David Colon, professeur d’histoire à Science Po et spécialiste de la propagande, vient de publier Rupert Murdoch, l’empereur des médias qui manipule le monde aux Editions Tallandier. Olivier Tesquet, journaliste à Télérama, a eu un entretien avec l’auteur dans lequel on peut lire à propos du processus de constitution de l’empire Murdoch :

« C’est d’abord l’application de principes qui lui ont été enseignés par son maître à penser, lord Beaverbrook (fondateur du Daily Express et premier grand baron de la presse britannique après la Première Guerre mondiale) : faire des tabloïds bas de gamme destinés à un public populaire, qui se concentrent sur le crime, les célébrités et le sexe. Cela se traduit en même temps par l’application de principes de gestion qui voient Murdoch remplacer les journalistes assignés au suivi de la vie politique ou économique par de médiocres fait-diversiers pour qui une carrière au sein de la pieuvre News Corp est enviable, avec des possibilités d’ascension très rapides. Il en résulte un constat choquant : Murdoch (naturalisé américain depuis 1985) est sans doute le premier employeur de journalistes au monde tout en ayant avec constance manifesté le plus grand mépris à l’égard des règles éthiques du journalisme. Il estime que la finalité première de ses médias est de répondre aux attentes du public, sans considération pour la recherche de la vérité, ce qui l’a conduit depuis longtemps à diffuser de fausses informations ou des théories du complot. »

Voilà de quoi faire frémir ceux qui croient encore à la démocratie et à la necessaire liberté des journalistes.

Le journaliste n’a pas manqué de faire un rapprochement avec le cheminement de Vincent Bolloré en France. La réponse de l’universitaire est saisissante :

« J’ai écrit ce livre dans l’espoir que nous prenions collectivement conscience de ce qu’implique la concentration des médias. Bien sûr, Bolloré et Murdoch présentent des similitudes. Comme l’Australien, le Français semble vouloir renforcer son pouvoir dans l’univers des médias, du divertissement et de l’édition. Comme lui, il recourt à la propriété croisée, qui permet de posséder à la fois journaux, stations de radio et chaînes de télévision. CNews suit la même démarche politique que Fox. Mais la vraie différence, c’est la prégnance du fait religieux : jamais Murdoch n’aurait diffusé de messe en direct — Vincent Bolloré l’a fait avec CNews lors de l’Assomption en 2021. »

David Colon, avec son livre, est un lanceur d’alerte : l’information est en grand danger en France avec ces patrons milliardaires qui ont fait main basse sur les médias, écrits et audiovisuels, l’édition et la culture.

Ces quelques phrases viennent alimenter le nécessaire débat sur la liberté d’informer, quand le débat a été tronqué au Sénat par des Bolloré, Arnaud et consorts, plus menteurs les uns que les autres.

L’information est quasiment passée inaperçue, mais elle est inquiétante, terriblement. Emmanuel Macron a embauché un nouveau communicant, Frédéric Michel, un proche de la famille Murdoch et du New Labor de Tony Blair. Les journalistes sont prévenus : attention aux « fake news » !