Emmanuel Macron est dans la tourmente et il n’a pas toujours la main sur l’agenda des événements. Alors qu’il est en pleines négociations, arides et délicates, pour la formation d’un nouveau gouvernement, le président du Conseil constitutionnel est venu, à l’Elysée lui donner une leçon de droit. Celui-ci a sans doute jugé utile de rappeler quelques leçons oubliées à l’ancien énarque.

Laurent Fabius est ce qu’on fait de mieux dans le genre ‘’gauche caviar’’ ; il n’est donc pas un dangereux révolutionnaire. Il a démontré au cours de sa carrière un attachement sans borne au Marché et donc au capitalisme libéral. Néanmoins, il prend son rôle au sérieux et du haut de cette fonction, il a commenté quelques articles de la Constitution à un président ‘’mauvais élève’’ :

« Le Conseil constitutionnel n’est pas une chambre d’écho des tendances de l’opinion publique, il n’est pas non plus une chambre d’appel des choix du Parlement, il est le juge de la constitutionnalité des lois. Cette définition claire, c’est probablement parce qu’elle n’est pas ou pas encore intégrée par tous que, à l’occasion des débats sur les lois concernant deux questions très sensibles, les retraites et l’immigration, le Conseil constitutionnel s’est retrouvé au milieu de passions contradictoires et momentanément tumultueuses. »

Il est revenu à la fin de son discours sur le rôle du Conseil, sans doute pour être assuré que le président et son gouvernement se souviendront de la leçon :

« 2023 nous a en effet frappés, mes collègues et moi, par une certaine confusion chez certains entre le droit et la politique. Je veux donc le redire ici avec netteté : on peut avoir des opinions diverses sur la pertinence d’une loi déférée, on peut l’estimer plus ou moins opportune, plus ou moins justifiée, mais tel n’est pas le rôle du Conseil constitutionnel. La tâche du Conseil est, quel que soit le texte dont il est saisi, de se prononcer en droit. Mon prédécesseur et ami Robert Badinter utilisait volontiers une formule : « une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise, mais une loi mauvaise n’est pas nécessairement inconstitutionnelle ». Cette formule, je la fais mienne car elle définit bien l’office impartial du Conseil et je forme le vœu que chacun garde cela à l’esprit en 2024. »

Enfin, Laurent Fabius a énuméré les conditions à remplir pour respecter l’Etat de droit dans une phrase cinglante :

« Dans un régime démocratique avancé comme le nôtre, on peut toujours modifier l’état du droit mais que, pour ce faire, il faut toujours veiller à respecter l’État de droit, qui se définit par un ensemble de principes cardinaux comme la séparation des pouvoirs, le principe de légalité et l’indépendance des juges. »

C’est avec un malin plaisir que Fabius a dû prononcer son discours devant Macron et ses conseillers, volontiers donneurs de leçon.

Décidément, le président, ni de droite, ni de gauche, est discrédité à jamais.