Un septuagénaire est mort aujourd’hui par asphyxie. Un fait divers parmi d’autres. Dans l’indifférence générale, il a été accompagné à sa dernière demeure, le tribunal de commerce de Limoges, par ses amis fidèles.

Le septuagénaire s’appelait L’Echo du Centre ; c’était un quotidien lancé par le Parti communiste en 1943, pendant l’Occupation donc, qui diffusait dans cinq départements, la Haute-Vienne, la Corrèze, la Dordogne, l’Indre et la Creuse.

Sa dernière ‘’une’’, aujourd’hui, était barrée d’un énorme ‘’Adieu aux lecteurs’’ et de quelques lignes : « Asphyxié économiquement, votre journal n’aura pas survécu à la crise de la presse. » Elle rappelle hélas la ‘’une’’ d’un autre journal issu de la Résistance, Combat, qui avait titré le 30 août 1974 : « Silence, on coule ! », après 9376 éditions.

L’Echo du Centre, lui, aura connu 23040 éditions et il laisse derrière lui des lecteurs et des salariés désemparés.

Aujourd’hui, alors que les milliardaires ont fait main basse sur tous les grands médias et encadrent l’information, le gouvernement reste spectateur. Le pluralisme n’est pour lui qu’un mot vide de sens. Le nouveau monde de Macron s’accommode parfaitement de la pensée unique, libérale bien sûr.

Les organisations syndicales de journalistes restent, elles aussi, étrangement absentes. Certes, depuis plusieurs années, dans la presse on reçoit plus d’avis de décès que de faire-part de naissance. Mais l’évolution est inquiétante : la profession de journalistes était capable de réagir quand des titres disparaissaient, observant une grève nationale quand Paris-Jour cessait de paraître par exemple, ou quand Robert Hersant prenait le contrôle de Paris-Normandie.

Les prises de contrôle de Libération par Drahi, de Canal + par Bolloré, l’entrée de Kretinsky dans le capital du Monde, la vente des magazines de Lagardère ou de Mondadori n’ont pas suscité de réactions à la hauteur des enjeux.

L’Echo du Centre, lui, souffrait d’une tare originelle pour beaucoup de monde, parmi les politiques, les milieux économiques, les journalistes aussi, il était un quotidien appartenant au Parti communiste.

Seul ce Parti a tenu à bout de bras le pluralisme dans le centre de la France avec L’Echo du Centre, dans le Sud-Est avec La Marseillaise et au niveau national avec L’Humanité ; il n’en est guère récompensé ; et ceux qui pleurent ce mauvais coup porté à la démocratie sont infiniment moins nombreux que ceux qui vont fêter l’événement. Ceux-ci pensent même pouvoir s’exonérer d’un communiqué de circonstance. Leur mépris pour la démocratie et le pluralisme s’étale dans toute sa splendeur, sans vergogne.

Mais ils se trompent, la colère ne s’apaise pas.