Eric Dupond-Moretti est un avocat très médiatisé ; il en joue. Il vient de publier un livre, Le droit d’être libre, et il va jouer à partir du 22 janvier au Théâtre de la Madeleine son propre rôle dans Eric Dupond-Moretti à la barre.

Il ne faudrait pas réduire l’avocat à son personnage médiatique ; il a des convictions qui ne doivent laisser personne indifférent. C’est l’autre face du personnage.

Il vient de livrer une longue interview au journaliste Denis Lafay du quotidien économique La Tribune.

La réponse à une question sur le « tout communication » mérite que les journalistes s’y arrêtent au moment où le traitement du mouvement des gilets jaunes pose d’innombrables problèmes.

« Quel est le principe de la publicité ? Insérer de manière subliminale dans l’esprit des consommateurs un désir, une nécessité. Et pour cela employer des méthodes, y compris de martelage, grâce auxquelles, de manière consciente mais aussi inconsciente – c’est là toute la force de frappe du dispositif -, la « cible » se laisse pénétrer, et donc convaincre, des bienfaits desdits désirs ou nécessité. Cette règle vaut tout autant dans le domaine de la justice. Lorsque les rouages de ce « tout communication » se coalisent pour asséner des opinions, celles-ci prennent valeur de certitude dans les esprits. De plus, ces orientations, ces influences, ne sont bien sûr jamais en faveur des accusés. Les mécanismes sont bien connus : des personnes dites « victimes » ou de l’entourage des « victimes » font l’objet d’interviews, que le journaliste n’hésite pas à présenter, directement ou plus habilement, comme « accablantes » ; et comme les médias à la fois constituent l’une des principales sources d’information… des médias et sont engagés dans une compétition propice à la surenchère, ces assertions s’auto-stimulent et se répandent comme une traînée de poudre. Et tout cela avec force sémantique. Exemple : tel prévenu nie les faits qui lui valent d’être mis en examen ou incarcéré ? « Il persiste à nier », entendra-t-on communément, ce que l’opinion publique interprétera, en substance, comme suit :

« Malgré le caractère accablant du témoignage, il n’a pas encore consenti à dire la vérité » dont le journaliste semble être détenteur… Cette machine infernale s’est incontestablement emballée. Il n’existe plus suffisamment de distance et donc de discernement entre certains journalistes et le sujet qu’ils traitent, des plateaux de télévision sont envahis de pseudo-commentateurs, de pseudo-experts, de pseudo-scientifiques propageant leurs certitudes même lorsqu’elles sont fallacieuses, et ainsi les téléspectateurs ou les auditeurs se pensent habilités à devenir qui avocat, qui – plus sûrement – procureur. La responsabilité d’un média est d’être un médiateur responsable, un passeur pédagogue, factuel, distancié, prudent, d’informations intègres et démontrées contribuant à un éveil responsable des consciences ; cette discipline, tous les supports de presse et tous les journalistes n’y souscrivent pas, malheureusement. »

Le constat d’Eric Dupond-Moretti, les journalistes l’entendront-ils ?