La colère gronde ; elle ne s’est pas encore manifestée de façon organisée, elle est sourde, souterraine, mais bien présente dans de nombreuses professions.

La réforme de l’indemnisation du chômage ajoute à la colère. La fabrique de pauvres tourne à plein régime, comme celle des usines ou des magasins qui multiplient licenciements et prétendus départs volontaires.

En même temps, la fabrique des riches, quelques-uns, est de plus en plus radieuse ; les comptes dans les paradis fiscaux gonflent, comme un spi par gros temps. Elle fonctionne au même rythme que les cadences infernales (y compris les dimanches et jours fériés) imposées aux rescapés du travail.

Emmanuel Macron accuse les chômeurs qui, fainéants, ne veulent pas traverser la rue. Ils ne méritent aucune complaisance, punissons-les. Il ne le dit pas, mais il doit le penser : les chômeurs se complaisent à regarder les niaiseries de TF1 et les insanités de quelques débatteurs fascisants des chaînes d’information dite continue.

Macron ne connaît rien au monde du travail et aux pauvres ; mais qu’il ne se trompe pas : la colère gronde toujours, toujours aussi sourde et souterraine, toujours bien présente.

Les scribouillards attachés au président de la République et aux ministres sont invités à mettre leur talent à rédiger des argumentaires pour tenter de neutraliser la colère qui gronde.

La ministre dite du travail, Muriel Pénicaud, en a livré quelques éléments sur l’un de ses réseaux sociaux, appelé Twitter. Dans la nuit, à 4h 12 exactement, le 2 novembre (c’est un signe qu’il y a urgence), on peut en lire quatre :‪

1L’emploi repart, le chômage baisse. Après trente ans de chômage de masse, nos réformes montrent qu’il n’y a pas de fatalité: loi travail, apprentissage, formation, assurance chômage, soutien aux plus fragiles, un seul but: que chacun puisse vivre de son travail.

2Constitution de la République française: « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». Le travail émancipe, permet de gagner dignement sa vie, et crée du lien social. Améliorons l’accès à l’emploi et la qualité du travail, au cœur de notre société.

3 – L’Assurance chômage, c’est un filet de sécurité entre deux emplois. Le but est de retrouver un travail et de pouvoir évoluer. La réforme, c’est: + d’emploi et – de précarité. Nous assurons cette solidarité dans la durée en baissant sa dette qui est de 35 milliards d’€.

4 – 87% des embauches se font sur des contrats très courts. 70% des CDD durent 1 mois ou moins, 30% 1 jour ou moins. Ce n’est pas acceptable. La précarité des travailleurs les empêche de se loger, de faire des projets de vie. La réforme Assurance chômage responsabilise les employeurs. »

Les ministres osent tout ; c’est même à cela qu’on les reconnaît (merci Michel Audiard). Comme l’écrivait José Saramago, rapportant les propos d’un ministre portugais : « la politique est, en premier lieu, l’art de ne pas dire la vérité ».

Dans ces quelques lignes, Muriel Pénicaud dit tout et son contraire et ne dit pas la vérité. L’emploi repart ? La précarité galope. Améliorons l’emploi ? Les CDD de plus en plus nombreux empêchent les travailleurs de faire des projets de vie. La réforme, c’est plus d’emploi ? La liste des suppressions d’emplois se multiplie chaque jour. La solidarité passe par la réduction de la dette ? Donc faisons payer ceux qui n’ont aucune responsabilité dans la situation. La réforme responsabilise les employeurs ? Ceux-ci demandent au gouvernement d’aller plus loin et bloquent les salaires, ne veulent plus cotiser et n’offrent comme seule perspective que les contrats courts.

Les citoyens ont compris le discours ‘’musclé’’ et autoritaire de Macron quand il s’adresse aux gens qui n’ont rien. Ils ont compris les mensonges de Muriel Pénicaud. Mais, parlez toujours, Macron et Pénicaud, Blanquer et Buzyn, Darmanin et Le Maire, il y a une chose que vous ne pouvez pas contrôler, le bon sens du peuple.

Alors, sa colère pourrait exploser.