Le premier ministre avait prévenu qu’il ne ferait pas d’annonces magiques ; fidèle aux engagements d’un président de la République qui l’a installé à l’hôtel Matignon, il persiste et signe : le nouveau régime de retraites sera universel et à points.

Mais, l’exécutif, quelque peu gêné aux entournures par le mouvement social, a fait quelques concessions de forme (mais aucune sur le fond). Histoire de satisfaire Laurent Berger pour tenter d’affaiblir les syndicats combatifs.

Les journalistes de cour ont aussitôt applaudi ces concessions à la CFDT. Qui, pourtant, n’y est pour rien. Ce sont bien les grévistes qui ont arraché ces quelques ajustements et non le syndicat qui se dit réformiste.

Edouard Philippe, qui ne manque pas de culot, n’a pas cessé de mentir tout au long de ses annonces. Il a osé rappeler qu’il avait dû lire le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau en classe terminale et en citer une phrase, une seule (peut-être était-ce déjà trop pour l’homme de droite qu’il est). Il a osé une référence au système de 1945 pour aussitôt décréter qu’il ne correspond plus à la réalité ; rien de plus normal pour un gouvernement et un président de la République qui veulent détruire les conquis sociaux de la Libération, comme le leur demande le patronat toujours revanchard.

Jean-Paul Delevoye, lui, a été en quelques sorte ‘’exfiltré’’, c’est-à-dire tenu à l’écart. Depuis la révélation avec le lobby des assureurs, il est en fâcheuse posture, englué dans son délit de conflit d’intérêt.

Mais, décidément, dans notre pays (comme dans beaucoup d’autres) chaque jour nous apporte de nouvelles révélations à propos des proximités de nos dirigeants avec les milieux financiers.

L’Humanité publie ce jour le fac-similé d’un document d’une quinzaine de pages rédigé par le fonds américain BlackRock et remis au président de la République.

« En juin 2019, écrit Sébastien Crépel, soit quelques jours avant la remise du rapport de Jean-Paul Delevoye sur le projet de ‘’régime universel’’, le fonds d’investissement a détaillé (…) tout le profit qu’il espère tirer d’une réforme des retraites qui fasse une large place à la capitalisation, en s’appuyant notamment sur la loi Pacte votée au printemps sous l’impulsion de Bruno Le Maire. »

En vertu de quoi Edouard Philippe a osé affirmer que son projet « ne confie pas nos retraites à l’argent-roi ».

BlackRock est le plus grand gestionnaire d’actifs au monde (7000 milliards de dollars), présent dans le capital d’environ15 000 entreprises, dont, en France, Atos, BNP, Vinci, Société générale, Michelin, Lagardère, Safran, etc.

Les caisses de pension représentent 66 % du chiffre d’affaires de cette multinationale présente dans 30 pays.

Bref, tous les financiers salivent déjà à l’idée de faire main basse sur l’épargne de ces Français qui seront tentés de souscrire à des fonds de retraite par capitalisation.

Curieusement, les journalistes sont restés discrets sur cette révélation. On se demande bien pourquoi.

De Gaulle prétendait que les Français sont des veaux ; Macron et Philippe vont encore plus loin dans l’insulte permanente. Leur morgue les aveugle car les Français ne sont ni des veaux, ni des demeurés, ni des fainéants qui refusent de traverser la rue, ni des analphabètes : ils ont tout compris de leurs discours, de leur politique de casse sociale.