Les personnels hospitaliers sont consternés après les différentes déclarations d’Emmanuel Macron, Edouard Philippe ou Nicolas Véran. Association des médecins urgentistes de France (AMUF), Collectifs inter-hôpitaux (CIH), Inter-urgences et CGT ne veulent plus se contenter de paroles, de primes, de médailles, de défilé du 14 juillet et autres gadgets. Tous veulent négocier sur les fondements mêmes de l’hôpital public et de leurs métiers.
Ils envisagent une journée de mobilisation pour l’hôpital public mi-juin.
Le mouvement pour le jour d’après n’attend pas. D’autres secteurs sont en ébullition. La consternation gagne tous les secteurs d’activité.
Le site Le Café pédagogique a publié une tribune, signée par 15 hauts fonctionnaires du ministère de l’éducation nationale, qui témoigne de l’état d’esprit des personnels éducatifs.
« Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous taire », clament ces fonctionnaires de la rue de Grenelle qui se présentent ainsi :
« Nous, enseignants, formateurs, chercheurs, inspecteurs du premier et second degrés, inspecteurs généraux, directeurs académiques, cadres de l’administration centrale, sommes des témoins privilégiées et informés de la situation actuelle de l’école. Animer des équipes pédagogiques, diriger les services départementaux de l’Éducation nationale, piloter une circonscription, former des enseignants, enseigner les disciplines au programme, réfléchir à comment faire en sorte d’assurer au mieux la réussite de tous les élèves : tel est, depuis tant de temps pour les uns, moins longtemps pour d’autres, notre métier. Nous ne nous sentons pas partisans, et avons toujours été du côté des réformes quand celles-ci allaient dans le sens de l’amélioration des apprentissages et de l’épanouissement des élèves. L’esprit de chapelle nous est étranger et l’idée d’appartenir à un quelconque parti ou organisation qui nous aurait obligés à nous taire en cas de désaccord ne nous a jamais effleuré. Du reste, certains d’entre nous sont de « droite » et d’autres « de gauche » mais notre loyauté aux valeurs de l’École n’est d’aucun bord, elle est quotidienne. Et nous nous efforçons, au jour le jour, de la défendre et de la faire vivre de notre mieux. »
Ils dénoncent les mensonges du ministre et de son cabinet, un double discours permanent, une mise au pas de ceux qui ne seraient pas dans la ligne libérale (et pas conséquent la liberté pédagogique des enseignants) et ce qu’ils appellent le scientisme aveugle qui règne au sein d’un prétendu Conseil Scientifique de l’Education nationale.
Ils détaillent le projet réactionnaire de Jean-Michel Blanquer, dont les mesures ne visent qu’à accroître les inégalités sociales devant l’école. De l’objectif de privatisation des maternelles jusqu’à la réforme du bac, en passant par les contrôles, des réformes des filières, y compris professionnelles, et l’éducation à la citoyenneté.
La coupe est pleine et ces hauts fonctionnaires dressent un bilan de ce que les enseignants, à tous les niveaux, ne veulent plus cautionner.
« Nous, cadres de l’Éducation nationale, confondus par la situation faite à l’École de la République, ne pouvons nous résoudre à cet état de fait et prenons la responsabilité d’écrire ici pour, qu’au moins, nous puissions nous regarder en face et nous dire que nous avons prévenu du tournant qu’avait pris l’École. Car au-delà de telle ou telle mesure, c’est bien la philosophie d’ensemble qui vient heurter nos valeurs. La culture ministérielle actuelle est éloignée, de fait, de la culture professionnelle enseignante et de terrain. Le ministre entend aujourd’hui piloter de façon autoritaire des réformes sans construire l’adhésion des enseignants et sans prendre en compte l’expertise des personnels d’encadrement. Symptomatiquement, la loi « pour l’école de la confiance » couvre de facto une politique de la défiance inédite à l’égard du pédagogique. Le plus grave est là. Nous observons, consternés, un système éducatif détourné de ses fondements républicains et de ses valeurs et ne pouvons nous taire. Le terrifiant verrouillage en cours du débat démocratique sur les enjeux et les finalités d’une École pour tous ne se fera pas avec notre contribution car nous ne voulons pas, nous, enseignants, formateurs, chercheurs, inspecteurs du premier et second degrés, inspecteurs généraux, directeurs académiques, cadres de l’administration centrale, trahir l’École de la République et ses idéaux. »
La tribune ne doit pas rester confinée dans le milieu enseignant ; elle concerne tous les citoyens. La crise du coronavirus a le mérite de lancer des débats dans tous les secteurs pour dessiner les grandes lignes d’un monde nouveau, le fameux jour d’après. Dont l’éducation nationale est le pivot.