Louis Imbert est envoyé spécial du Monde en Cisjordanie et il témoigne que la guerre israélo-palestinienne ne se déroule pas qu’à Gaza. Le 21 octobre, il écrit, par exemple : « Des centaines de Bédouins palestiniens sont chassés de leurs terres. Une stratégie de déplacement orchestrée par les colons depuis 2017 et qui s’accélère de façon quasiment invisible depuis le 7 octobre. » Il ajoute que « Depuis le début de la guerre, 545 personnes issues de 13 communautés d’éleveurs bédouins ont été contraintes au départ en Cisjordanie, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (…) Leur sort ne pèse rien en Israël, qui se consume dans son deuil après l’attaque menée par le Hamas, le 7 octobre. Quant aux Palestiniens, leurs yeux sont rivés sur Gaza sous les bombes, ils ont peu de temps pour plaindre ces frères infortunés. »
Les actions sont menées par des colons masqués et armés, entourés de soldats témoigne encore le journaliste. Il rapporte que des habitants ont filmé les violences ; certains ont été arrêtés. On aimerait que le service public de France Télévisions diffuse ces images plutôt que d’avoir une vision univoque des événements.
Pourquoi cette recrudescence d’expulsion des Bédouins palestiniens ? « C’est le fantasme de l’extrême droite israélienne : « le transfert », l’expulsion des Palestiniens hors du « Grand Israël », vers la Jordanie et l’Egypte. Un projet impossible à l’heure actuelle, mais qui se normalise à une vitesse sidérante. »
Louis Imbert ajoute que le Hamas a ouvert une guerre totale : « Sa logique contamine Israël. Des rabbins militaires prêchent aujourd’hui dans les casernes l’éradication ‘’d’Amalek’’, le mal absolu selon la tradition juive, en l’occurrence le Hamas et, pour certains, tout le peuple palestinien. »
Il s’agit d’une stratégie de déplacement de population, qui s’accroit donc depuis 2017 ; en 6 ans, les colons « ont fondé une soixantaine de fermes à travers les zones de Cisjordanie placées sous le contrôle direct de l’armée. Ces fermiers accaparent de vastes terres. Ils dirigent des réseaux mobiles de jeunes gens qui harcèlent les Bédouins, les privent de leurs pâturages et d’accès à leurs sources d’eau. Ils incitent l’armée à détruire toute nouvelle construction. »
François Dubuisson, de l’université libre de Bruxelles, explique dans Télérama que « « Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, a évoqué le 14 octobre un “risque de nettoyage ethnique” à l’encontre des Palestiniens. Cette expression n’a pas d’existence juridique, elle a été utilisée dans le contexte de la guerre en ex-Yougoslavie au début des années 1990 pour qualifier des politiques de la Croatie ou de la Serbie visant à construire des régions ethniquement pures. L’expression a ensuite été reprise par l’Assemblée générale des Nations unies, par le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie, et par la Cour internationale de justice. C’est une manière de caractériser une politique, par exemple un transfert forcé de population – qui peut être un crime de guerre ou un crime contre l’humanité selon son ampleur – ou un génocide, en cas de massacre à très grande échelle. »
Les crimes de guerre odieux du Hamas ne peuvent et ne doivent pas occulter la sale politique de Benyamin Netanyahu et de ses crimes contre les Palestiniens.
Gaza souffre, la Cisjordanie aussi.
Les droits fondamentaux du peuple palestinien sont bafoués, dans l’indifférence allant jusqu’à la complicité de la communauté internationale. On ne peut plus se taire ; il est encore plus nécessaire aujourd’hui de dénoncer le mépris et les humiliations à son encontre.
Faut-il avoir la mémoire courte pour justifier un nettoyage ethnique quand on a connu soi-même la Shoah ?