La société est en crise ; la littérature aussi.
Dans un monde où le fric est roi, les éditeurs sont à la recherche de ce qu’ils appellent best-sellers pour gonfler les profits et distribuer des dividendes à leurs actionnaires.
Best-sellers, ces deux mots accolés me hérissent, en premier lieu parce qu’il s’agit d’un anglicisme et parce qu’il est synonyme, chez les éditeurs, de succès commercial. Omettant de rappeler que la Bible ou Don Quichotte ont été de vrais best-sellers.
Les éditeurs sont assez pervers pour classer les livres selon le nombre d’exemplaires vendus et les recettes engendrées. Peu leur importe la qualité littéraire. Guillaume Musso, Marc Lévy et même Michel Houellebecq, les trois ‘’auteurs’’ préférés des maisons d’édition, m’indiffèrent et leur traitement m’exaspère. Après avoir lu une seule œuvre de ces boursouflures, j’ai abandonné. Livres faciles à lire sur la plage, dans le train ou le métro, et même au volant (dans les bouchons), revenant chaque année ou presque, bénéficiant de campagnes de lancement démesurées et d’expositions hors du commun dans les librairies et surtout dans les grandes surfaces, ils ne doivent échapper à personne.
Mais, ces best-sellers, qu’apportent-ils au lecteur ? Quelles réflexions alimentent-ils ? Ces livres sont creux, indigents et ne méritent qu’indifférence. Aussitôt lus, aussitôt oubliés.
La rentrée littéraire m’a sans doute indisposé jusqu’à la nausée. Guillaume Musso et sa ‘’Vie secrète des écrivains’’, Marc Lévy et ‘’Ghost in Love’’, comme Houellebecq avec son ‘’Sérotonine’’ en janvier dernier, ont encombré les rayons de livres. Ils ont éclipsé de merveilleuses œuvres, souvent absentes des rayons et qu’il faut commander pour pouvoir les savourer.
Les best-sellers doivent être faciles à lire et ils doivent satisfaire tous les lecteurs. Aberrant ! Littérature symbole d’une société de consommation et de commerce du vide !
C’est peut-être ce qui m’a poussé à relire un petit livre d’Erri De Luca, ‘’Acide, Arc-en-ciel’’, l’une des premières œuvres de l’auteur (1992). Un pur délice. Et pourtant il est aride et, surtout, il est difficile d’entrer dans les premières pages et dans le monde d’un authentique maître des mots.
Le narrateur d’Erri De Luca, ici, est un homme fragile, solitaire, qui s’apprête à mourir, affaibli. Alors il fait un retour sur sa vie et, notamment, sur les visites de trois amis qui l’ont marqué, un ancien révolutionnaire des Brigades rouges, un ancien missionnaire et un séducteur vagabond. Tous font le constat d’un échec de leur existence et Erri De Luca s’interroge (et nous avec) sur le sentiment d’inutilité de leur vie.
Peut-on pour autant parler du pessimisme de l’auteur, alors qu’il nous interpelle. Où va le monde ? Qu’est-ce que l’engagement ? Comment vivre sa foi ? Qu’est-ce que l’amour ? La violence est-elle vouée à l’échec ? Etc.
C’est écrit magnifiquement. Erri De Luca est un orfèvre des mots. On sort des 140 pages la tête remplie d’émotions, mais on se sent plus intelligent, plus homme. Avec le sentiment de ne pas avoir perdu son temps à lire.
Contrairement au vide ressenti après la lecture d’un prétendu best-seller.