La culture n’est pas un supplément d’âme ; dans un monde en crise, elle est d’autant plus nécessaire à l’homme pensant dans une société qui se défait. Et il y a encore des structures et des responsables culturels qui osent encore donner carte blanche aux créateurs. Même (et surtout) si l’œuvre est ardue.

A Guyancourt, Florian Goetz et Jérémie Sonntag, artistes en résidence, ont osé s’attaquer à l’unique roman de Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge (Die Aufzeichnungen des Malte Laurids Brigge). L’œuvre autobiographique de l’immense poète de langue allemande, écrite à Paris en 1910, est difficile à appréhender : les thèmes se mêlent et se chevauchent. La mélancolie, la sensibilité à l’environnement de la ville, les sensations sont mises en lumière par les projections vidéo de Jérémie Sonntag et Florian Goetz, seul en scène, déambule en livrant son appréhension du monde mystérieux qui l’entoure, mais où règnent aliénation, misère, souvenirs d’enfance ou encore inconnu.

La performance doit être saluée, tant la difficulté de projeter l’imagination de Rilke en une heure de spectacle était un exercice délicat. Florian Goetz a su s’imprégner des thèmes de Rilke, sans le trahir, mais en rendant l’œuvre très contemporaine.

Le Ferme de Bel Ebat fait un immense travail de démocratisation culturelle et donne une large place à la création, dans un climat politique difficile. La culture, la vraie, c’est-à-dire celle qui élève l’homme, est exigeante ; quand des communes comme Guyancourt osent, le pari n’est pas gagné d’avance, face aux marchands de spectacles où le spectateur n’est qu’un consommateur.

En osant Rilke avec Florian Goetz, la Ferme de Bel Ebat a été audacieuse une nouvelle fois. Elle ne doit rien lâcher.