Patrick Eveno est professeur émérite en histoire des médias et un pourfendeur des syndicats, tous taxés de corporatisme étroit. Il a des avis sur tout ce qui touche à la presse, à l’audiovisuel et, généralement, à l’information.

Dans un article publié par The Conversation, il s’interroge : « La redevance rempart pour le service public ou totem idéologique ? ». Et, tout de go, se croit autorisé à affirmer que « la redevance est une taxe impopulaire » et à fustiger ceux qui ont osé s’opposer vertement à l’annonce du candidat-président.

Il vole au secours de Macron en reprenant les déclarations de Gabriel Attal ou de Marc Dumontet, qui affirment péremptoirement qu’un « service public fort et indépendant (est) nécessaire ». Au passage l’ineffable Eveno oublie de mentionner les mauvais coups portés à l’audiovisuel public depuis Giscard d’Estaing et jusqu’à Macron. Il oublie de rappeler que France O a été supprimée et que France 4 a été sauvée de justesse par la pandémie du coronavirus. Il ne mentionne pas les coupes budgétaires qui ne cessent d’appauvrir les sociétés de radio et de télévision.

Alors, oui, la redevance est un totem idéologique pour ceux qui veulent défendre un service public de qualité face aux Bouygues, Bolloré, de Tavernost, Drahi, Niel et Kretinsky. Supprimer la redevance sans aborder, auparavant les modalités de son remplacement, est lourd de signification. 

Invoquer, comme le fait Eveno, l’importance d’un pacte démocratique est illusoire quand on sait que le Parlement est, aujourd’hui, d’une droite qui ne cesse de réduire des impôts et taxes prétendument pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. Mais en sacrifiant chaque année davantage tous les services publics.

Patrick Eveno est le frère de Bertrand Eveno qui fut un président directeur général de l’AFP ; il ne peut donc pas ignorer que l’agence voit les contributions de l’Etat diminuer chaque année. Prendre cet exemple pour justifier la réforme de la redevance a quelque chose d’osé et d’inconvenant.

Bref, Eveno montre son vrai visage d’ultralibéral. Et la pérennité du service public de l’audiovisuel n’a rien à attendre de lui. Devant la commission d’enquête du Sénat, il n’a pas hésité à affirmer « qu’il n’y a pas de lien entre concentration et pluralisme (…) L’enjeu est de savoir comment concilier la nécessaire recomposition du marché des médias avec la non moins nécessaire préservation du pluralisme qui fait vivre la démocratie. La concentration n’est pas une question démocratique, c’est un problème économique (…) Deux concentrations se déroulent en même temps, mais relèvent de problématiques différentes. La concentration entre TF1 et M6 est classique, défensive, pour faire face aux Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – et endiguer l’érosion des revenus publicitaires. Comme dans tout secteur vieillissant, des concentrations et des recompositions ont lieu dans les médias. C’est inévitable, à l’image de ce qui s’est passé par exemple dans la sidérurgie et l’automobile (…) Considérer que les concentrations sont néfastes relève donc d’une vision archaïque, anti-libérale, qui s’inscrit dans un vieux débat. Pourquoi est-ce mal ? On ne sait pas ! Est-ce en raison de l’aspect monopolistique ? Mais il suffit d’appliquer le droit de la concurrence, comme ce sera le cas pour une éventuelle fusion entre Editis et Hachette… »

Que d’ineptie ! De tels propos suffisent à discréditer leur auteur et à renforcer la détermination de ceux qui veulent absolument défendre le service public.