédération internationale d’athlétisme savait que les conditions pour disputer le marathon et les épreuves de marche (50 km et même 20 km) seraient insupportables. Et elles l’ont été, avec une température de 40°, une humidité (entre 70 et 80 %) rendant l’air difficilement respirable.

Le marcheur français Yohann Diniz avait dénoncé l’imposture et il a dû abandonner après 16 km de course, épuisé. Le vainqueur, lui, a bouclé les 50 km en plus de 4 heures contre un peu plus de 3 heures 30 habituellement. Le nombre d’abandons a atteint un record. Peut-on encore parler de performance ?

L’organisation de ces championnats a été confiée au Qatar pour de basses raisons politico-économiques ; les émirs ont dépensé un argent fou pour l’organisation. Et les dirigeants internationaux sont fiers d’eux. Le scandale ne semble même pas les effleurer ; ils se moquent de l’avis des athlètes et calculent les bénéfices tirés des contrats publicitaires et des droits de retransmission télévisés.

Le stade de Doha est vide et les Qataris sont étrangers à la pratique sportive ? Cela importe peu. Les droits de retransmission suffisent à leur bonheur. La compétition n’est qu’une vitrine pour une opération de communication mondiale visant à faire oublier le régime féodal d’un pays rétrograde, l’esclavage enduré par les ouvriers travaillant sur les chantiers de construction des stades pour la coupe du monde de football en 2022 et le prosélytisme en faveur d’un islam radical.

On est loin de l’exaltation de la pratique sportive et des joies du sport, de la fraternité entre athlètes, bref de l’esprit olympique ; on nage dans les eaux tumultueuses au confluent du capitalisme et des magouilles politico-économiques.

Le sport-business au service des intérêts d’un pays arriéré, méprisant les salariés et, depuis ces championnats du monde, des sportifs, voilà ce que signifie la mascarade de Doha.