Ils étaient 120 au départ, en janvier, à créer une Coordination nationale du boycott de la présidentielle (CNBP). Tous de gauche, ils sont adhérents de partis politiques, syndicalistes, artistes, gilets jaunes, « des femmes et des hommes qui, comme des millions d’autres en France, ne veulent plus de la Ve République et qui refusent ce système antidémocratique. L’élection présidentielle ne sert qu’à désigner un monarque disposant de pouvoirs considérables en particulier quand majorité présidentielle et législative coïncident. »

Ils crient leur désespoir, haut et fort : « Nous voulons que ça change. Vraiment. Alors, nous refusons de donner notre caution à l’élection présidentielle. Nous serons dans le camp des abstentionnistes que nous souhaitons allier à celui des votes blancs et des votes nuls. Nous ne voulons pas que nos voix soient réduites au silence. Nous voulons nous faire entendre et faire valoir nos droits de citoyens. Pour cela nous appelons au boycott actif de l’élection présidentielle 2022 : un acte politique, citoyen et collectif. »

Leurs arguments sont recevables ; ils sont largement partagés par une bonne partie du vrai peuple de gauche. Ils dénoncent le système présidentialiste qui ronge la démocratie et qui est incompatible avec la souveraineté du peuple.

Gérard Mordillat, cinéaste et écrivain, à l’origine de cette coordination, a confié à Regards : « Il faut rompre avec l’illusion démocratique. Dans les dernières élections, il y a eu plus de 60% d’abstention : il faut lui donner un sens politique. Il faut transformer l’abstention en boycott, c’est-à-dire une prise de position publique contre ce que l’on nous propose. Si un président est élu avec une participation extrêmement faible, sa présidence pourra être remise en cause. En revanche, les élections législatives sont gagnables : il faut tout investir dessus. »

Pour autant, faut-il boycotter le premier tour ? Je ne le crois pas et ne le souhaite pas, malgré l’argument de Gérard Mordillat : « La gauche me désespère parce que l’on a vu comment François Hollande avait réussi l’exploit d’éradiquer le Parti socialiste – ce qui n’était pas gagné d’avance – mais les autres, que ce soit Jean-Luc Mélenchon ou Fabien Roussel, s’intoxiquent en pensant qu’ils vont y arriver. C’est une erreur totale. La seule chance, c’était l’union. Mais est entré en scène le bal des égos qui fait que tout le monde est d’accord que si c’est derrière untel ou unetelle. »

Le désarroi est fort ; ceux qui n’ont rien ne veulent plus de Macron, ce président qui « est aussi Premier ministre, chef de parti, chef de la majorité parlementaire omniprésent, et Monsieur je-sais-tout! ». Le peuple de gauche se méfie aussi des candidats de gauche, y compris Jean-Luc Mélenchon, qui, pourtant, propose une constituante. Charlie Hebdo relève que les membres de la coordination veulent « inverser la machine et, comme au Chili, voir émerger des mouvements sociaux monstres, s’organiser en convention populaire et ensuite faire élire un parti porteur de ce projet politique. »

Un défi à relever, certes, mais qui va s’avérer difficile et long.

Alors, faut-il boycotter la présidentielle ou plutôt convaincre tous les déçus et abstentionnistes d’aller remplir les urnes de bulletins de gauche ? J’opte pour la seconde option comme première étape pour faire grandir la nécessaire émergence de mouvements sociaux monstres.