La chronique de François Morel chaque vendredi sur France Inter est un moment d’intelligence et d’humour ; on ne l’écrira jamais assez. Avec celle d’hier, le troubadour a atteint au sublime en nous rappelant que « Claude Nougaro et Maurice Vander ont écrit il y a une quarantaine d’années une chanson d’une éternelle actualité. »

Il a intitulé ses trois minutes hebdomadaires ‘’Assez’’, reprenant le titre d’un texte de Nougaro de 1980, sur une musique de Vander ! Un moment rare qui ne s’oublie pas :

« Un adverbe. Cinq lettres. Définition du Larousse. Du latin populaire, adsatis. Du latin classique, satis. Indique la quantité suffisante. Autant qu’il faut. Synonyme : suffisamment. Indique l’intensité. Passablement. Synonymes : pas mal, plutôt. 

Expression. En être excédé. Synonymes : en avoir marre (familier), en avoir plein le dos (familier), en avoir ras le bol (familier), en avoir plein le cul (populaire). Exprime l’impatience, l’irritation. En voilà assez ! C’en est assez ! Assez !

C’est un copain, Jean-Damien, Jean-Damien Barbin, qui sur Whats’app m’a rappelé l’existence de cette chanson de Nougaro. Elle date de 1980 et évoque les malheurs du monde, notamment cette petite fille en feu dans un village en pluie de napalm, près de la frontière cambodgienne, au moment de la guerre du Vietnam. L’horreur ne date pas d’aujourd’hui, ne date pas d’un hôpital bombardé, d’un professeur assassiné, d’une attaque à la roquette, de frappes sur les villages, de milliers de morts, de dépouilles trop abimées pour être identifiées et de commentaires politiques banalisant le mal, justifiant l’injustifiable. Quand il y a impossibilité d’apporter la moindre contribution consolatrice, quand les mots sont dérisoires, quand l’envie d’apporter un peu de légèreté paraîtrait déplacé, un seul mot vient à la bouche. »

Ce mot, partageons-le largement, crions-le à pleine voix. Encore plus fort. Toujours plus fort, peut-être pour être enfin entendus.

Claude Nougaro a, lui aussi, souvent atteint au sublime. J’en ai déjà parlé en évoquant une autre chanson, Bidonvilles, évoquant le triste quotidien des immigrés et l’empathie du poète envers ces hommes qui viennent d’un pays où il ne pleut pas, où les hommes sont beaux.

Avec Assez ! il exhorte les hommes à être plus humains et à s’aimer. J’en ai retenu deux strophes, terribles, mais dont le cri est porteur d’espoir : 

« Il serait temps que l’homme s’aime
Depuis qu’il sème son malheur
Il serait temps que l’homme s’aime
Il serait temps, il serait l’heure
Il serait temps que l’homme meure
Avec un matin dans le cœur
Il serait temps que l’homme pleure
Le diamant des jours meilleurs

« Assez ! Assez ! »

(…)

« Il serait temps que l’homme arrive

Sans l’ombre avec lui de la peur

Et dans sa bouche la salive

De son appétit de terreur. »

Avec François Morel et Claude Nougaro disons, nous aussi, à ceux qui nous gouvernent : Assez ! On n’en peut plus des guerres, des privations, du refus de l’autre, de l’exploitation de l’homme par le milliardaire, des interdits, des censures… On n’en veut plus de notre misère et de nos pleurs.

On veut vivre. Tout simplement.