Orhan Pamuk est l’un des écrivains majeurs du siècle. La littérature lui doit énormément. Engagé dans la défense des droits de l’homme, il même refusé le titre « d’artiste d’Etat » en 1998, après avoir dénoncé la fatwa lancée contre Salman Rushdie en 1989 ou encore la reconnaissance du génocide arménien. Autant dire qu’il n’est guère apprécié de Recep Tayyip Erdogan, qui avait réussi à le faire mettre en examen en 2005 pour insulte délibérée à l’identité turque. Aujourd’hui encore, il est menacé, mais son prix Nobel attribué en 2006 lui a sans doute permis d’échapper au sort que connaissent d’autres écrivains comme Asli Erdogan, par exemple.

Je n’ai pas encore lu son dernier livre, Les Nuits de la Peste (Gallimard), mais les entretiens qu’il accorde en ce moment pour la publication de la traduction française, donnent vraiment envie de dévorer ses 680 pages.

Dans L’Humanité d’aujourd’hui, il avoue : « Il n’y a pas de liberté de parole en Turquie. Lors de l’ouverture du procès qui a été attenté contre ce livre, mes avocats m’ont mis en garde, tout en m’assurant que ça allait passer. Je ne finirai pas en prison. Donc, dites aux lecteurs de l’Humanité de ne pas s’inquiéter pour moi. J’ai eu peur. Lorsque j’ai été convoqué dans le bureau du juge d’instruction, il m’a demandé si j’avais insulté Atatürk. J’ai demandé : « À quelle page ? » Il m’a répondu qu’il ne savait pas, mais énormément de lecteurs s’étaient plaints par lettres… »

Puis, il a ajouté : « Dans notre démocratie, seules les élections comptent, mais pas la liberté de parole. Or, une démocratie sans liberté de parole n’est plus une démocratie. »

Le président turc ne va pas apprécier ces déclarations ; mais peu importe à Pamuk. Il continue et continuera à défendre la liberté d’expression. Quoi qu’il en coûte. Avec une bonne dose d’humour, une arme terrible contre les dictateurs.