Qu’est-ce que le Sénat ? Est-il au service du gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ? Assurément non.

L’argument selon lequel le Sénat, élu au suffrage indirect et représentant les collectivités territoriales, est aux antipodes du monde dit démocratique, m’apparaît aujourd’hui recevable après le vote intervenu hier soir. Le sénateur de droite n’a-t-il pas la fâcheuse tendance à considérer qu’il n’a pas de comptes à rendre au peuple qui ne l’élit pas. Il n’est pas proche du peuple ; l’est-il pour autant du local ? Est-il un contre-pouvoir à l’Assemblée nationale ?

Pour être au-dessus de tout soupçon, il devrait afficher une idéologie démocratique, le plaçant au-dessus des intérêts de classe d’élus locaux défendant les moins défendables des conservatismes, allergiques aux changements économiques, financiers, sociaux et culturels, bref des conservatismes arcboutés dans une défense de plus en plus délicate de l’ordre libéral et du nouveau monde de Macron.

Les sénateurs ont-ils encore l’intérêt général comme seule et unique boussole ? Hélas, non. La majorité du Sénat se singularise une nouvelle fois en tournant le dos aux problèmes qui minent le quotidien des Français en adoptant un projet de loi « tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation », alors que tous les sondages convergent pour dire que la laïcité n’est pas la préoccupation du peuple.

Le projet de loi n’avait qu’une finalité, alimenter une campagne visant à instrumentaliser l’islam et le voile à des fins bassement électoralistes. Le président de la République lui-même parlant de société de vigilance puis s’exprimant dans le torchon d’extrême droite Valeurs actuelles pour parler de l’islam, le ministre de l’éducation nationale souhaitant que les enseignants signalent les enfants radicalisés ( !), le ministre de l’intérieur ciblant, lui, les signes de radicalisation des adultes, ont joint, hélas, leurs voix à une campagne nauséabonde à laquelle les élus du Rassemblement national de la famille Le Pen se sont empressés de se joindre pour ne pas être débordés sur leur extrême droite (si c’est possible). 

Les sénateurs des Républicains ont-ils mesuré la violence de leur projet de loi et les effets qu’il peut engendrer ? La réponse est venue, avant même le vote, de Bayonne où un ex-candidat du Front national est passé des paroles aux actes.

Aujourd’hui, après le vote, nous avons la réponse aux questions posées initialement. Les électeurs, c’est-à-dire le peuple, n’ont pas fait le choix de dresser certains citoyens contre d’autres, de ranimer les guerres de religion, mais de les entraîner vers le vivre-ensemble et vers la satisfaction de leurs besoins pour une vie harmonieuse et épanouie. Pour ne pas satisfaire leurs aspirations, les sénateurs ont détourné le débat de manière honteuse et jeté un voile sur le débat démocratique.

Les sénateurs auraient mieux utilisé leur vote en se penchant sur l’état de l’éducation nationale, sur l’état de notre système de santé, sur l’état du marché du travail, sur l’état des transports ferrés et routiers, sur l’état de la désertification rurale, autant de domaines où ils ont abandonné leur pouvoir politique au marché financier. Qui, lui, se porte très bien. Merci.