A quoi ressemble une vraie démocratie par le peuple et pour le peuple ? Vaste question à laquelle il est très difficile de répondre dans un pays au régime autoritaire. En revanche, peut-on prétendre que le gouvernement d’Elisabeth Borne est le gouvernement du peuple après son recours à l’article 49-3 de la Consitution à deux reprises en 24 heures ?
Le peuple qui devrait administrer le pays a vu ses élus perdre leur pouvoir législatif. On constate chaque jour que le peuple est gouverné, certes, mais de façon éloignée, c’est-à-dire ni par lui-même, ni pour lui-même. Le pouvoir est confisqué par une petite caste, logée à l’Elysée, qui a fait un choix de société. Elle ne veut ni le bien, ni le bonheur du peuple, mais celui de quelques-uns et de leurs entreprises, dont les profits alimentent des fonds spéculatifs majoritairement domicilé aux Etats-Unis.
Le pouvoir a été confisqué par un énarque-banquier qui n’a recueilli que 20 % des suffrages du peuple au premier tour de l’élection présidentielle, mais qui déclare avoir été élu sur son programme par la majorité du peuple. Il est assujetti à un pouvoir économique et financier qui échappe au peuple et le conduit au ‘’marché’’. Celui-ci plonge la société dans la crise et l’enferme dans un régime où toute vélléité de régulation est entravée et toute notion d’intérêt général dénaturée.
Ce matin, par exemple, 4000 professionnels de la pédiatrie ont rendu publique une lettre ouverte à Emmanuel Macron, dénonçant la saturation des services de réanimations pédiatriques, contraignant le transfert d’enfants hospitalisés à Paris vers les établissements de Reims, Rouen, Amiens, Orléans, alors que leur situation était critique. Ils dénoncent aussi l’attitude du ministre, François Braun, lui-même médecin, jugeant « récemment que nous avions l’habitude de ces pics hivernaux et que ces transferts se font sans mettre en danger les enfants. »
Les pédiatres tiendront, comme d’habitude, écrivent-ils, « et l’hiver passera, nous ne dormirons pas, même dans notre sommeil nous veillerons sur eux au détriment de notre santé. Certains d’entre nous partiront, encore, les internes désabusés quitteront l’hôpital dès leur formation terminée, les jeunes infirmier-es changeront de métier, découragés. D’autres lits fermeront dans l’indifférence, la santé des enfants continuera à se dégrader, insidieusement, sous nos yeux mais sans jamais apparaître dans les tableurs Excel que vous consultez. »
Ils lancent un cri d’alarme à Emmanuel Macron : « Monsieur le Président, la pédiatrie ne parait plus être une priorité, pourtant ces enfants sont l’avenir. Les dirigeants actuels et passés ont fermé les yeux sur l’abandon de l’hôpital public et des services de pédiatrie. Ils sont désormais responsables des conséquences sur la santé des enfants. »
Autre exemple, de choix de société, la grève des enseignants de lycées professionnels, en lutte contre le projet de réforme faisant passer le nombre de semaines de stages obligatoires en entreprise de 22 à 33 semaines et réduisant de ce fait le nombre d’heures d’enseignement de 3890 à 2520 sur l’ensemble du parcours de trois ans conduisant au baccalauréat professionnel.
Pour les enseignants, cette réduction des enseignements est une aberration, qui vise, en fait, à calquer les diplômes sur les besoins immédiats des entreprises et de l’économie locale. Le projet tire un trait sur les compétences générales et met le service public de l’éducation nationale des futurs ouvriers et employés au service exclusif des patrons. Le choix de société est à courte vue, car si les salariés sont immédiatement opérationnels, ils seront de futurs chômeurs quand les entreprises disparaîtront ou modifierons leur process de travail.
Concammitamment, les lycées professionnels disparaissent pour laisser la place aux Centres de formation des apprentis (CFA), structures privées. Comme pour l’hôpital public.
On pourrait examiner la situation de tous les secteurs d’activité pour s’apercevoir que tous sont atteints du même mal et font l’objet de toutes les attentions de la part de ce noyau d’usurpateurs logés sous les ors de la République. Dans une tribune publiée dans Le Monde, deux économistes, Jean-Claude Barbier et Michaël Zemmour, ont pu écrire : « Les réformes de l’exécutif visent à conforter une rupture avec le développement historique du sytème social français. »
Le service public de l’audiovisuel n’échappe pas à cette politique d’effacement au profit du privé et, donc, du marché. Il est dans l’ordre des choses capitalistes que les choix éditoriaux ne laissent qu’une portion congrue à ces problèmes.
Le pouvoir démocratique est à reconquérir pour faire échec à ce régime autoritaire, appelé parfois libéral, conservateur ou social-démocrate. Pour redonner tout son sens à l’expression : gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.