Philippe Escande se penche dans Le Monde sur le ‘’retour de l’Etat’’ ; le quotidien de référence lui a laissé deux pleines pages. Le journaliste (passé par Les Echos) peut s’épancher largement sur les mérites du libéralisme.

Il relaie les grands chantres du marché, tels l’économiste Philippe Aghion qui exclut tout changement radical, mais ose assurer qu’il y a « d’autres modèles d’Etat social ouvert qui fonctionnent mieux que le nôtre, comme en Scandinavie ou en Allemagne ». Avec les petits boulots, la précarité, les retraites par point et le recul de l’âge de départ. Autant de solutions que les Français rejettent, semble-t-il.

Mais Philippe Escande va plus loin encore en convoquant un certain Nicolas Colin, présenté comme essayiste et cofondateur de la firme d’investissement The Family, qui n’hésite pas à dire : « Avec tous les leviers dont il va disposer, il faut que l’Etat relance la croissance en faisant prendre à la France le virage numériqueInvestir massivement dans la télé­médecine et réfléchir à la réorganisation de l’hôpital, en adaptant la réglementation pour rendre cela compatible avec le numérique. Et faire la même chose dans l’éducation, les médias, le commerce, les paiements. »

Investir de l’argent public dans l’hôpital public ? Une horreur pour ces grands penseurs de l’économie libérale !

Guère étonnant quand on saura que The Family, dont Nicolas Colin a été l’un des fondateurs, lève des fonds pour investir dans les startups du numérique. Il ne propose rien d’autre que la télémédecine gérée par les firmes privées, sans doute les compagnies d’assurance, mais le journaliste ne l’écrit pas ; pas encore. Guère étonnant que la Caisse des Dépôts aille dans la même direction en préconisant de privatiser davantage le service public de santé dans une note adressée à Emmanuel Macron.

Les capitalistes se préparent déjà au jour d’après et Philippe Escande leur ouvre les colonnes du quotidien de révérence. Sans vergogne. C’est-à-dire en appelant Emmanuel Macron à redéfinir le rôle de l’Etat pour sauver le capitalisme néolibéral, tout en essayant de rassurer les citoyens. Au fond, c’est Margaret Thatcher qui est rappelée avec son fameux TINA (There is no alternative, ou, en bon français, il n’y a pas d’autre choix).

Pour faire avaler la couleuvre aux citoyens, rien de tel qu’un régime autoritaire, gouvernant par ordonnances et décrets, bâillonnant le Parlement et toutes les institutions de contrôle du gouvernement.

La Ligue des droits de l’homme a d’ailleurs dénoncé la situation après la récente décision du Conseil constitutionnel de se confiner lui aussi (jusqu’au 30 juin) refusant d’examiner si, en droit, l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances respectent la loi fondamentale de la République. La LDH écrit donc :

« Par sa décision, qui valide une violation évidente de la Constitution et conduit à lui permettre de reporter l’examen des Ordonnances prises par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Conseil constitutionnel accepte que les libertés publiques soient drastiquement restreintes tout en en différant le contrôle.

Rien ne justifie une telle décision. On ne sache pas, en effet, que les membres du Conseil constitutionnel souffrent d’une incapacité à travailler en visioconférence alors qu’en même temps, ces Ordonnances valident le recours immodéré à ce moyen, souvent au préjudice des libertés et des droits de la défense.

Alors que le respect de l’Etat de droit doit prévaloir en toutes circonstances, la protection des libertés individuelles et collectives ne devrait souffrir d’aucun retard ni d’aucun empêchement.

Le Conseil constitutionnel crée ainsi une jurisprudence qui ouvre la voie à toutes les exceptions et donc à tous les renoncements. »

Le Conseil constitutionnel n’entend pas entraver la stratégie du chef de guerre Emmanuel Macron, entouré de conseillers tous atteints d’un virus libéral, lui aussi mortifère. Le Monde est son agence de communication.